Au début des années 2000 en Russie, les actes de violence commis sur des antifascistes ont connu une nette recrudescence : une dizaine d’antifascistes y laissent la vie, pour un nombre bien supérieur de tentatives d’assassinats, de menaces de mort ou d’agressions d’une extrême brutalité. À la différence des violences racistes dont les motivations ne sont pas toujours aussi simples à déterminer ou à combattre, la violence qui s’exerce à l’encontre des militants antifascistes est alors une violence mûrement réfléchie, souvent préparée, planifiée, revendiquée sur Internet.
Après l’assassinat le 19 juin 2004, de Nikolaï Guirenko, un défenseur des droits de l’homme spécialiste de la lutte contre la discrimination et le racisme en Russie, tué par balles à travers la porte de son domicile, la mort de Timur est le premier d’une série de meurtres à caractère anti-antifasciste visant les activistes de la scène antifa radicale. Le 13 novembre 2005, Timur Kacharava, un jeune musicien de 20 ans du groupe Sandinista, a été attaqué au couteau devant une librairie, par une dizaine de néonazis qui connaissaient son nom. Sous les yeux de son ami Maxim avec qui il revenait d’une action de Food Not Bombs, il a succombé à ses nombreuses blessures, avant qu’arrive l’ambulance. Maxim, blessé lui aussi, a survécu, mais il reste traumatisé, d’autant que la police lui a demandé de témoigner à visage découvert contre les agresseurs de Timur, sans aucune garantie. Les meurtriers de Timur ont été par la suite arrêtés, jugés et condamnés (mais pas leurs commanditaires) grâce au soutien des antifascistes : car les antifas furent nombreux au procès de ses assassins, les rassemblements en sa mémoire étaient sans précédent quant au nombre de participants, et jamais on ne vit autant d’autocollants antifascistes dans les rues, malgré les risques que cela impliquait (lors du procès des meurtriers de Timur en août 2007, les débats ont été publics, et avec un jury, alors qu’au départ, il avait été question d’un procès à huis clos et sans jury ; le soutien apporté aux proches de Timur devenant beaucoup plus risqué).
Après l’assassinat de Timur, les actions de pressions psychologiques anti-antifascistes se sont multipliées : ce sont des graffitis, des autocollants ou encore des messages postés sur Internet, qui appellent au meurtre des militants antifascistes, avec les noms et les adresses des personnes visées. Ces « death lists » ont été prises au sérieux par les antifas, car depuis Timur, d’autres activistes de la scène antifa ont été assassinés selon le même mode opératoire (les attaques sont menées par plusieurs personnes, au couteau la plupart du temps). Aujourd’hui encore, les antifascistes russes subissent non seulement la violence de l’extrême droite, mais la répression d’un pouvoir toujours plus autoritaire.
Timur, on ne t’oublie pas, on ne pardonne pas !
La Horde