Tous pourris, sauf mon père : tel aurait pu être le slogan de Marine Le Pen.

Celle-ci a eu beau jeu pendant de nombreuses années de crier aux loups après une élite politique qui frayait de plus en plus avec les élites économiques, oubliant son rôle de représentation du peuple pour servir avant tout ses intérêts de classe (pour les pauvres on parle de « corporatisme »). Marine Le Pen s’était fait d’abord étrangement discrète sur l’affaire Cahuzac alors que tous les commentateurs se tournaient déjà vers le FN comme le premier bénéficiaire potentiel de cette « affaire », amenée à devenir affaire d’Etat. En effet, le FN n’avait publié aucun communiqué entre la révélation de Médiapart (le 4 décembre) sur le compte en suisse et son éviction du gouvernement (le 19 mars), pour ensuite se déchainer contre la « gauche caïman »... Les vieux réflexes reviennent rapidement. Étrange quand on sait la rapidité du FN a dénoncer les turpitudes socialistes dans le Nord ou dans les Bouches du Rhône...

Or ces fameuses oies blanches du FN, ceux qui n’avaient pas d’ « affaires » au cul et pouvaient donc potentiellement incarner le renouveau de la classe politique se sont très vite retrouvées éclaboussées par l’affaire Cahuzac... En effet, le « malheureux » ex-ministre du Budget (ou du serrage de vis austéritaire) avait ouvert son compte en Suisse grâce à un certain Philippe Péninque, un ancien du GUD reconverti dans le business (« affaires » en français), proche de la famille Le Pen et ancien conseiller du père (celui qui avait le premier réussi à convaincre le patriarche de lisser un peu son image sulfureuse) et banquier officieux du FN et du clan Le Pen. De suite, Le Pen et ses affidés s’empressent de nier le lien évident établi entre l’affaire Cahuzac et leur parti remplis de « chevaliers blancs » prêts à assumer la charge politique...
Là dessus voici que vient s’ajouter un « off shore leaks » (fuite au large en français), où l’on découvre que le trésorier du micro parti(1) de Le Pen, M. Jean-Pierre Mouchard s’est servi de sociétés de Gibraltar et du Panama pour renflouer une de ses maisons d’édition. Le même J-P. Mouchard semble aussi, d’après Médiapart, avoir ouvert un compte en Suisse pour le compte de M. Le Pen.
Alors bien sûr on m’objectera qu’il n’y a peut-être là rien d’illégal, que M. Le Pen a fait l’objet de 17 contrôle fiscaux et on ne sait plus combien d’actions en justice relatives à ses étranges « comptes » sans pour autant être sérieusement inquiété, que Marine Le Pen n’est pas directement comptable des actions de son père ou de ses proches (fussent-ils ses conseillers les plus proches) etc. Sauf qu’il faut aussi assumer la vérité, le FN n’est pas plus blanc que les autres et est sûrement l’un des partis les moins à même de parler de coup de balai... car pour pouvoir donner des leçons il faut d’abord savoir balayer devant chez soi.
En effet, ce sont ces mêmes responsables politiques (FN) qui disent « ne pas avoir d’amis dans la grande finance » ou chez « les grands patrons », qui voudraient mettre à bas « l’oligarchie » ; et qui dans leur vie politique se sont avérés être conseillés par des gens qui en plus d’un passé parfois sulfureux (cf. Les rats pourris, histoire du Gud pour une vision exhaustive), sont aussi d’habiles financiers. Ce sont les mêmes qui ont, dès leurs premiers députés élus en 1986, déposés une proposition d’amnistie pour les fraudeurs fiscaux. Un comportement finalement assez proche des députés UMP d’aujourd’hui, qui, en pleine affaire Cahuzac ont cru bon de tenter de faire passer une loi d’amnistie fiscale...
Ce sont les mêmes qui se réclament d’une gestion exemplaire, qui ont vu l’ensemble des maires acquis à leur cause dans les années 1995-97 être un à un condamnés pour des délits financiers ou mauvaise gestion. 100% des anciens maires FN ont été mis en examens ces dernières années... Pas un seul n’échappe à cette règle. Et encore ne parle-t-on ici que de mauvaise gestion, et pas d’autres délits (harcèlement, discrimination etc.).

Il est temps de rappeler ces vérités.
Lorsque le FN est pris la main dans le sac, ce sont alors les mêmes arguments qui nous sont servis que ceux qu’il dénonce à longueur d’année (« ce ne sont que des brebis galeuses » qu’on exclut du parti sitôt la mauvaise gestion constatée).
Bref, il serait temps que les grands médias arrêtent de traduire la dénonciation des scandales politico-financiers comme une forme de populisme qui ferait monter le FN, en ajoutant à la trahison des élites la dépression d’un pays rongé par la bête ; car à défaut d’avoir les mains propres le FN se révèle avoir de la boue plein l’attaché-caisse.
Pour renouveler les pratiques politiques il serait temps de reprendre le chemin de la rue et de réactiver le mouvement social, le temps des compromis et des compromissions doit finir.

F.M.

Notes :
1.Le micro-parti en question, Cotelec (« cotisation élecctorale »), servait à centraliser une bonne partie des dons de sympathisants FN directement vers JM Le Pen pour que le contrôle du patriarche sur les finances du parti puisse être affirmé en cas de problème...
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