Parce que leur salle de prière a été fermée par la mairie un millier de musulmans de Clichy-la-Garenne s’étaient rassemblés au mois de mars 2017derrière une banderole « Tous ensemble pour la mosquée de Clichy. Liberté, égalité, fraternité pour tous » . Par la suite, ils ont organisé, toujours en guise de protestation, des prières devant la mairie, pour signifier leur impossibilité de pratiquer leur religion dans des conditions décentes. En réponse à cette absence de locaux adéquats, le maire LR Rémi Muzeau avait proposé dans un premier temps un chapiteau pour six mois (solution rejetée par l’association de la Grande Mosquée de Clichy qui voulait une solution pérenne). Depuis, la situation est bloquée, le nouveau local proposé par la mairie ayant été refusé par les fidèles musulmans, en raison de sa situation géographique et de son exiguïté.

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Manifestation de musulmans à Clichy pour demander une salle de prière.

C’est dans ce cadre que ce vendredi 10 novembre, le maire a appelé à un rassemblement « contre les prières de rue ». Il a reçu le soutien de l’Association des maires d’Île-de-France, appelant à « défendre la laïcité républicaine et l’État de droit  » . Soit dit en passant, on se demande où étaient donc tous ces élus lorsque, dans le sillage des manifs homophobes contre le mariage pour tous (pourtant une loi de la République), des centaines de catholiques envahissaient des soirées entières l’espace public pour prier en chœur, à l’instar des" Veilleurs" ? Combien d’élus de droite y avait-il même dans leurs rangs ?

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Saurez-vous reconnaitre une bonne prière de rue d’une mauvaise ? En haut, les Veilleurs en plein Paris le 31 août 2014. En bas, des musulmans à Clichy.

De toute évidence, leur intolérance aux prières de rue est à géométrie variable. Quoiqu’il en soit, ce vendredi, hurlant "la Marseillaise" à pleins poumons, ce sont donc une soixantaine d’élus du conseil municipal, des villes voisines et du Conseil régional [1] qui se sont rassemblés, Valérie Pécresse en tête. Si la manifestation était surtout composée d’élus Les Républicains, quatre élus FN étaient également présents dans le cortège : les conseillers régionaux Mathilde Androuet (ancienne adjointe de Julien Rochedy au FNJ sous le pseudonyme d’Elsa Vassent), Audrey Guibert et Aurélien Legrand, et un élu de Suresnes, Laurent Salles. Quelques militants d’extrême droite, dont Génération identitaire Paris, se sont également vantés d’avoir fait le déplacement.

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Une initiative saluée aussi bien par le FN que par les Identitaires. C’est "républicain", on vous dit…

Mais c’est surtout l’attitude offensive des manifestants à l’égard des musulmans présents qui fait froid dans le dos. Chaud bouillant, le cortège "républicain" aurait, selon Europe 1 ou Le Parisien, repoussés violemment les fidèles musulmans, entraînant chutes et bousculades.

#Clichy Toujours plus loin dans le surréaliste : ce sont bien des élus avec leurs écharpes qui ont tenté d’aller bousculer les fidèles. Mouvement de foule, bousculade, chutes... Les gendarmes s’interposent. pic.twitter.com/I131eryIMq

— Théo Maneval (@TheoManeval) 10 novembre 2017

Comme on peut le voir ci-dessous sur une autre vidéo, mise en ligne par LCI, nos "défenseurs de la République" ont pu compter sur une police municipale motivée, qui, gilets tactiques sur le dos, semblait faire office de service d’ordre de la manif, et qui a joué une part active dans la bousculade, un des responsables de la police municipale, particulièrement déchaîné, n’hésitant pas à arracher la banderole "Liberté, Égalité, Fraternité pour tous" du rassemblement musulman. Tout un symbole…

On pouvait déjà voir ce même policier, en tête de cortège, arborant fièrement un patch "si vis pacem parabellum" (qui veut la paix prépare la guerre), illustré du logo du Punisher, un personnage de comics adepte des exécutions sommaires.

Pascal Gilles
A. Pascal Gilles et son patch "si vis pacem para bellum". B. Valérie Pécresse. C. Rémy Muzeau.

Intrigués, nous avons voulu en savoir plus sur la police municipale de Clichy. Nous avons appris sur le site de la ville que le policier en question était Pascal Gilles, numéro deux de la police municipale, par ailleurs professeur de penchak silat, un art martial indonésien.

Pascal Gilles
PAscal Gilles en pleine action : attention, ça pique les yeux !

Mais il également instructeur "expert" en boxe de rue et instructeur de tonfa, deux disciplines fondées par l’ancien instructeur du RAID, Robert Paturel, avec qui Gilles a co-animé plusieurs stages de self-defense. Deux potes, quoi.

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Robert Paturel et Pascal Gilles.

Ce n’est donc sûrement pas tout à fait par hasard si la police municipale de Clichy a également suivi un stage de deux jours avec Robert Paturel, qui leur a appris entre autres « toutes les approches d’arrestation et de maîtrise au corps à corps ». Si nous ne mettons pas en doute les compétences de Paturel en matière de combat rapproché, ses prises de position idéologiques, en particulier sur la présence des musulmans en France, sont plus discutables.

Robert Paturel a récemment fait parler de lui comme un des porte-parole du mouvement de policiers non-syndiqués en 2016, au cours duquel des manifs sauvages, dont une sur les Champs-Élysées, ont rassemblés des policiers souvent cagoulés et parfois armés. Rappelons que le leader de ce mouvement, Rodolphe Schwartz, qui n’était d’ailleurs pas policier, avait été sur la liste Front national dans le 18e arrondissement de Paris lors des élections municipales de 2014, et considéré par la presse comme « proche des milieux d’extrême droite ».

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Des policiers masqués en manif sauvage en octobre 2016.

Paturel, lui, réfute d’être d’extrême droite, et pourtant, dans une interview donnée en décembre 2015 à Breizh-info, un site identitaire breton, celui qui se dit simple "patriote" n’hésite pas à déclarer, pour justifier le fait qu’il faille dès le plus jeune âge apprendre à se défendre comme une agression : « Il faut que les gens sachent que les musulmans seront majoritaires dans une trentaine d’années, peut-être moins vu les flux de réfugiés. Et cette fois nous serons bien contraint de filer doux ou de disparaître. » Par ailleurs, Paturel s’exprime régulièrement dans le quotidien national-catholique Présent , et a publié des livres aux éditions Folfer, dirigées par un des principaux collaborateurs de Présent , Alain Sanders, avec qui il partageait le stand que les éditions tenait à la fête de Radio Courtoisie en 2015.

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Pour en revenir à ce qui s’est passé à Clichy, il n’est certes pas étonnant de trouver une police municipale friande de méthodes musclées dans une ville que Rémi Muzeau a emporté grâce au soutien de celui dont il était l’adjoint, le maire de Levallois Patrick Balkany [2]. En effet, Balkany est entre autres connu pour sa politique ultra-sécuritaire initiée au milieu des années 1990 : la ville lui doit non seulement une vidéo-surveillance intensive, mais aussi d’avoir le premier équipé des policiers municipaux de 357 Magnum [3]. Une mesure qui avait fait scandale à l’époque, mais qui a fait du chemin depuis puisqu’en avril 2015, le gouvernement PSmet à disposition 4 000 revolvers du même calibre pour équiper les polices municipales des mairies qui en feraient la demande.

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Le racisme est un poison autocollant de La Horde

Pour conclure, la laïcité, est, doit-on le rappeler, "l’impartialité ou la neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses" : reconnaissons qu’avec cette manifestation de représentants de l’État ce vendredi contre des citoyens demandant à pouvoir exercer leur religion dans des conditions décentes, et surtout avec l’attitude offensive de la police municipale pourtant chargée de maintenir l’ordre, on en était bien loin…

Alors qu’il y a à peine quelques années, lorsque les Identitaires ou Riposte laïque s’insurgeaient contre les prières de rue musulmane, tout le monde, médias compris, les dénonçait pour ce qu’ils étaient, à savoir des islamophobes. Aujourd’hui, ce sont des responsables d’un parti dit "de gouvernement" qui, l’extrême droite à leurs côtés, et sans que personne ne semble vraiment s’en émouvoir, légitiment ces postures racistes.
La Horde