La deuxième journée du procès des assassins de Clément a été largement consacrée à Samuel Dufour, et on a ainsi pu voir que son avocat, Grégoire Etrillard, n’était pas en reste quand il s’agissait de se mettre en quatre pour minimiser l’engagement de son client à l’extrême droite la plus radicale.
À l’image de Jérôme Triomphe la veille, tirant laborieusement les réponses de son client, Esteban Morillo, Étrillard s’est employé à développer une fumeuse théorie du jeune révolté néonazi avec des tatouages, certes déplaisants, et un engagement à Troisième Voie, que l’on peut déplorer, mais qui serait selon lui davantage le « signe d’un syndrome dépressif » à l’image de ce qu’on peut voir dans le film de Lars von Trier, Melancholia.
Mais battant en brèche cette image éthérée, on a pu voir un Samuel Dufour qui n’a pas trop changé depuis le procès en première instance : toujours buté, toujours dans le refus de reconnaître que quand on traite un collègue de travail de « sale négro », on est décidément raciste, que quand on se trimballe avec une clé USB contenant des visuels skinheads et néonazis français et étrangers, ainsi que des photos de Hitler, on peut difficilement passer pour quelqu’un de pacifique, surtout quand on se fait en plus tatouer « Sang et Honneur » sur le corps en sachant que c’est une devise nazie, en l’espèce celle des Jeunesses hitlériennes.
Tout au long de sa déposition et face aux questions aussi bien du président du tribunal que de l’avocat général ou des avocats de la partie civile, Dufour a refusé de façon abrupte de répondre à plusieurs questions qui lui étaient adressées, répétant comme un mantra qu’il n’était pas là pour être jugé pour ses opinions, qu’on allait recommencer comme en première instance, à « mettre trop de politique dans cette histoire ».
Pas un mot sur Clément, pas trace de regret, rien.
Quand le président du tribunal ou l’avocat général tentent de lui faire comprendre qu’il s’agit de reconstituer son parcours pour savoir d’où vient le changement brutal qui s’opère dans son comportement, Dufour se contente d’invoquer l’erreur de jeunesse, la colère de l’adolescence, l’engrenage dans lequel il est « allé à fond ». Il se décrit aux ordres d’un chef, Serge Ayoub, à qui il obéit sans pouvoir préciser les ordres reçus, mis à part les manifestations auxquelles « il fallait participer ». Quand l’avocat général lui demande s’il aurait été possible de prendre du champ, d’exercer son libre arbitre, Dufour répond qu’il était difficile de sortir de ce milieu-là, sans donner plus d’explications.
Retournement de situation
Quand vient le tour d’Étrillard de questionner Dufour, c’est pour se lancer, dans la continuité de la démarche entamée par Triomphe, dans la démonstration suivante : Dufour serait, parce que néonazi, victime d’ostracisme depuis son adolescence, car « l’idéologie nazie n’est pas porteuse en France ». Ainsi, il aurait eu du mal à s’intégrer à son CFA, dans son l’entreprise où il faisait son apprentissage alors que, selon Étrillard, des insultes telles que « sale négro » ne seraient rien d’autres que des insultes comme celles « qu’on se balance dans les quartiers ». Quand il intervient, Étrillard évoque « la fabrication d’une culpabilité », ponctuant ses interventions de remarques sidérantes telles que : « Vous étiez un facho. On est bien avancé. », ou bien : « Une dizaine de photos de Hitler… mais pas de bagarre ! », ou encore : « Tout ça, on s’en fout ! »
À propos des armes (bagues, poings américains, taser), Dufour s’obstine à nier en bloc toute fascination, comme il a récusé avoir fait usage de violence à l’égard de personnes LGBT : il voulait se vanter (ce qui induit dans tous les cas une fascination pour la violence).
Après une courte interruption, le président du tribunal fait la lecture du rapport d’autopsie (le médecin-légiste ne pouvant pas venir déposer), et cette lecture est suivie d’observations des avocats des parties civiles, des avocats de la défense, dont Étrillard, qui plaide plus qu’il ne fait d’observations : tour à tour, il dit vouloir se mettre à la place des jurés qu’il semble prendre pour des idiots, se moque d’un expert et souffle d’un air excédé lorsqu’il est question de scanner en 3D. Avec un manque total de « l’empathie » invoquée à tort et à travers au cours de la première journée du procès, comme la qualité majeure de Morillo, Étrillard veut passer vite sur les blessures de Clément qui indiquent que les coups portés par ses assassins l’ont tué, et il commence à nous taper sérieusement sur les nerfs.
La matinée se conclut par une présentation à toute la salle de quatre photos de Clément, sans vie, sur son lit d’hôpital, ; c’est un moment difficile pour nous dans la salle, mais auquel le président du tribunal semble tenir, tout comme il tient à préserver la salle des photos de l’autopsie. Il demande enfin à montrer une dernière photo de Clément, en vie, en pleine jeunesse, comme nous aimons nous le rappeler.
Nous reviendrons dans la journée sur l’après-midi de ce deuxième jour, consacré aux témoignages des policiers en charge de l’enquête.
La Horde