Jeudi 22 septembre s’est tenu à Paris une "convention présidentielle" du Front national consacré à l’école. Marine Le Pen y a sans surprise, comme le font la droite et l’extrême droite depuis des années, annoncé sa volonté de supprimer le collège unique et de sélectionner les étudiants à l’entrée des universités. Mais surtout, elle a fustigé les " soi-disant experts en pédagogie " qui selon elle font les malheurs de l’école. Elle avait pourtant aussi été obligé d’invité à l’université d’été du parti un "expert" autoproclamé, tant il est vrai que du côté du collectif Racine, c’est plutôt mou du bulbe : Jean-Paul Brighelli qui, après avoir tourné autour du pot frontiste avec sa litanie "c’était mieux avant", a fini logiquement par tomber dedans. Grégory Chambat, enseignant et animateur du blog L’École des Réacpublicains, a publié un compte rendu de cette convention, dont voici un large extrait.
Le Collectif Racine « des enseignants patriotes » avait été le premier des collectifs lancés par le Rassemblement Bleu Marine sous l’impulsion de Florian Philippot. De même, l’éducation est le thème retenu pour la première « Convention présidentielle 2017 » de Marine Le Pen, signe que, loin d’être un gadget dans le programme et l’idéologie frontiste, l’école est bien un « fondamental » et une obsession comme elle l’a été tout au long de l’histoire de l’extrême droite française.
Selon Le Café pédagogique*, 150 à 200 personnes étaient présentes au forum de Grenelle, pour un événement « ouvert au public ». L’on notera aussi que, sur l’affiche de la convention ne figure pas le logo du FN. Mais la photo en noir et blanc nous plonge immédiatement dans l’imagerie décliniste, la nostalgie de l’école d’antan... prise en contre-plongée pour exalter la chef. Seule erreur visuelle (ou pas ?) la posture très christique, peu conciliable avec l’école publique et laïque. […]
Cette journée n’a pas brillé par son originalité, ni dans son thème ni dans son programme. Autorité, inégalité et identité, des valeurs qui doivent, selon le FN, remplacer celles de liberté d’égalité et de fraternité aux frontons des écoles… afin de « redresser l’école et l’enseignement supérieur ». Nous voilà prévenus, il s’agit de penser des écoles de et du redressement… L’exercice est aussi électoraliste. Du côté des enseignants, le vote FN progresse : 9,8% chez les professeurs des écoles et 9,2% chez les enseignants du second degré aux régionales, quand les scores étaient respectivement de 6 et 5% à la présidentielle de 2012.
En 2013, était lancé le Collectif Racine, émanation du Rassemblement Bleu Marine, se définissant comme "un groupe d’enseignants amoureux de l’école et déplorant son déclin" et soutien au Front national. […]
Rien de nouveau, une pédagogie rance et revancharde
« Redresser l’école », c’est d’abord viser l’ennemi, celles et ceux qui ne se satisfont pas de l’école telle qu’elle est aujourd’hui et luttent pour l’égalité et la démocratie. La rhétorique n’a pas changé depuis 40 ans, « Le temps des folies pédagogistes a trop duré » affirme Marine Le Pen.
La haine du « pédagogisme » et de l’égalité, le culte de l’élitisme et de la ségrégation sont toujours au cœur du projet éducatif frontiste.
Et pour remplacer le « sociologisme » et le « pédagogisme » ? Rien ne vaut l’expérience nous dit Marine Le Pen « L’élève ne crée pas son propre savoir, on lui transmet. Je suis mère de 3 enfants... »
Mettre le savoir au centre du système, pour garantir l’égalité des chances (1ère table ronde)
C’est pour en finir avec les « lubies pédagogistes » (Florian Philippot) que le Collectif Racine a été créé. Dans le collimateur, la réforme actuelle du collège mais plus généralement le collège unique et le Plan Langevin-Wallon (communiste !), rédigé au lendemain de l’Occupation et jamais réellement mis en oeuvre... c’est l’obsession du FN depuis sa création. Orientation en 5ème (à 12 ans !) et fin du collège unique, c’est la nostalgie de l’école de la ségrégation et du tri social derrière l’alibi éculé de « revaloriser l’enseignement professionnel » (Marine Le Pen)
Mélangeant un peu tout, surtout quand le mot « pédagogie apparaît », des intervenants réclament « la suppression du conseil pédagogique et de la commission éducative », sans que l’on sache très bien s’ils savent de quoi ils parlent… Pour donner le change, on évoque, sûrement avec un air entendu, la suppression de « l’article 34 », c’est-à-dire l’article 34 de la loi du 23 avril 2005 (intégré dans le code de l’éducation à l’article L. 401-1) qui permet l’innovation pédagogique.
Pour Valérie Laupiès, conseillère éducation du FN, vice-présidente du Collectif Racine, introduite au FN par Alain Soral, la solution est simple : retour de la syllabique et, hors les notes et le cours magistral, point de salut. « En finir avec le dogme de l’élève qui crée son propre savoir » assène en conclusion de la journée Marine Le Pen.
50 % du temps scolaire consacré au français (Marine Le Pen), un slogan à rebours de l’histoire scolaire française, même dans un des pays où l’on consacre le plus de temps aux « fondamentaux » avec le succès que l’on sait… mais le slogan séduit là encore par son simplisme (comme programme mais aussi comme vision de l’éducation… limitée au Lire, écrire, compter… Thiers ne disait-il pas « Lire, écrire, compter, voilà ce qu’il faut apprendre, quant au reste, cela est superflu. Il faut bien se garder d’aborder à l’école les doctrines sociales, qui doivent être imposées aux masses. »).
Redresser l’école, c’est aussi en finir avec « l’école sans patrie », ce vieux slogan des ligues nationalistes et antisémites du début du XXe siècle. Pour Julien Langard (Collectif Racine 34 et professeur dans le privé), on assiste au « grand remplacement de l’histoire de France ». Les choses sont pourtant si évidentes : « L’École doit apprendre et faire aimer l’Histoire de France car c’est en France que les élèves vivent ! », assène une intervenante... Si le FN arrive au pouvoir, nous ne vivrons plus sur la planète terre mais sur la planète France.
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