Ces derniers jours, le FN a fait trois nouvelles recrues qui peuvent sembler plutôt atypiques pour une formation d’extrême droite : un défenseur de la cause homosexuelle, un centriste bon teint et une femme « issue de la diversité » comme on dit à l’UMP. Les nostalgiques du FN à papa et les militants de la première heure râlent en coulisse, d’autant que la promotion des petits nouveaux est fulgurante : Sébastien Chenu et Julien Odoul se retrouvent à peine arrivés au plus près de la direction du parti, et il est probable que Fatima Allaoui se retrouve elle aussi mise en avant pour montrer que le FN est désormais ouvert à tous. En réalité, ces ralliements sont surtout le signe de la normalisation du Front national, qui, fort de la promesse de ses bons résultats électoraux à venir, est devenu un nouvel Eldorado pour celles et ceux dont les dents rayent le parquet et pour qui la politique n’est pas affaire de conviction, mais de carrière.
Sébastien Chenu, secrétaire national de l’UMP chargé de l’exception culturelle et co-fondateur de Gay Lib, a donc été désigné par Marine Le Pen pour animer un collectif « culture » au FN. Cette décision est celle qui passe le moins auprès des « historiques » du FN (un appel à dénoncer « l’incohérence politique et morale » de cette nomination a même été lancé par des cadres et des élus FN). Détail amusant : c’est Gilbert Collard qui est à l’initiative de ce ralliement, alors que ce dernier s’était montré en première ligne, avec son écharpe de député, lors de plusieurs défilés de la Manif pour Tous en 2013. Mais les mauvaises langues disent que c’est surtout le poste d’assistant parlementaire de Dominique Bilde-Pierron, élue frontiste au Parlement européen, qui aurait été promise à Chenu : un place convoitée par beaucoup et au salaire non négligeable…
Le parcours politique du second, Julien Odoul, est un peu plus sinueux. En mars 2006, il adhère au Parti socialiste en vue des primaires. En décembre il claque la porte, et rejoint les jeunes centristes : celui qui qualifiait la politique de la droite de « régressive socialement » rejoint le Nouveau Centre allié de l’UMP… L’ambitieux grimpe les échelons et devient secrétaire général du groupe centriste au conseil général de Seine-Saint-Denis et ancien collaborateur d’André Santini, maire UDI d’Issy-les-Moulineaux. Après une première rencontre en juillet avec Marine Le Pen, il a donc finalement intégré le FN par l’intermédiaire de Philippe Martel, ancien collaborateur d’Alain Juppé et aujourd’hui désormais directeur de cabinet de Marine Le Pen. À noter qu’il n’est pas le premier centriste du 93 à rallier le FN : Didier Labaune, du Parti radical, a été tête de liste FN aux municipales à Saint-Denis…
Mais on a gardé la meilleure pour la fin : alors qu’en mars 2014, elle manifestait contre le FN, Fatima Allaoui rejoint le parti de Marine Le Pen moins de 9 mois plus tard… Il paraît qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis : on se permettra d’en douter ! C’est vrai que dans le cas d’Allaoui, c’est surtout une histoire d’opportunité. Tout commence à Béziers, donc, où elle manifeste son opposition au maire Robert Ménard, allant jusqu’à poser derrière une banderole « Non au FN » (source : Midi libre) ; mais en juin, elle claque la porte de l’UMP qui a refusé de l’investir aux élections départementales dans un canton favorable. Elle se tourne alors vers… Robert Ménard, qui a malheureusement pour elle davantage de mémoire, et elle finit par rejoindre alors le Siel, le petit parti à la manœuvre dans le projet du Rassemblement bleu marine. À l’automne, Nathalie Kosciusko-Morizet, soucieuse d’apporter à l’UMP un peu de « diversité », la repère et lui propose un poste. Alors qu’elle était promise à un brillant avenir au sein du parti de Sarkozy comme secrétaire nationale à la formation professionnelle, voilà qu’elle est mise à la porte en raison de son appartenance au Siel révélée par la presse. Aussitôt, flairant la bonne affaire médiatique, Jean-Marie Le Pen, suivi par Florian Philippot, l’invite à rejoindre le Front national : la voilà donc au groupe FN Languedoc-Roussillon, où elle devrait, avec de telles dispositions à l’opportunisme, faire une longue carrière politique (elle a déjà prévenue qu’aux élections départementales de mars prochain, elle sera « candidate quoi qu’il arrive »).
On le voit, nos trois frontistes de la dernière heure sentent bien de quel côté souffle le vent, normal pour des girouettes : ils ne devraient pas être les derniers à venir à la gamelle maintenant que le FN semble aux portes du pouvoir. Marine Le Pen en profite, elle, pour brouiller un peu plus l’image de son parti, ce qui pour l’instant semble plutôt lui réussir sur le plan électoral. Mais les tensions internes que cela impliquent pourraient bien finir par lui sauter au visage à la moindre inversion de tendance dans les sondages…
La Horde