Cocarde—invit

Fin août, le Front national se lançait à l’assaut de Sciences Po avec son collectif Marianne, une initiative mené par Aymeric Merlaud, un protégé de Sébastien Chenu (ex-secrétaire national de l’UMP passé au Rassemblement Bleu Marine), qui déclarait au Figaro : « nous avons réussi à réunir des anciens du Mouvement des Jeunes socialistes, des Républicains, et même du Front de Gauche [et sommes ] en discussion avec des souverainistes de Debout la France et du Mouvement Républicain et Citoyen . » À la rentrée, c’est un ancien responsable Jeunes Droite Populaire, Maxime Duvauchelle, qui a invité ses petits copains du FN et de Debout la France pour lancer un nouveau syndicat étudiant nationaliste : la Cocarde étudiante. Tandis que les dirigeants actuels de ces différentes formations continuent à entretenir l’illusion de leur différence pour justifier leur concurrence électorale, ceux de demain sont déjà main dans la main pour nous préparer le nationalisme unifié à venir, avec le « souverainisme » en guise de cache-sexe.

Le 4 septembre dernier, des anciens de l’UNI annoncent donc officiellement le lancement d’un nouveau syndicat étudiant, la Cocarde Etudiante (en réalité créé en mai dernier), qui se définit comme « souverainistes et profondément gaullistes » et se veut indépendant, à la différence de l’UNI financé par les Républicains, et l’UNEF inféodé au PS (la Cocarde se prétend pudiquement financée par "la société civile"). La Cocarde revendique une quinzaine de sections en France, à Paris sur Assas et la Sorbonne, à la Catho de Lille, à Pau etc. Son président, Maxime Duvauchelle, étudiant à Assas, est un ancien de l’UNI et un ex-responsable des jeunes de la Droite Populaire, une tendance créée au sein de l’UMP par d’anciens militants du MIL ou du GUD dans leur jeunesse, et chargée de défendre une ligne dure au sein du parti de Nicolas Sarkozy. On avait pu également voirDuvauchelle lors du « fameux » réveillon parisien de décembre 2014 qui avait rassemblé des jeunes de l’UMP et du FN, et où Philippot était venu passé une tête le temps de quelques selfies .

Cocarde étudiante
Au centre, avec le t-shirt noir, Maxime Duvauchelle, président de la Cocarde étudiante.

C’est donc sans surprise qu’on retrouve au sein de la Cocarde étudiante non seulement des déçus de l’UNI ou des militants des Républicains, mais également un certain nombre de militants du Front national, plutôt tendance Philippot, dont le « gaullisme » s’est manifesté lorsque pour la première fois, à son initiative, le Front national a officiellement rendu hommage au Général de Gaulle en allant fleurir sa tombe en novembre 2014 à Colombey-les-Deux-Églises, faisant grincer les dents des « historiques du FN », qui, entre autres, ne pardonnent pas au Général l’abandon de l’Algérie.

La Cocarde ne cache d’ailleurs pas son œcuménisme, puisqu’il reconnait être composé pour un quart de Républicains, un quart de frontistes, et un quart de militants de Debout le France, le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan : ce qui est assez cocasse quand on sait que ces trois formations refusent officiellement tout accord électoral, et se bouffent régulièrement la laine sur le dos. Alexandre Loubet, le patron des jeune de DLF, déclare à propos de ce rapprochement avec le FN : « Cela ne nous pose pas de problème qu’il y ait des adhérents du FN, mais l’organisation doit rester indépendante et nous prendrions nos distances si elle s’en rapprochait trop ».

Kelly Betesh et Edouard Marchand
Kelly Betesh et Édouard Marchand, le trésorier de la Cocarde étudiante.

Du côté du parti de Marine Le Pen, on est moins prudent, même si la concurrence avec le collectif Marianne pourrait poser problème. Ainsi, pas question de laisser Sciences Po Paris à la Cocarde, où le FN s’affiche ès qualités. Mais pour le reste, les fidèles de Philippot ont massivement rejoint la Cocarde, et on retrouve sans surprise quelques têtes connues, comme Kelly Betesh [1], responsable de La Cocarde étudiante à Paris-Descartes, ou Gilles Parmentier, conseiller municipal FN à Villiers-sur-Marne (94) pour l’université Paris 8 Vincennes, et surtout de jeunes militants qui trouvent là une façon d’avoir leurs premières responsabilités politiques.

Dussausaye et ses amis
De gauche à droite : Ruben Saura, Gaétan Dussasaye, Pïerre Charron.

Gaëtan Dussausaye, le patron du Front National de la Jeunesse (FNJ), était d’ailleurs présent lors de la soirée de la Cocarde le 2 octobre dernier à la Croisette parisienne, où il y avait à boire et à manger, à tous les sens du terme. Ainsi, pour l’anecdote, sur l’une des photos de la soirée publiée sur Facebook, on peut voir Dussausaye en bonne compagnie, avec à sa gauche Pierre Charron (ne pas confondre avec le moraliste du XVIe siècle !), un responsable des traditionalistes Scouts d’Europe, et à sa droite Ruben Saura, qui a mis en émoi le petit monde nationaliste cet été. Eeffet, Saura est accusé par certains, dont le blogueur ultranationaliste breton Boris Le Lay, d’être l’agresseur en juillet dernier de Jérôme Bourbon, le directeur du très antisémite hebdomadaire Rivarol [2]. Décidément, ces petits jeunes n’ont pas le respect de leurs anciens !

autocollant Cocarde

Pour ce qui est du programme de la Cocarde étudiante, sur le papier, on ne voit pas trop la différence avec celui de l’UNI, et les revendications sont assez banalement réactionnaires et élitistes : rejet de « l’égalitarisme », sélection à l’entrée à l’université, plus d’autonomie pour les universités… même si la Cocarde refuse l’étiquette ultralibérale (pour faire plaisir au FN, sûrement). Mais en réalité, au-delà du « gaullisme » affiché et des revendications proprement estudiantines, c’est bien en créant de véritables passerelles avec le milieu nationaliste que la Cocarde se distingue des autres syndicats de droite. Dans cette perspective, quoi de plus consensuel que de dénoncer « l’invasion » des migrants et l’islamisme rampant ? C’est donc sur ces thématiques que la Cocarde étudiante entend s’adresser aux étudiants « bien de chez nous »… Autre initiative, Maxime Duvauchelle, le 23 septembre sur la webTV d’extrême droite TV Libertés, annonce une conférence organisée pour la mi-octobre de SOS Chrétiens d’Orient : loin de mener de simples opérations humanitaires, cette association, épinglée par le site antifasciste REFLEXes, est en réalité en croisade contre « l’islamisation » du monde, et accueille en son sein de nombreux militants d’extrême droite, en particulier des Identitaires.

Pas de doute, la Cocarde étudiante est un signe de plus que l’avenir de la droite est bien à l’extrême droite, et que la frontière entre les différentes formations qui la composent est de plus en plus artificielle. À qui profitera cette situation ? L’élection de 2017 pourrait malheureusement répondre à cette question… Et nous verrons alors probablement tous ces jeunes ambitieux venir à la gamelle frontiste.

La Horde

Notes

[1Proche de Florian Philippot, c’est elle qui avait publié les photos du fameux réveillon. Le FN aime la mettre en avant dans les manifestations et même sur des affiches officielles. Elle est également la petite amie de Jordan Bordella, responsable du FN sur la Seine Saint-Denis. plus d’infos sur la demoiselle ici.

[2Une vidéo postée sur Youtube et intitulée " Le directeur du journal Rivarol se fait agresser par un antifa " (sic) montre en effet Jérôme Bourbon en train de se prendre une petite claque avant de s’enfuir en courant. Pourquoi Le Lay a-t-il ensuite sorti le nom de Ruben Saura, avec au passage une photo et l’adresse de son lieu de travail ? L’obsession antijuive du personnage ne peut pas tout expliquer ; en revanche, le fait qu’au même moment il est en contact avec Bourbon pour une interview (qui sera publié dans Rivarol une semaine après l’agression) rend sa dénonciation plus crédible. Après, dénoncer un Juif, c’est une vieille habitude dans ce milieu…