Bien plus discrète et contrôlée que lors des Manifs pour Tous d’il y a 5 ou 6 ans, la présence de l’extrême droite dans l’immense cortège du dimanche 6 octobre contre la PMA était pourtant bien réelle : mais sans visibilité, on se demande quel bénéfice les différentes formations présentes ont pu en tirer, et si elles ne considèrent pas déjà la mobilisation anti-PMA comme un combat perdu d’avance.

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[Photo : La Horde]

Dimanche 6 octobre, la manifestation anti-PMA organisé par La Manif Pour Tous (LMPT), Alliance Vita et diverses organisations catholiques, a été avant tout une démonstration de force, car avec près de 100000 personnes dans la rue, elle reste la plus grosse mobilisation parisienne de l’année 2019, pourtant bien mouvementée entre les samedis des Gilets jaunes et les différents mouvements sociaux (éducation, retraites…).

Elle aura également atteint son objectif en terme d’image : seule la propagande officielle du collectif « Marchons Enfants » était visible, et toute la communication autour de l’événement était soigneusement contrôlée, pour éviter aux plus radicaux de se signaler et de « ternir » l’image d’un mouvement qui se prétend plus large qu’il ne l’est en réalité.

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Une manif sous contrôle [Photo : La Horde]

Stéphanie Bignon, présidente de Terre & Famille, un groupuscule contre-révolutionnaire, a donné un exemple de cette volonté d’aseptiser le cortège : selon elle, « un courageux manifestant de 82 ans » a vu sa pancarte « Arrière Satan ! La France est ici, avec Dieu  » détruite par le service d’ordre de la manif. Celui qui se fait appeler Thibaut le Chouan sur les réseaux sociaux, et qui est l’un des 3 journalistes du "Média pour Tous", la chaine que Vincent Lapierre a crée lorsqu’il s’est brouillé avec Soral, se serait lui aussi fait sortir pour avoir agiter un drapeau à fleurs de lys…

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Il est d’ailleurs notable que pratiquement aucun tract d’organisation nationaliste ou même simplement catholique n’a été, à notre connaissance, distribuée à la manif, à l’exception notable de celui d’Academia Christiana. Malgré tout, la plupart des mouvements d’extrême droite (surtout la plus réactionnaire) et leurs leaders avaient fait le déplacement, mais ils ont été dans l’incapacité non seulement d’organiser leur propre cortège au sein de la manif, mais même tout simplement d’afficher leurs couleurs. De fait, ils se sont retrouvés pour la plupart totalement invisibilisés.

Prenons Civitas : si on a bien aperçu son président, Alain Escada, c’est tout seul au milieu de la foule, avant qu’il ne soit rejoint par une demi-douzaine d’autres « personnalités » d’extrême droite ; Alexandre Gabriac, secrétaire aux fédérations de Civitas, était là aussi, mais semblait lui aussi isolé.

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Alexandre Gabriac et Alain Escada contre la PMA [Photos : La Horde]

Au moment de la mobilisation contre le mariage pour tous, en 2012-2013, Civitas avait été à l’avant-garde, en manifestant avant même la création de la Manif pour Tous, et le mouvement national-catholique avait su faire entendre sa petite voix intégriste tout au long du mouvement. Rien de tel cette fois-ci : Civitas a fait le service minimum, y compris après la manif, oubliée dans sa communication dès le lendemain. Pourtant on sait au regard de leur « fête du Pays Réel », dont c’était la 3ème édition cette année, que Civitas conserve une capacité de mobiliser, du moins sur le plan national, quelques centaines de personnes, cela se voit aussi lors de la fête de Jeanne d’Arc à Paris en mai.

Du côté du Rassemblement national (ex-Front national), fini de s’afficher fièrement dans la manif, comme en 2014 :

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Cette année, si Louis Aliot avait annoncé qu’il envisageait de manifester contre la PMA, il a finalement préféré rester tranquillement dans sa région pour assister à un match de rugby de deuxième division. Il n’était donc pas aux côtés de Nicolas Bay, Gilles Lebreton (un ancien du RPF et du SIEL) et Stéphane Ravier qui menait la petite troupe d’élu·e·s RN venu·e·s manifester. Gilbert Collard était là lui aussi, mais un peu à l’écart de ses petits camarades, tout comme Bruno Gollnisch, que nous avons croisé bien loin de ses camarades du RN.

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Gilbert Collard, toujours prêt à passer à la télé, et Bruno Gollnisch, qui avait l’air un peu perdu…

Enfin, la présence de Marion Maréchal, pourtant largement annoncée dans la presse avant la manif, a été pour le moins discrète, plus aux abords de la manif qu’au milieu du cortège.

Du côté des radicaux, les débris de l’ancienne Œuvre française, regroupés sous le nom « les Nationalistes », n’ont pas eu d’autres choix pour faire parler d’eux que de chahuter des journalistes. Yvan Benedetti, accompagné de deux « gros bras », dont un ancien du DPS (l’ex-service d’ordre du Front national) et flanqué de son compère l’antisémite multirécidiviste Hervé Ryssen, s’en est en effet pris à une équipe du Quotidien sur TMC : une vidéo, dans laquelle Benedetti semble dans un état second, les montre jouant les fiers-à-bras incapables d’aligner plus de deux mots, dont l’acte de bravoure s’est résumé à la destruction d’un micro.

Signalons au passage que les deux compères arboraient fièrement leurs gilets jaunes, mais pour ainsi dire personne dans la manif ne portait le fameux chasuble. Un rédacteur du Salon beige , Philippe Suvigny, avait rêvé sur NOVOPress en août dernier d’une possible convergence LMPT/GJ pour le 6 octobre. Il est clair qu’il n’en a rien été, et que le mouvement GJ semble définitivement perdu pour le camp réactionnaire (ce dont on ne peut que se réjouir évidemment). Il y avait bien un regroupement d’une dizaine de personnes derrière une banderole « Gilets jaunes Convergence Manif pour Tous », mais d’autant plus suspect que Benedetti était justement avec eux !

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Finalement, c’est plutôt dans le cortège porté par la Cocarde étudiante qu’on pouvait le plus « s’afficher ». Ainsi, au premier rang, les militants de l’organisation étudiante prônant l’union de toutes les droites, avaient osé coller un autocollant de leur logo sur leur poitrine, donnant ainsi une légère coloration politique à leur manif, qui s’était un peu démarquée de la manifestation principale d’une part en partant de la place Edmond Rostand à côté du Jardin du Luxembourg pour aller à Montparnasse, en prenant un parcours officieux par rapport au parcours prévu, et d’autre part en traînant dans ses rangs quelques jeunes militants radicaux.

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La manif de la Cocarde étudiante

C’est là qu’on a pu voir une poignée de militants de la Dissidence française, mouvement néofasciste dirigé par Vincent Vauclin, présent dans le cortège. Ce dernier a cru bon de préciser sur les réseaux sociaux que la Dissidence française était venue "en nombre", mais pour notre part, nous n’avons dénombrer qu’une demi-douzaine de militants, pour l’essentiel venus du 93, comme Laurent Spagnol. Était également avec eux Maxime Brunerie, le militant nationaliste qui avait tenté le 14 juillet 2002 d’assassiner Jacques Chirac, tout nouvellement élu président de la République.

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Brunerie, qui n’a cessé de prétendre que son geste n’avait rien de politique, qui, lors du récent décès de Chirac, a même exprimé des regrets dans la presse, et pourtant devenu ces dernières années un habitué des rendez-vous de l’extrême droite radicale : présent lors des dernières journées de Synthèse nationale (y compris celle du week-end dernier) ou à la fête de Radio-Courtoisie. Il semble avoir le remords à géométrie variable !

Aux côté de la Cocarde étudiante, on trouvait également l’Action française, du moins sa branche jeune issue de la scission de l’été dernier.

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l’AF à la manif : entre esprit de camaraderie et homoérotisme larvé…

Rôdant aux abords, quelques Zouaves étaient aussi de la partie, mais plutôt en spectateurs … se contentant de s’en prendre au rappeur antisémite Amalek, ce dernier les traitant du coup « d’antifas d’extrême droite », : on reconnait bien là la grande capacité d’analyse d’Amalek, jamais avare d’inepties, et l’incapacité des Zouaves à s’exprimer autrement qu’avec leurs poings.

En conclusion, on peut dire que la manifestation de dimanche, impressionnante par le nombre de participants, semble pourtant sans perspective politique, et surtout s’est révélée bien terne. Un fantômatique « Cache-cache pour Tous », qui devait créer la surprise, avait bien été annoncé sur les réseaux sociaux, mais sera resté sans suite. Finalement rien n’aura marqué les esprits, et, pour ce qui est de l’extrême droite radicale, la manif aura été pour elle un non-événement, alors qu’elle aurait pu être l’occasion pour toutes ces petites formations souvent isolées l’occasion de se retrouver et de se coordonner. On ne va pas se plaindre qu’elles en aient été incapables !
La Horde