Ces dernières semaines ont vu se passer plusieurs actions antifascistes sur Toulouse et sa région. La ville rose est historiquement une terre antifasciste, et l’actualité vient le rappeler, dans le contexte des municipales, de la complaisance de la municipalité Moudenc avec l’extrême droite radicale toulousaine, et d’un traitement médiatique favorable aux réactionnaires.

Carcassonne, cité médiévale, samedi 25 janvier

Tout d’abord, le samedi 25 janvier dernier, l’Action française, qui dispose d’une petite section sur Carcassonne, a voulu se faciliter la vie (pensant manifester tranquille) en allant y organiser une messe d’hommage et une marche aux flambeaux pour Louis XVI.

C’était sans compter la mobilisation appelée dans l’urgence par des camarades occitanistes révolutionnaires du FPROC, bien conscients de leur histoire régionale et de l’affront politique que constitue cette prière/marche de l’Action française.

L’Action française a vraisemblablement appelé à la rescousse les "gros bras" locaux : une équipe de 12 fascistes, dont les 2/3 se revendiquant de "l’alliance scandale" et sont composées des membres de Génération Identitaire Toulouse et de Nicolas Boutin (Cercle des Capitouls / Infos Toulouse). Ceux-ci cherchent à provoquer la confrontation, et mènent une agression contre le début de rassemblement antifasciste. Heureusement sans gravité, bien que visant un rassemblement mixte et citoyen, composé de personnes de tous âges et tous horizons. La police est absente, mais intervient sur les lieux après leur passage et protégera ensuite le rassemblement de l’Action française. Quand au journaliste qui écrit à la Dépêche et l’Indépendant, il évoquera une "bagarre" et une "rixe", à aucun moment il ne mentionnera le fait qu’il s’agit d’une agression d’un rassemblement pacifiste.

L’Union Antifasciste Toulousaine a publié un compte-rendu envoyé par un sympathisant : Retour sur Carcassonne.

Toulouse, marché du Cristal, dimanche 9 février

Retour sur Toulouse, le Rassemblement National est aperçu sur un marché toulousain du centre ville le dimanche 2 février. Suffisamment rare et choquant pour nombre de toulousain.e.s déterminé.e.s à ne pas laisser le RN prendre ses aises dans une ville dont l’identité est ancrée dans une culture et une histoire antifasciste et populaire. Rendez-vous est donné pour le dimanche suivant afin de ne pas les laisser s’installer. Le dimanche 9 février, le RN n’est plus au marché de St-Aubin mais est bel et bien revenu au centre ville toulousain, sur le marché populaire du Cristal. Une trentaine d’opposant.e.s et d’habitant.e.s s’y retrouvent, huent la présence nationaliste, confisquent les tracts, et scandent "cassez-vous !" au candidat local frontiste et ces acolytes.

La scène est filmée, le RN diffuse et pleurniche en condamnant la violence politique de ces opposants (quel culot !), parlant d’une violente agression armée, évoquant des "milices antifas" : bref la rhétorique habituelle du premier parti d’extrême droite en France qui souhaite faire interdire et dissoudre les groupes et collectifs antifascistes qui s’opposent et résistent à son discours et ses agissements.

Ni une ni deux, la dépêche et Moudenc, qui semblent réunis comme jamais par le combat contre la "chienlit" ces temps-ci, réagissent, l’un en condamnant vertement la violence inacceptable, l’autre en reprenant les mots et la thèse du Rassemblement national, sans oser qualifier une seule fois le RN d’extrême droite, mais en pensant bien à qualifier les opposants de membres d’extrême-gauche, et de "milices antifas" (expression chère à Marine Le Pen).

Là aussi, un communiqué co-signé a été publié pour remettre les pendules à l’heure.

Toulouse, hyper-centre, mercredi 12 février

Quelques jours plus tard, le mercredi 12 février, le Cercle des Capitouls (groupuscule néo-fasciste, cercle à vocation culturelle, que nous avions évoqué ici) organise une fois encore une conférence nauséabonde. Ils ont, entre autre, organisé la conférence de Renaud Camus à Toulouse, en 2016 [théoricien du grand remplacement, inspirateur direct de plusieurs terroristes suprémacistes blancs, comme Brendon Tarrant] ; mais aussi Jean-Yves Le Gallou, Jean-David Cattin des Identitaires, etc.

Cette fois-ci, François Bousquet (de la Nouvelle Librairie) et Robert Ménard (maire d’extrême droite de Béziers) sont attendus. Un appel antifasciste parait sur IAATA. Le jour J, une cinquantaine d’antifascistes et solidaires se retrouvent et poussent la visite à la conférence fasciste qui s’est entre temps délocalisée au Loft.

Les membres du SO de la soirée sont bien connus, on y retrouve encore et toujours des membres de Génération identitaire Toulouse, armés de gazeuses familiales, ainsi que d’autres. Les chaises fusent, le laser vert ambiance, les bouteilles volent. Les fafs gazent au large, même eux, et un fumigène déjà lancé à leur encontre, rejeté par les fascistes, est ré-envoyé à ce moment là : à son contact la lacrymo qui sort de la gazeuse familiale s’enflamme et provoque une flamme et le recul à l’intérieur du SO fasciste. Les jets de chaises continuent et très vite la police arrive sur place, provoquant la dispersion des opposants antifascistes, a priori sans que les flics n’aient eu le temps de mener des arrestations.

Un communiqué du Collectif Automédia Énervé revient aussi sur l’action.

Établissement piégé par l’extrême droite : une réaction exemplaire

Après coup, le Loft, l’établissement qui a accueilli à son insu une conférence d’extrême droite radicale dont la tenue a perturbé l’ordre public et mis en danger le vivre ensemble toulousain, annonce déposé plainte, explique avoir été berné par l’organisateur (Nicolas Boutin), avoir découvert le soir même un dégueulis idéologique raciste, sexiste et homophobe.

ladepeche le loft

Les 600 euros versés à l’établissement par les fascistes seront reversés à des associations LGBTQI-friendly et citoyennes.

Le Loft n’est pas vraiment connu pour accueillir des réunions d’extrême droite, bien au contraire. Découvrant la véritable nature de ce qui devait être "une rencontre d’entreprise", les gérants de l’établissement le Loft ont eu une réaction on ne peut plus claire et rapide : prise de position et condamnation publique de la supercherie, de la conférence et des organisateurs, dépôt de plainte, engagement à reverser les thunes à des associations progressistes !

Et bien bravo ! Un beau revers pour une extrême droite aux méthodes fourbes, à l’image de ses trolls commentateurs et de ses techniques de manipulation de l’opinion publique sur internet. Tout comme la réaction d’une commerçante adjacente qui est intervenue au cours de l’affrontement, puis, ayant saisi la situation, est aller engueuler les fachos lors de leur sortie de l’établissement. Derrière les fantasmes de l’extrême droite et leurs soutiens médiatiques et politiques, la réalité : tout le monde déteste les fachos !

Traitement médiatique complaisant : une aubaine pour l’extrême-droite radicale et la bourgeoisie

Le traitement médiatique s’emballe là aussi assez vite, les médias d’extrême droite comme Boulevard Voltaire parlent d’attaque à coups de cocktails molotovs. Sputnik (le média pro-russe) emboite le pas, comme évidement le très réactionnaire Valeurs Actuelles, et d’autres à l’instar de TV Libertés (héhé).

traitement médiatique tolosa

Encore une fois, la Dépêche communique assez vite sur l’événement. Comme pour le Rassemblement national ; il n’est fait nul part allusion au camp, à la couleur politique des intervenants :
"Robert Ménard (maire de Béziers, dans l’Hérault) et François Bousquet (journaliste et essayiste)"

Le procédé est encore plus flagrant lorsque la Dépêche évoque le cercle des capitouls :

"Dans les faits, Robert Ménard et François Bousquet étaient invités par l’association « Le Cercle des Capitouls » pour dialoguer autour du « courage en politique ». L’objectif, durant cette conférence : présenter « un modèle de résistance et d’initiatives contre l’ordre établi qui mènent le pays dans une succession de crises sociales, identitaires, économiques et politiques », explique l’association « Le Cercle des Capitouls » sur sa page Facebook."

En lisant cela, on ne peut qu’avoir l’impression d’être en présence d’une association culturelle classique qui propose des contenus de réflexions politiques et philosophiques, avec des intervenants tout à fait sommaires. Le quidam n’imaginerait pas deux secondes que l’on parle ici d’un cercle d’extrême droite radicale, reconnu pour diffuser des idées racistes et suprémacistes, dont les théoriciens néo-fascistes les plus en vogue ; qu’une partie de ses membres dirigeants sont impliqués dans des agressions et faits de violence à l’encontre de personnes de gauche, LGBTQI ou racisées. Que ce groupuscule est en lien étroit avec le milieu catholique intégriste local. Que pour assurer la protection de ses événements, ce cercle fait appel à une autre organisation radicale de l’extrême-droite (Génération identitaire) qui a elle même formée un groupe de combat (Alliance Scandale) dont la fonction est de commettre des agressions contre les opposants politiques à l’extrême droite (à notre connaissance une dizaine d’agressions ont déjà été commises par ce groupe).

En agissant ainsi et en refusant de nommer ce que sont ces militants, la Dépêche participe à la banalisation et l’acceptation des idées et de la violence sociale et physique de l’extrême-droite radicale. Cette violence d’extrême droite qui tue, qui agresse, qui sème la peur et la division, qui détruit les solidarités, les résistances et les luttes sociales.

Mis à mal par plus d’un an de contestation sociale en gilet jaune, et 3 mois d’un intense mouvement social et de grève contre la réforme des retraites, le pouvoir, la bourgeoisie, ont absolument besoin de mobiliser cette extrême-droite radicale, garante de leur hégémonie. Ils auront beau compter sur leur portes-voix les plus dociles et agiter leur chiens les plus féroces, ça ne fera pas taire la résistance antifasciste, ni à Toulouse, ni ailleurs !
La Horde

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