Quand l’extrême droite plagie les antifascistes

C’est pas beau de copier ! C’est pourtant ce qu’a fait le Forum des Patriotes en reprenant (et détournant) un sticker de la Horde, comme on peut le voir dans cet intéressant article de Slate qui lui est consacré.

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Mais ce n’est pas la première fois que l’extrême droite pille ainsi les slogans antifascistes…

Toujours prompts à se présenter comme une alternative novatrice, les groupes d’extrême droite sont pourtant souvent en manque d’imagination. Encombrés par leur propre folklore (les croix celtiques, ça va cinq minutes), ils ont parfois été jusqu’à piller celui de l’antifascisme : cela leur procure le double avantage d’une part de profiter de ses bonnes idées, et d’autre part de brouiller les références politiques, un art dans lequel il faut reconnaitre qu’ils sont passés maître (pourquoi se priver, puisque de nombreux gogos tombent dans le panneau : " mais non, il est pas raciste, puisqu’il dit qu’il est pas raciste… "). Voici quelques autres exemples : nous invitons nos lecteurs et lectrices à compléter la liste !

Je t’ai vu à la plage, hier…

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À gauche, l’affiche du Scalp, groupe antifasciste toulousain des années 1980. À droite, sa pâle copie (c’est le cas de le dire) par le FNJ.

Dès les années 1980, le Front national, confronté à un mouvement antifasciste radical dynamique autour des Scalp (Sections Carrément Anti-Le Pen) va détourner à ses propres fins les visuels antifascistes de l’époque : devant la popularité du mouvement antifa dans la jeunesse, le Front National de la Jeunesse va ainsi sortir une affiche qui reprend l’imagerie indienne et détourner le slogan à des fins nationalistes. Le FNJ en fera même des pin’s, ces petites épinglettes à la mode dans les années 1980. On imagine mal aujourd’hui Marine Le Pen en Pocahontas, mais depuis qu’elle ne sait plus qu’elle est d’extrême droite, tout est possible…

Plus récemment, et toujours au Front national, on a vu sur Marseille des affiches du parti d’extrême droite détourner un slogan bien connu des antifascistes, mais pour dénoncer l’insécurité… On imagine Stéphane Ravier, le candidat FN sur Marseille aux municipales de 2014, parti sur sa lancée, proposer un " C’est aux immigrés qu’il faut s’attaquer, pas à la misère et la précarité "…

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En haut, le slogan antifasciste sur un sticker de l’UAT et dans diverses manifs. En bas, son détournement par Ravier à Marseille.

On a les stars qu’on peut

Dans le même ordre d’idées, on peut évoquer la tentative de la mouvance identitaire de reproduire un phénomène qui a beaucoup fait pour le dynamisme de l’antifascisme dans les années 1980-1990 : le lien avec une scène musicale populaire, ce qu’on a appelé le "rock alternatif". Autour d’un groupe-phare, Les Bérurier Noir, toute une scène musicale est en effet venue soutenir la lutte antifasciste, soit en diffusant ses idées à travers des chansons, soit en soutenant les collectifs par des concerts de soutien.

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En 2003, les Bérurier Noir font leur retour aux trans Musicales de Rennes : 3000 personnes déchaînées.

Reprenant l’idée chère à la Nouvelle Droite selon laquelle la victoire politique passe avant tout par la victoire culturelle, les identitaires ont tenté, sans succès, de mettre en avant des groupes dans tous les styles (oï, rock, folk, et même rap !) mais porteur du même message raciste et communautariste. Souvent risibles, ces groupes ont été présentés en détail dans un ouvrage, "Rock Haine Roll", publié aux éditions No Pasaran en 2004, dont nous avons publié un extrait ici.

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En 2017, un des principaux groupes de RIF, In Memoriam, fait lui aussi son retour : 150 personnes bien sages dans un café.

Les nationalistes, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnait

Mais c’est aussi l’antifascisme "historique" que les identitaires, avec le soutien de Riposte laïque, ont tenté de récupérer à leur compte au début des années 2010, en se décrivant comme les nouveaux "résistants". Dans le même ordre d’idée, alors que la « dissidence » renvoyait jusqu’à il y a encore peu de temps à l’opposition au sein d’un régime autoritaire (en particulier l’Union soviétique stalinienne), l’autoproclamé « dissident » Alain Soral soutient la Russie autoritaire de Poutine qui n’a pas grand-chose à envier à celle de Staline ; pire, au mépris de toute décence, poursuivi pour ses déclarations antisémites, il se grime en déporté pour récolter de l’argent…

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Cette stratégie sera reprise en partie bien des années plus tard par Marine Le Pen qui, dès l’année de son élection, en 2011, va retourner le vocabulaire de la Résistance pour faire des militants FN des "résistants" face à "l’occupation" (on est à l’époque des prières de rue), et des militants antiracistes des "collabos".

L’art du déguisement

Plus amusant, l’extrême droite, pour brouiller les pistes et créer la confusion propice à sa banalisation, a parfois tenté de se débarrasser de son folklore traditionnel pour emprunter celui de ses adversaires. Ainsi, dans les années 2010 sont apparus en France, en particulier en Lorraine et en Picardie, sur le modèle allemand, des "autonomes nationalistes" reprenant à la fois le mode d’apparition emblématique des antifas (le fameux "black bloc") mais aussi un certains code vestimentaire, et même le logo aux deux drapeaux.

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Les identitaires parisiens du "Projet Apache", eux aussi, reprendront à leur compte (pas très longtemps il est vrai) le fameux logo antifasciste, sur l’histoire duquel nous reviendrons dans une série d’articles publiés courant septembre :

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Un autre logo emblématique de la lutte antifasciste, en particulier outre-Atlantique, a lui aussi été assez banalement détourné par des militants néofascistes, décidément en manque d’inspiration : il s’agit du "Good Night, White Pride", dont vous pouvez lire le genèse ici.

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Manque d’imagination et de créativité, volonté confusionniste et opportuniste, les raisons ne manquent pas à l’extrême droite pour singer les antifascistes. Quoiqu’il en soit, ces manœuvres ne trompent personne, et ne révèlent finalement qu’un chose : la difficulté des militants nationalistes à s’accepter en tant que tels, et leur volonté, toujours et encore, d’avancer masqués. À nous de faire tomber ce masque, partout où ils tentent de s’implanter.
La Horde