Après deux jours consacrés aux plaidoiries des parties civiles et de la défense, le verdit a été rendu. Esteban Morillo et Samuel Dufour ont été reconnus coupables de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec deux circonstances aggravantes : la réunion et l’usage d’une arme. Chacun·e jugera de la pertinence de leur peine (8 ans d’emprisonnement pour Morillo, 5 pour Dufour) : pour les proches de Clément, l’essentiel pour sa mémoire, c’était la reconnaissance des faits.
« Nous ne sommes pas là pour demander vengeance. » C’est ainsi que Michel Tubiana, l’un des avocats des parties civiles, avait commencé sa plaidoirie, exprimant ainsi ce que la famille et les proches de Clément ont toujours dit. Mais s’il n’y avait pas de désir de « faire payer », il y avait celui de faire reconnaitre la vérité.
En persistant dans le déni, en réfutant le lien entre leurs convictions d’extrême droite et la violence qui a conduit à la mort de Clément, les accusés ont refusé à sa famille la possibilité de comprendre ce qui les a poussés à s’organiser, à s’armer pour attaquer avec des renforts un groupe qui ne donnait aucun signe d’agressivité, en prétextant des menaces que personne n’a entendu, sauf eux. « Deux choses ont tué dans ce dossier : la violence et certaines idées » a précisé Joseph Hazan, avocat de la famille de Clément.
Les accusés ont cherché par la suite à se mettre d’accord et dissimuler les preuves aussi bien lors de leur premier arrêt dans un café de la rue Mogador que plus tard dans la soirée, au Local, le bar de Serge Ayoub avec qui ils discutent jusqu’au milieu de la nuit. Ils ont ensuite imaginer la fable dans laquelle les rôles s’inversent, où les néonazis sont de pauvres petites choses fragiles livrées à la vindicte de farouches antifas, alors que toutes les preuves présentée au procès (les armes, les SMS, les témoins, la vidéosurveillance…) ont démontré le contraire. Quand Dufour et Morillo cherchent à se faire passer pour les victimes, c’est « un mécanisme de défense que nous trouvons trop insupportable » a dit Hazan.
Les avocats de la défense, Jérôme Triomphe et Grégoire Etrillard, ont tenté d’alimenter la « machine à fantasme » comme le dit Tubiana, en allant chercher au début du XXe siècle ou plusieurs années après la mort de Clément des exemples de violence antifasciste, pour faire oublier la violence au moment des faits et qui est tout entière du fait de leurs clients, et la violence de l’extrême droite en général. Ils ont aussi, tout au long du procès, invoqué comme un mantra un complot politico-médiatique qui auraient mis sous influence l’ensemble des témoins, tous victimes d’hallucinations collectives (il a pourtant été démontré que les médias ont souvent chargé Clément et ses amis, au mépris de la vérité).
Ce qu’on a compris aussi en creux, dans la ligne de défense de Morillo et Dufour, c’est que ce qu’on reproche à Clément et ses amis, c’est d’avoir refusé de se taire, de raser les murs, et d’avoir au contraire réagi à la présence des néonazis. « Nous devrions être fier que [Clément] n’ait pas baissé les yeux » résume Cosima Ouhioun, avocate de la famille de Clément. Triomphe, lui, a déclaré lors de sa plaidoirie : « j’ai mis en garde contre la politisation de cette histoire », alors que, chaque jour, c’est la défense qui a tenu à politiser les débats, en se lançant dans de longues diatribes anti-antifascistes, en posant « des questions qui ne sont pas des questions mais des arguments qu’on martèle » comme l’a dit Joseph Hazan. L’engagement bien connu de Triomphe chez les catholiques traditionalistes, sa proximité avec l’extrême droite n’y sont sûrement pas étrangers.
« Je me suis demandé ce qu’aurait pensé Clément Méric de ce procès » s’interroge Cosima Ouhioun. On ne le saura jamais : mais parce qu’il était fort dans ses convictions, il aurait été frappé par la lâcheté des accusés, incapables d’assumer la moindre responsabilité ; parce qu’il était caustique, il aurait su moquer la pantomime d’Etrillard et les outrances de Triomphe. C’est l’image qu’on gardera de lui à jamais : celle d’un garçon engagé, drôle, sensible et courageux.
La Horde