Ci-dessous, 2 témoignages nous parvenant du Rojava (Kurdistan syrien), où après avoir chassé les intégristes de l’État islamique les camarades doivent désormais faire face à l’armée du despote Erdoğan et ses alliés ultra-nationalistes et djihadistes qui mènent l’offensive contre le canton d’Afrîn. Le premier témoignage provient de la page facebook de Nantes Révoltée, le second du blog Kurdistan Autogestion Révolution qui porte la voix de militant.e.s communistes libertaires engagées dans cette lutte, ici membres d’Alternative Libertaire. La lutte antifasciste est internationale ! 

" [...] il faut ici y voir une possibilité. Celle d’arrêter l’ennemi fasciste d’abord, de l’affronter ensuite, et de le repousser après ; d’écarter la confusion pour pousser les gens à prendre parti."

afrin zero calcare

Depuis plusieurs jours, la puissante armée Turque attaque le canton d’Efrin, à l’ouest du Rojava. Alors que les Kurdes ont courageusement repoussé et vaincu Daesh, ils sont aujourd’hui agressés par les troupes d’Erdogan. Les kurdes risquent d’être massacrés dans l’indifférence de l’Occident. Des camarades partis sur le font Syrien nous faisaient parvenir cette photo en forme de clin d’œil ironiq ue il y a quelques semaines. Ils sont aujourd’hui à Efrin, dans des combats extrêmement périlleux. C’est en leur direction que vont nos pensées.

tag nantes révoltée à rakka

Voici le témoignage publié tout récemment d’un de ces militants, parti combattre le fascisme :

" Rojava, canton de Kobane, le 27 Janvier 2018 .

Après 13 mois au Rojava, alors que je pensais rentrer en Mars ou Avril et ne plus retourner au front d’ici là, la situation me conduit de fait à changer de décision.

Demain je pars pour Efrin, qui comme vous le savez est attaquée par l’État turc. L’invasion du canton d’Efrin par la Turquie et la résistance kurde qui s’y déploie symbolisent une nouvelle bataille contre le fascisme.
Tous nos camarades des YPG/YPJ, du PKK et des partis révolutionnaires turcs s’accordent à dire que ce sera le front le plus difficile qu’on ait jamais vu au Rojava, mais qu’il s’agira également du plus politique. Une guerre de haute intensité militaire et politique, voilà ce qu’est Efrin.
Combattre la deuxième plus grande armée de l’OTAN implique également une nouvelle forme de guerre, une forme de guérilla semi-rurale et semi-urbaine, bien différente du conflit contre DAESH.
Mais il va nous falloir aussi affronter les groupes islamistes du Nord syrien type Al-Nosra/Al-Sham, et la fraction pro-turque de la FSA qui n’est rien d’autre qu’un gang armé réactionnaire.
Nous sommes plusieurs dizaines d’internationaux (comprendre occidentaux, les kurdes ne considérant pas leurs camardes turcs comme internationaux) à partir là bas, et c’est sans surprise que nous ne soyons presque que des "politiques" (révolutionnaires).
Cette fois nous partirons en tant que membres des partis turcs, principalement DKP/BÖG et TKPML/TIKKO, et viennent également avec nous le MLSPB, le MKP, le TKPL. Le MLKP ne se joindra pas à nous, pas dans l’immédiat en tous cas (comprendre que leurs volontaires internationaux ne nous suivent pas encore).
L’International Freedom Battalion demeure pour l’instant à Rakka, ou l’État Islamique continue de mener quelques attaques éclairs, se cachant parmi les civils qui tentent de reconstruire leur ville. Au Sud, vers Deir-Ez-Zor, les YPG/YPJ/SDF continuent de prendre des villages à l’EI.

Le Rojava, et surtout les rojavi, sont sous le coup d’une attaque massive, et doivent se battre sur plusieurs front. L’extrême gauche européenne, dans sa couardise habituelle, apporte un soutien de forme plus que de fond.
Notre départ est donc aussi un appel à la solidarité.
Nous attendons de nos camarades à travers le monde qu’ils et qu’elles partagent des nouvelles sur la situation au Kurdistan. Qu’ils et qu’elles trouvent des fonds pour les organisations investies au Rojava.
Sans argent nous ne pourrons pas nous battre efficacement.

La guerre nous épuise tous, nous vide d’une certaine substance vitale qui pourrait bien être l’innocence, mais la guerre est aussi l’affirmation d’une irrémédiable confrontation politique, elle est l’irréversibilité d’une situation qui fût et qui ne sera plus.
C’est pourquoi il faut ici y voir une possibilité. Celle d’arrêter l’ennemi fasciste d’abord, de l’affronter ensuite, et de le repousser après ; d’écarter la confusion pour pousser les gens à prendre parti.
Parce qu’il faut à présent prendre parti, faire un choix simple entre liberté et barbarie, fascisme ou révolution.
La neutralité n’est pas permise, et l’indifférence est un crime.

Dans les collines et les oliveraies d’Efrin, des gens se battent. Ils sont apoistes, communistes, anarchistes, démocrates radicaux ou simplement antifascistes. Ils sont des nôtres. Ne les oubliez pas."

Pour faire un don : https://secoursrouge.org/article11199


Bataillon international de libération,
canton de Cizîrê, le 27 janvier 2018

Chères et chers camarades,

La distance et le manque de moyens de communication efficients ne m’ont pas empêché de savoir que vous êtes réuni.es pour ce week-end pour une coordination fédérale.

J’espère qu’elle réunira un grand nombre de délégué.es de notre organisation, que les débats seront productifs et les textes constructifs.

La révolution au Rojava m’a confirmé une chose à notre propos : sans une organisation anarchiste, il est impossible d’espérer un seul instant d’intervenir efficacement au sein d’un processus révolutionnaire, que cela soit pour l’intervention politique au sein de la société ou dans l’autodéfense. Nos ennemis sont organisés, nombreux, la situation actuelle ne peut que me confirmer la nécessité de construire notre organisation.

Cette révolution est pleine d’espoir, même si les désillusions sont nombreuses, je reviendrai dessus durant plusieurs billet sur mon blog.

antifa à rakka 2018

Comme vous le savez sans doute, la situation est aujourd’hui critique : l’enclave d’Afrîn est prise en tenaille par l’armée turque et ses alliés islamistes se revendiquant de l’Armée syrienne libre. Cette armée est supérieure à nous sur le plan matériel, mais nos défenses sont préparées depuis longtemps.

Quand vous lirez ces lignes, je serai en route pour le front, nous sommes plusieurs dizaines volontaires internationaux à rejoindre nos camarades des YPG-YPJ qui freinent fortement, jusqu’ici, la 8e armée du monde.

La bataille pour la sauvegarde du canton d’Afrîn au sein de la Fédération démocratique de la Syrie du Nord est aussi importante que la bataille de Kobanê. Nous sommes à un moment clef de l’avenir de la région.

Si le canton d’Afrîn tombe, cela encouragera la Turquie à attaquer le reste du Rojava.

Si nous gagnons, ce sera une grande victoire militaire mais aussi politique alors que le parti d’Erdoğan, l’AKP, a noué une alliance avec le parti fasciste MHP pour l’élection présidentielle de 2019. Une victoire encouragera peut-être une révolution en Turquie.

La bataille de Kobanê a été notre Jarama, celle d’Afrîn sera notre Guadalajara.

Mais cette fois-ci, c’est notre camp qui gagnera.

Damien Keller