Lu sur Infolibertaire.net, cet entretien avec Fernando Rosas, auteur de "L’art de durer" aborde le salazarisme en tant que régime fasciste et dictatorial. Morceau choisi :
"Le fascisme en tant que régime, là où il existe, résulte toujours d’une alliance politique et idéologique entre le fascisme « plébéien » et radical, d’une part, et une large fraction des droites conservatrices, voire libérales, d’autre part. Autrement dit, d’une alliance avec les représentants politiques traditionnels des classes dominantes, qui s’en remettent à l’« efficacité » du fascisme pour atteindre leurs objectifs stratégiques dans une conjoncture de crise systémique[...]"
L’art de durer, de Fernando Rosas, est un livre fondamental pour comprendre la nature du fascisme portugais et de la dictature de Salazar, qui parvint à se maintenir durant plus de quatre décennies . Publié par les Editions sociales, ce livre vient remplir un grand vide dan s la mesure où aucun livre récent portant spécifiquement sur le salazarisme n’était jusqu’à maintenant disponible en français .
Contretemps s’est entretenu avec son auteur. Outre son travail d’historien, Fernando Rosas est un militant de longue date de la gauche révolutionnaire portugaise. C’est à ce titre, en tant qu’antifasciste, qu’il fut arrêté et torturé par la dictature . Il fit plus tard partie des membres fondateurs du Bloc de gauche ( Bloco de Esquerda ), pour lequel il a été député et candidat à la présidentielle (en 2001).
Entretien traduit du portugais (Portugal) par Clara Domingues.
Votre livre s’intitule L’art de durer. Le fascisme au Portugal . Commençons peut-être par un point de caractérisation, qu’est-ce qui fait, selon vous, que l’on peut qualifier la dictature salazariste de fasciste (comme vous le faites) ?
Dans aucun des pays européens de l’entre-deux-guerres, les mouvements fascistes n’arrivent au pouvoir – ne deviennent des régimes fascistes – uniquement par leurs propres forces. Le fascisme en tant que régime, là où il existe, résulte toujours d’une alliance politique et idéologique entre le fascisme « plébéien » et radical, d’une part, et une large fraction des droites conservatrices, voire libérales, d’autre part. Autrement dit, d’une alliance avec les représentants politiques traditionnels des classes dominantes, qui s’en remettent à l’« efficacité » du fascisme pour atteindre leurs objectifs stratégiques dans une conjoncture de crise systémique aggravée par les effets de la Grande Guerre. Ces objectifs sont : l’anéantissement radical de la menace que représente le mouvement ouvrier organisé ; l’urgence de constituer l’État en arbitre et régulateur super partes des intérêts économiques dominants (en particulier dans les pays européens de la semi-périphérie) ; la nécessité d’affirmer le pouvoir absolu de ce nouveau type de dictature et d’en finir avec l’obstacle dressé par la démocratie parlementaire et libérale ; et, dans certains cas, la pressante nécessité de préparer le pays à une nouvelle guerre d’expansion impériale.