En moins de deux ans, Anne-Thais du Tertre, dite "d’Escufon", est devenue le nouveau visage de Génération identitaire. Mise en avant par son activisme sur les réseaux sociaux, elle représente l’aile catholique du mouvement.
Née en 1999 d’une famille nombreuse catholique et nationaliste, elle déclare que c’est sa famille qui lui a transmis « le fait d’être fier de son pays » : son père est conseiller en optimisation fiscale, tandis que sa mère a élevé leurs dix enfants. Sa famille étant installée à Drémil-Lafage, en Haute-Garonne, c’est assez logiquement à Toulouse que Thaïs va poursuivre des études de langues étrangères à la faculté du Mirail, avant d’opter finalement pour les cours à distance. Elle travaille également à temps partiel dans une école.
D’Escufon rejoint le mouvement identitaire en janvier 2018, ce qu’elle justifie ainsi dans une interview au site Pass’Politique l’année dernière : « la pensée identitaire faisait écho en moi comme si j’avais toujours eu ces valeurs sans pouvoir poser un mot dessus. » Quelle est donc cette « pensée » dont nous cherchons vainement la trace, GI n’ayant pas de programme politique ni même d’idéologie à proprement parler ? L’opposition à l’immigration et à "l’islamisation", évidemment.
De façon plus prosaïque, elle a expliqué dans une interview à Valeurs actuelles que son engagement lui est venu du constat de « l’immigration massive » et des « dangers » qu’elle est supposée engendrée : « par exemple, quand je prenais le métro pour me rendre à la faculté je pouvais observer le remplacement de population quand je devenais la seule blanche présente dans la rame. » Cet exemple du métro, elle le reprendra dans plusieurs des interviews qu’elle donnera par la suite, qui de façon générale se ressemblent beaucoup, comme une leçon apprise par cœur… Dans une autre interview à l’Institut de Formation politique [1], elle précise ; « Quotidiennement, en rentrant de mes cours, je pressais le pas en passant dans certaines rues ». La faute au sexisme ordinaire ? Pas du tout, c’est les étrangers on vous dit !
Quand on l’interroge sur le choix de GI plutôt que d’autres mouvements nationalistes, elle le justifie par la dimension « communautaire » du mouvement identitaire, et sa soif d’action, pour avoir « des histoires incroyables à raconter à ses amis et sa famille ». Cette communauté a des limites, car elle explique que GI ne veut en son sein que des personnes « socialement intégrées (…), normales, pas des marginaux ».
Le déclencheur de l’engagement, c’est aussi pour elle le sentiment d’appartenir à « la civilisation la plus brillante de l’histoire de l’Humanité », pas moins. Dans l’interview de VA, elle précise : « l’identité (…) c’est le facteur qui va amener à ce que tous autant que nous sommes nous choisissions un camp. Parce qu’en face, nous avons des opposants, des ennemis qui n’hésitent pas et qui revendiquent de plus en plus violemment (…) leur origine ethnique, leur nationalité extra-européenne ou leur haine du blanc ». Ou comment faire tenir aux autres son propre discours : la haine de l’autre, du non-blanc, la revendication de sa « blanchitude », c’est pourtant ce qui sert de programme politique aux Identitaires.
Interrogée sur la « démocratie », elle n’y trouve rien à redire, en précisant quand même qu’il y a en Europe des démocraties « qui marchent très bien, comme la Pologne ou la Hongrie » : bref, la parole au peuple, mais à travers des lois organiques qui verrouillent de fait le débat démocratique sur la plupart des questions de société… Mais bien que présentant un profil assez lisse, elle n’en oublie pas ses classiques, et n’hésite pas à citer Dominique Venner pour justifier son combat identitaire.
Très vite, par conviction mais aussi peut-être par narcissisme, elle va associer son image à celle du mouvement.
Ce n’est pas la première militante que GI met en avant ainsi en avant : on pense à Anaïs Lignier, identitaire lyonnaise et porte-parole du mouvement, qui avait elle aussi prêté son visage à une campagne en 2017.
Thaïs d’Escufon va lui succéder comme porte-parole de GI, Lignier ayant été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire après l’occupation des locaux de SOS Méditerranée, une action à laquelle d’Escufon a elle aussi participé, mais apparemment sans être inquiétée par la justice.
Très vite, Thaïs du Tertre devient incontournable : discrète à Aurillac lors de la manifestation du 31 août 2019 sur le lieu de résidence de Kamel Daoudi, un ancien jihadiste menacé dans son pays d’origine, on la voit en revanche en première ligne à la manif contre « l’islamisme » le 17 novembre 2019 à Paris, qui avait péniblement rassemblé quelques centaines de personnes… Elle était en revanche absente de l’action du 29 mars 2019 sur le toit de la CAF de Bobigny.
Devenue de fait porte-parole du mouvement, c’est bien entendu le déploiement provocateur de la banderole contre « le racisme anti-blanc » le 13 juin 2020 place de la République à Paris qui va la placer sous les feux des projecteurs.
Une action qui sur place va virer au fiasco, mais qui sera sauvé par un emballement médiatique dans les jours qui suivirent autour du prétendu "racisme anti-blanc".
Active sur Twitter dès 2013, son compte a un peu plus de 3000 abonnés jusqu’à l’action du 13 juin 2020, où il atteindra les 20 000 followers, avant qu’il ne soit bloqué comme celui de plusieurs autres militants de GI, ce qui leur a permis de passer pour des victimes de la censure de la « bienpensance ».[À ce propos, et histoire de remettre les choses en perspective, récemment, le compte FB de la Horde a été bloqué pendant plus d’un mois sans raison, et notre compte Twitter bloqué pour « incitation à la violence » car nous avions épinglé la vidéo dans laquelle un antifa américain mettait une patate à Richard Spencer, un des leaders de l’alt right.]
Lors de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, Thaïs d’Escufon avait de façon assez indigne profiter de l’événement pour faire du prosélytisme dans une vidéo où elle déclare : "Qu’est ce que tu attends ? Tu n’as plus le choix maintenant ! On a plus le choix ! Engage toi ! Si tu ne veux plus continuer à être spectateur de ce genre de situation, rejoins-nous et agis pour la reconquête !". Le choix de ce mot, "reconquête", n’est pas étonnant chez Génération identitaire, qui l’utilise assez régulièrement dans sa propagande. Mais il a aussi certainement une résonance religieuse dans celle d’Escufon, et renvoie tout aussi bien à la Reconquista espagnole qu’à la reconquête catholique d’Europe centrale au XVIIe siècle.
En effet, comme Julien Langella, un des cofondateurs de Génération identitaire qui tient une rubrique régulière dans le quotidien national-catholique Présent, d’Escufon se revendique « européenne enracinée » mais aussi « catholique ». Ainsi, quand elle évoque des personnalités historiques qui font « l’identitié européenne », elle cite en tout premier don Juan d’Autriche (vainqueur de la bataille de Lépante contre l’Empire ottoman), Godefroy de Bouillon (un des premiers à répondre à l’appel à la première croisade) et Saint-Louis ; pour montrer la place importante des femmes dans la civilisation européenne, c’est Sainte-Geneviève et Jeanne d’Arc ! Pas très moderne, mais fortement ancré dans un imaginaire chrétien conquérant. C’est sans surprise qu’on la retrouve en août 2020 comme intervenante à l’université d’été d’Academia Christiana, un organisme de formation national-catholique dirigé par Victor Aubert.
Génération identitaire ne se caractérise pas ces derniers temps par une grande stabilité de son encadrement : peut-être que d’ici quelques mois GI mettra en avant une nouvelle tête. En attendant, l’aura médiatique actuelle de Thaïs d’Escufon devrait lui assurer un bel avenir à l’extrême droite.
La Horde