Lu sur le blog de Philippe Ridet, correspondant du Monde en Italie :
Le fascisme se porte bien à Rome. A lire les affiches sur les panneaux électoraux de la capitale d’Italie on a parfois l’impression que les héritiers revendiqués de Benito Mussolini sont seuls en lice pour les élections municipales de juin. Quatre des sept candidats de droite déclarés ou potentiels ont encore une admiration plus ou moins avouée pour lui et le Ventennio, ces vingt années, de 1922 (marche sur Rome) à 1943 (chute du régime), pendant lesquelles la Péninsule tout entière a été administrée par les chemises noires.
Giorgia Meloni . Née en 1977, elle commence à militer à 15 ans au Front de la jeunesse pour devenir à 21 responsable d’Azione Studentesca, la branche étudiante du parti Alliance nationale, construit sur les cendres du Mouvement social italien (MSI) fondé en 1946 pour entretenir la mémoire de Mussolini. Députée à 29 ans, ministre à 31 dans le dernier gouvernement Berlusconi, Giorgia Meloni qui a adhéré au parti Fratelli d’Italia dit avoir "un rapport serein avec le fascisme" et considère que Mussolini "est un personnage complexe" qu’il faut juger "à travers l’histoire".
Francesco Storace , 57 ans, secrétaire national du parti La Destra (la Droite) vient lui aussi d’Alliance Nationale, une formation qu’il a quittée lorsque son leader Gianfranco Fini a condamné le fascisme en déclarant qu’il "était le mal absolu". Ministre de Berlusconi lui aussi, ancien président de la région du Latium, Storace est farouchement opposé aux unions homosexuelles, à la pilule abortive du lendemain et à tout modèle familial qui ne soit pas fondé sur le mariage. En 2005, il déclarait : "Il n’y a pas de doute : Mussolini a été un grand homme d’Etat. J’aime la démocratie, mais de là à dire que le Duce a été le mal absolu, il ne faut pas exagérer".
Avec Simone Di Stefano , on franchit la frontière de l’extrême droite non-institutionnelle, non recyclée (du moins pas encore) dans le jeu des partis et des alliances. Vice-président de Casa Pound, une officine d’extrême droite dure qui a pignon sur rue à Rome, Di Stefano s’est rapproché un moment de Matteo Salvini, le leader du parti anti-immigrés de la Ligue du Nord. Salvini soutenant dorénavant Giorgia Meloni, Di Stefano s’en est éloigné pour mener sa route en solitaire. En décembre 2013 il déclarait à propos de Nelson Mandela : " Il a gagné sa révolution avec des méthodes indignes, terroristes, financé par les pires intérêts économiques mondiaux. Ce n’est pas un Père Noël africain !".
Enfin, dernier élément de ce tableau noir : Alfredo Iorio . On retrouve son nom dans tous les groupuscules de l’extrême droite romaine. Officiellement, il anime un cercle culturel baptisé Trifoglio-Popolo della vita (le trèfle-peuple de la vie) qui milite contre l’avortement. Il est également à l’origine d’un obscur Mouvement social européen. Son nom est aussi apparu dans l’affaire du meurtre d’un supporter de Naples par un supporter de l’AS Roma en marge d’une rencontre de football au Stadio Olimpico, le stade devant lequel se dresse toute blanche une colonne à la gloire du Duce - sans que personne ne paraisse s’en émouvoir.
Philippe Ridet