Suite de notre article sur les élections européennes : après avoir fait un bilan des candidat.es "souverainistes", nous vous proposons de décortiquer les deux listes "identitaires", en commençant par "la Ligne Claire" de Renaud Camus et, dans un article à paraître demain, en concluant avec la liste "Reconquête" de Vincent Vauclin.
Comme à chaque élection européenne, du fait du scrutin à la proportionnelle, les petites formations sont nombreuses à tenter leur chance, ou du moins à profiter de l’occasion pour faire parler d’elles, entre autres à l’extrême droite, souvent en surfant sur l’actualité du moment. En 2014, en plein mouvement homophobe de la Manif pour Tous on avait eu par exemple droit à Force Vie, dont on vous avait parlé ici. Désormais, ce sont les Républicains, en la personne de François-Xavier Bellamy, ancien "Veilleur" et co-fondateur de Sens commun, qui assure la présence d’une droite réactionnaire et patriarcale dans la campagne électorale.
Cette année, l’extrême droite a certes tenté de récupérer sur le plan électoral le mouvement des Gilets jaunes (voir article précédent), mais devant l’échec de cette stratégie, certaines listes, "identitaires", comme la liste "Ligne Claire" de Renaud Camus et la liste "Reconquête" de Vincent Vauclin, ont préféré revenir aux fondamentaux et miser sur la théorie fumeuse du "Grand Remplacement" afin de se démarquer comme elles peuvent des listes qu’on peut qualifier de "souverainistes".
Dans les grandes lignes
Le monde dans lequel pensent vivre Renaud Camus et Karim Ouchikh a au moins le mérite de la simplicité (les mauvaise langues diront du manichéisme) : selon eux, " d’un côté, il y a ceux qui acceptent le changement de peuple et de civilisation, soit parce qu’ils en nient l’existence, soit parce qu’ils n’en sont pas dérangés, soit parce qu’il sert leurs intérêts ; de l’autre il y ceux qui aimeraient mieux mourir que de s’y résigner. " On vous laisse deviner de quel côté de cette "Ligne claire" (le nom de leur liste) les deux loustics se positionnent : si ce n’est pas assez clair, justement, ils assènent : " le Grand Remplacement est le seul problème sérieux, qui rend secondaires tous les autres, même les plus graves, et qui empêchera toujours de leur trouver une solution ."
C’est autour de cette fine analyse des problèmes économiques et sociaux que s’est constituée leur liste, dont ils avaient parlé pour la première fois dans Valeurs actuelles en octobre 2018, et qu’ils souhaitaient composée " des résistants, des dissidents, des réfractaires antiremplacistes ", mais où l’on retrouve surtout de parfaits inconnus du grand public, à l’exception notable de Fiorina Lignier, éborgnée lors d’une manifestation de Gilets jaunes (avec un goût douteux, Camus dit d’elle : " elle n’a qu’un œil, mais elle voit mieux que vous ! "), devenue depuis la martyre préférée du mouvement à l’extrême droite. Il faut dire que, lorsqu’elle avait encore ses deux yeux, en novembre, elle fricotait avec la Cocarde Etudiante d’Amiens, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous : au centre avec les lunettes le responsable de la Cocarde Amiens, à sa droite Fiorina, à sa gauche un membre de Génération Identitaire d’Amiens, derrière lui Maxime Jacob (le compagnon de Fiorina). Sur la photo de groupe de la Cocarde en bas, on aperçoit également Clara Buhl, qu’on retrouve elle aussi (en 22e position) sur la liste de Renaud Camus.
NON, c’est non !
Ce n’est pas la première tentative électorale de Renaud Camus, puisque aux européennes de 2014, il s’était déjà lancé dans l’aventure. Reprenant les termes de son appel lancé en décembre 2013 pour dire "NON au Changement de Peuple et de Civilisation" (les majuscules sont de lui !), Renaud Camus crée un groupuscule éponyme [1] avec lequel, associé au parti de l’In-nocence dont il est également le président (pratique !), Camus monte une "Liste antiremplaciste Sud-Ouest— NON au Grand Remplacement".
Deux coquilles vides pour monter une liste ne pouvaient déboucher que sur des résultats proches de zéro, au sens strict du terme : présente uniquement dans le Sud-Ouest, elle obtient 0,04% en Languedoc Roussillon, 0,06% en Midi-Pyrenées et 0,04% en Aquitaine. Ça pique !
Pêche à la ligne
De cette première tentative, il ne reste que trois noms sur la liste actuelle (Bertrand Dellinger, Sophie Tenante et Jeanne Lloan), les autres n’étant certainement pas prêt.es à subir un nouvel échec cuisant. Il est également étonnant de ne retrouver sur la liste très peu de membres du Conseil National de la Résistance Européenne (CNRE).
En effet, dans cette énième structure fantomatique montée en juin 2018, Renaud Camus avait rassemblé autour de lui quelques "personnalités" généralement solidement ancrées à l’extrême droite, à qui il avait fait prendre la pose devant le château de Plieux, la modeste demeure où il habite : Philippe Martel (ex-directeur de cabinet de Marine Le Pen), Alain de Peretti (Vigilance Halal, c’était lui !), le général à la retraite Christian Piquemal, le général Antoine Martinez (président de Volontaires pour la France), Christian Vanneste (Rassemblement Pour la France), Damien Rieu (Génération identitaire), Richard Roudier (Ligue du Midi), l’islamophobe Alain Wagner, le "gilet jaune" d’extrême droite Frank Buhler… Autant de figures qui aurait donné un peu de cachet à la liste !
En guise de "guest stars", Camus doit se rabattre sur Bruno Lafourcade, un romancier ultra-réac, lui aussi au CNRE, auteur sur Riposte laïque (où il a signé un article particulièrement crapuleux sur notre camarade Clément Méric) et Boulevard Voltaire. Pas de quoi se relever la nuit… Et puisqu’on parle "littérature", on peut signaler sur la liste la présence d’Elisabeth Lalesart, qui a milité au FN (elle a été conseillère municipale sous cette étiquette à Saint-Cyr-sur-mer) avant de rejoindre le Parti de la France, mais qui est surtout "connue" pour avoir écrit Pas de Voile pour Marianne , édité par Riposte laïque.
Les copains d’abord
Renaud Camus, fidèle en amitié, n’oublie pas les copains, puisqu’on retrouve sur sa liste plusieurs de ses vieux amis, dont ses deux témoins à son procès de février 2014 pour incitation à la haine raciale.
Farid Tali, professeur de français dans un collège, a publié avec Renaud Camus, Incomparable en 1999, c’est-à-dire avant que le vieux ne radote sur le Grand Remplacement, et leur collaboration est alors littéraire. Mais Tali a également fait partie du collectif Racine, collectif frontiste que nous vous avions présenté ici, ce qui montre que lui aussi a suivi la même pente savonneuse vers la droite.
Deux retraités présents sur la liste sont aussi des familiers de Camus : Marcel Meyer (qui était venu lui aussi venu à la barre pour soutenir Camus) est un "historique" du Parti de l’In-nocence, dont il est le trésorier ; et Jeanne Lloan, militante communiste dans ses vertes années, souvent invitée au château. Faudrait pas vieillir…
Pour le reste, on y trouve d’anciens candidats FN (Marina Do Santos, Hugues Sion, Émilie Gouthier, Ariane Blomme et Catherine Dorten, entres autres) et surtout des cadres ou candidats du SIEL, dont nous vous avions déjà parlé ici. Logique, puisque Karim Ouchikh en est le président : en revanche, on pourrait s’étonner de l’absence du reste du bureau national du mouvement, ainsi que de certains délégués nationaux. Certains ont un petit parcours dans différents mouvements de la droite extrême ou de l’extrême droite : ainsi, Alain Rousseau est un ancien candidat FN qui avait fait ses premiers pas au Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villliers, dont il avait présidé la section du Finistère, avant de quitter le parti en 2008 et de rejoindre le Rassemblement Bleu marine et le SIEL.
Si, on ne trouve pas, sur la liste de Renaud Camus, de spécimens d’ homo fascistus tels qu’on peut en voir sur celle de Vincent Vauclin qu’on vous présentera demain, la radicalité du propos n’en demeure pas moins. Aussi insignifiants soient-ils, les xénophobes et islamophobes autour de Renaud Camus devront trouver les antifascistes sur leur route. Point à la ligne.
La Horde