Le passage de Anne-Thaïs du Tertre, dite « d’Escufon », dans l’émission de Cyril Hanouna, n’est pas passé inaperçu : et pour cause, Génération identitaire a tout à gagner à cette mise en lumière de l’une de ses militant·e·s, qui cherche par ailleurs depuis son arrivée dans le mouvement à attirer sur elle les projecteurs.
Que dire du passage dans l’émission de Cyril Hanouna, dont l’intitulé était « Faut-il dissoudre Génération Identitaire » ? Tout d’abord, c’était la première fois qu’un membre des Identitaires était invité en plateau et en direct dans une émission de télévision. Philippe Vardon avait bien participé à un débat télévisé le 9 janvier 2010 face à Jean-Marie Le Pen, mais le contexte était un peu différent. C’était le cadre d’une campagne électorale et sur France 3 Côte d’Azur. Il est arrivé que des membres soient interviewés à distance (lors de la première campagne Defend Europe ou celle de janvier 2021), mais jamais un·e militant·e identitaire n’avait été l’invité·e principal·e d’une émission à une heure de grande écoute.
Le passage de Thaïs d’Escufon, qui au départ ne devait durée qu’une vingtaine de minutes, s’est étiré sur plus d’une heure pour profiter du « buzz médiatique » que cette présence avait engendré sur les réseaux sociaux. Pour le plus grand plaisir du présentateur-producteur Cyril Hanouna, puisque c’est l’esprit de ce type de programme, qui tient plus du théâtre de boulevard que du débat d’idées.
Sur le fond on peut estimer que la prestation de Thaïs a été insipide, alors même qu’elle n’était pas en terrain si hostile que cela puisque Jean Messiha, ex- Rassemblement national, et Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, chroniqueurs réguliers de Balance ton post, étaient présents ce soir-là.
Notons au passage que les deux ont finalement monopolisés la parole au détriment de la militante identitaire, qui a très peu parlé. Leur présence quasi quotidienne sur CNews et Sud Radio, aux lignes éditoriales droitières et réactionnaires clairement assumées, n’est sans doute pas étrangère la maîtrise de ce genre de situation.
Dans ce type d’émission spectacle il faut maîtriser parfaitement les codes du bon petit polémiste médiatique : s’imposer en parlant plus fort que l’autre, couper la parole pour balancer des phrases chocs et courtes, les répéter autant que possible sans jamais répondre aux questions des autres participants à l’émission, et les dénigrer. Et le peu de fois où d’Escufon a pu prendre la parole, elle n’a fait que reprendre de façon stéréotypée le discours des Identitaires sans l’adapter au format de l’émission, le rendant difficilement perceptible. Pourtant Messiha et Lejeune, avant la prise d’antenne, étaient venus en coulisse lui prodiguer quelques conseils, en vieux routards de ce type de programmes.
On a parfois tendance à présenter les Identitaires comme les rois de la communication politique. On a vu ce soir-là les limites de leur compétence : surtout quand ils ne peuvent pas maîtriser complètement les évènements. Et pourtant la contradiction était proche du néant : avec Yann Moix, Eric Naulleau et un représentant de Génération-S, à qui il a fallu moins de 30 secondes pour utiliser le terme "néonazi" en début d’émission en guise d’argument politique pour entamer le débat, on a vu plus efficace.
Malgré tout, ce passage est positif pour les Identitaires puisqu’ils ont pu
se faire connaître au plus grand nombre grâce à une émission grand public
et aux répercussions le soir même sur les réseaux sociaux. Comme le dit d’Escufon dans une interview à propos des médias : "les médias on les prend pour ce qu’ils sont. Ce ne sont pas des amis, mais s’ils peuvent parler de nous, nous relayer, c’est quand même notre but."
Signalons au passage, pour celles et ceux qui se seraient étonné·e·s de la présence d’un·e militant·e d’extrême droite radicale sur le plateau de l’émission, que Hanouna avait déjà fait le coup en 2019 en invitant Vincent Vauclin, le chef de la Dissidence française, un groupuscule ouvertement fasciste, pour discuter d’immigration…
Quant à la question posée initialement par l’émission, à savoir la dissolution d’un mouvement comme Génération identitaire, nous pensons pour notre part que c’est une erreur politique que de faire appel à l’Etat pour neutraliser une formation politique, fût-elle raciste comme GI, d’autant que souvent cela peut se retourner contre ses opposants (l’exemple le plus célèbre est certainement la dissolution simultanée d’Ordre Nouveau et de la Ligue Communiste en 1973). Mais au-delà de cela, faut-il rappeler que c’est la dissolution d’Unité Radicale en 2002 qui est l’acte fondateur des Identitaires : ici, non seulement la dissolution n’a pas "règlé" le problème, mais elle est à l’origine du problème. Les dissolutions tout azimut après la mort de Clément en 2013 ont certes affaibli les groupuscules concernés, mais on a vu que ce sont ensuite les antifascistes qui ont été la cible de la répression… Enfin, dernier exemple en date, le Bastion Social : la dissolution est intervenue alors même que les projets d’occupation de lieu périclitaient sous la pression des actions antifascistes, ce qui a permis aux héritiers du GUD de passer pour des victimes et de camoufler leur échec sous la répression.
La Horde