Née le 27 mai 1933, Martine Lehideux est issue d’une famille dont plusieurs membres sont solidement ancrés à l’extrême droite. En effet, elle est la nièce de François Lehideux , nommé par le maréchal Pétain « commissaire à la lutte contre le chômage » en octobre 1940 et décoré de la francisque, et qui, après la guerre, a été le président de l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain (ADMP) de 1984 à 1998, date de son décès.

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François Lehideux dans les années 1940, lorsqu’il était ministre de la production industrielle dans le gouvernement de Vichy, à la droite du Dr MIchel en uniforme de la Wehrmacht, chef des services économiques du MBF, le commandement des forces d’occupation.
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Sa sœur, Brigitte, a épousé Bernard Mamy , un partisan de l’Algérie française qui a participer activement au putsch d’Alger, avant de rejoindre en 1965 les comités Tixier-Vignancour, où il croise Jean-Marie Le Pen, dont il se rapproche dans les années 1980 pour doter le Front National d’un système informatique destiné à améliorer l’organisation interne du mouvement (Mamy est nommé à ce titre délégué national à l’organisation interne du FN).

Quant à Martine, elle épouse de son côté André Dufraisse , de quinze ans son aîné, ancien permanent du Parti Populaire Français de Jacques Doriot, et combattant au sein de la Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme (LVF) aux côtés des nazis (des années plus tard, ce mariage vaudra à Martine le surnom de « Mamie Panzer »).

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André Dufraisse en janvier 1978 à un meeting parisien du Front National, aux côtés, entre autres, de Jean-Marie Le Pen (à gauche) et Michel Collinot (à côté de Dufraisse).

Mais avant même sa rencontre avec son mari, Martine Lehideux avait déjà des convictions très ancrées à droite : l’idée de s’engager politiquement lui serait venu après l’insurrection de Budapest en 1956, puis le combat perdu de l’Algérie française. Avec son mari, qui sera le secrétaire de Jean-Marie Le Pen, elle adhère au Front National (FN) dès sa création en 1972 ; elle s’investit en 1979 dans l’état-major de campagne frontiste pour les élections européennes, et rejoint le comité central du Front en 1982, avant d’intégrer le bureau politique.

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Martine Lehideux dans les années 1980.

À partir de 1984, elle abandonne son emploi pour se consacrer à plein temps au FN, et sera nommée vice-présidente du FN dix ans plus tard. Enfin, elle fait partie du conseil d’administration d’Entreprise moderne et Liberté (une association satellite du FN) dont Dufraisse est le secrétaire général.

Le Cercle National des Femmes d’Europe (CNFE)

Si Martine Lehideux a fait partie dans les années 1990 des membres d’honneur des Amis de Place et Sécurité, une association créée pour soutenir la Fédération Professionnelle indépendante de la Police (FPIP), un syndicat policier d’extrême droite, c’est surtout en tant que présidente du Cercle National des Femmes d’Europe (CNFE) , qu’elle créée en mai 1985, qu’elle se fait connaitre au sein du FN (même si, de son propre aveu, le CNFE suscite le rejet ou un ennui poli au sein du FN). Le CNFE, est une association qui se veut un « lieu de réflexion et d’influence regroupant les femmes qui veulent lutter pour la famille et ses valeurs, ainsi que pour l’enfance. » Dès 1973, le FN défend une “politique familiale”, nataliste et proposant des valeurs sociales où le noyau familial et la femme au foyer occupent une place prépondérante : ainsi, dans son premier programme, apparaissent les notions de revenu maternel (transformé plus tard en “revenu parental”, plus politiquement correct) et de vote familial (c’est-à-dire une voix par famille, pondérée par le nombre d’enfants, et donc soumise au chef de famille). Le Front se place également dès sa création contre le droit à l’IVG, en accord avec sa branche intégriste catholique de l’époque.

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Le CNFE publie de façon irrégulière un bulletin, anime des groupes de discussion au sein des fédérations (le Cercle va même avoir quelques antennes locales) et participe aux manifestations du Front National : on se souvient que le 1er 1990, le CNFE avait défilé, femmes enceintes en tête, d’autres militantes poussant des poussettes vides (pour dénoncer la dénatalité) avec comme slogan « Les femmes d’Europe ! C’est la grâce et la fécondité ».

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Dans les premiers bulletins du CNFE, datés de 1985, un dossier sur « les femmes dans la société moderne » propose « d’assurer l’épanouissement des femmes en leur permettant d’accomplir leur destin biologique dans la transmission de la vie et leur destin social dans l’éducation de leurs enfants. » À la même époque, dans une conférence sur la politique familiale, Martine Lehideux déclare : « détruire la famille est selon les vieilles philosophies dites des Lumières la condition de l’épanouissement de l’être humain. (…) À cette conception totalitaire inhumaine nous opposons le sens profondément humain de l’enfant bercé et élevé par sa mère, protégé par son père, se développant parmi ceux de son sang. »

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Pin’s du CNFE et brochure sur le thème de la famille.

Le CNFE se spécialise dans des domaines "naturellement" féminins : famille, morale, santé, éducation... Ainsi, à travers des "fiches-conseils" en direction des parents, l’école publique est violemment critiquée, les manuels scolaires soigneusement épluchés, en particulier les livres de biologie qui serviraient à “ remettre en cause les valeurs familiales ” par le biais de l’éducation sexuelle “ imposée aux enfants ” parce qu’ils expliquent le fonctionnement des appareils génitaux, de l’acte sexuel et de la fécondation. Sur la violence à l’école, le CNFE tient un double discours, regrettant les "bagarres viriles" d’antan qui forgent le caractère, tout en dénonçant la délinquance forcément du fait des seuls enfants étrangers… Pour diffuser sa propagande, le CNFE appelait ses sympathisantes à investir les fédérations de parents d’élèves existants, et à créer leurs propres listes.

Le CNFE prétend ne pas avoir d’orientation religieuse : il annonce pourtant dans son bulletin que ses membres participent aux pèlerinages organisés par les catholiques intégristes de Chrétienté Solidarité et Renaissance catholique pour « La Défense de l’Europe chrétienne » et « la réparation des crimes d’avortement ». Martine Lehideux, catholique traditionaliste revendiquée, est d’ailleurs membre du comité d’honneur de l’Union Nationale pour l’Europe Chrétienne (UNEC), un organisation politico-religieuse dont l’objectif est de combattre « les idéologies s’opposant à la royauté universelle de Notre Seigneur Jésus-Christ ». En 1990, l’UNEC avait prévu un pèlerinage en Pologne (finalement annulé) avec une double destination : le sanctuaire marial catholique de Czestochowa et le site du centre d’extermination d’Auschwitz où l’UNEC comptait prier pour « stopper le génocide de l’avortement ». No comment !

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L’engagement contre l’avortement de Martine Lehideux es toujours d’actualité, comme on peut le voir sur cette photo d’une manifestation de Civitas en 2014, où elle défile aux côtés de Xavier Dor (cravate rouge), le président de SOS Tout Petits.

Le CNFE connait son heure de gloire au milieu des années 1990 (il revendique un millier de membres en 1995), mais sa dynamique s’essouffle ensuite : le CNFE continue à participer aux différentes mobilisations contre l’avortement ou contre le PACS en 1999, et lance la même année, dans le campagne des élections européennes, la Convention des Femmes, à laquelle participe d’autres femmes du FN, comme Marie-France Stirbois, Myriam Baeckeroot, Marie-Claude Bompard, une structure récupérée après la scission par le MNR de Bruno Mégret.

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À droite, Martine Lehideux, toujours avec son chapeau, aux côtés de Jean-Marie Le Pen et Marie-France Stirbois, le 1er mai 2001.

Enfin, une ultime tentative de relance du cercle a eu lieu en janvier 2001, avec la tenue d’un cinquième et ultime congrès sur le thème de “la famille, priorité nationale” [1]. Mais à cette date, le bureau du CNFE est composé, outre sa présidente et de Michèle Carrayon, vice-présidente, d’un nombre important de militantes FN déjà âgées à l’époque et qui vont décéder dans les années suivantes (comme Thérésine Bourges, Berthe Brunet, Marie-Rose Prat, Odette Verger ou Suzette Cassin), ce qui n’a certainement pas aidé à relancer le cercle. Enfin, on peut noter que certaines responsables du CNFE d’alors, comme Monica de Condé, Jeanine Fauchas ou Eliane de la Brosse, sont toujours au FN aujourd’hui.

Lehideux sur tous les fronts électoraux

Parallèlement à son action au sein du CNFE, Martine Lehideux s’est présenté à différentes élections sous l’étiquette Front national, dès 1977 comme candidate suppléante aux municipales à Paris (XVe), puis aux législatives de mars 1978 et de juin 1986 à Grenoble, en 1985 aux cantonales à Saint-Cyr l’école (78). Surtout, Martine Lehideux a été dix ans élue eurodéuptée FN.

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Photo de 1986 de tous les députés FN, nationaux et européens : une seule femme, Martine Lehideux.

Placée en position éligible par Jean-Marie Le Pen sur la liste pour les européennes de 1984, elle est élue avec 10,95% des voix, et elle garde son mandat jusqu’en 1994, prenant en 1988 la vice-présidence du Groupe des Droites européennes (rebaptisé plus tard Groupe Technique des Droites européennes, GTDE) et participant à deux commissions, celle sur le droits des femmes (sic) et celle sur le développement et la coopération (resic). Seul fait d’arme connu au sein du Parlement  : son soutien, en avril 1990, au refus du Roi des Belges de ratifier une loi autorisant l’avortement… Des années plus tard, en avril 2005, elle interviendra à la convention des élus du FN au parlement européen sur le non au referendum de mai 2005 sur la Constitution européenne.

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Conseillère régionale FN d’Ile-de-France de 1992 à 1998, puis à nouveau en 2004, candidate FN à la législative partielle de 1999 dans la 21ème circonscription de Paris, secrétaire départementale de la fédération de Paris en 2000, Lehideux tente également de s’implanter localement en région parisienne. Pour l’anecdote, notons qu’à l’automne 2000, elle est poursuivie pour falsification de chèque et usage par le TGI de Paris pour avoir encaissé sur un compte personnel le chèque d’un sympathisant destiné au FN Paris…

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En 1998, au moment de la scission, Martine Lehideux reste sans surprise fidèle à Jean-Marie Le Pen, et sous-entend même que le mouvement initié par Bruno Mégret et piloté en sous-main par Charles Pasqua (qui venait alors de démissionner du RPR), et , lors d’une conférence de presse avec Jacques Colombier, élu FN en Aquitaine, que la crise du FN aurait été provoquée par « des grands banquiers et hommes d’affaires proches de l’Elysée ». En 2001, Lehideux est chargée du comité de parrainage dans la campagne présidentielle 2002 de Jean-Marie Le Pen. Mais au milieu des années 2000, elle commence à prendre ses distances avec le FN : il faut dire qu’alors qu’elle était conseillère régionale en Île-de-france depuis 1992, elle a dû, contrainte et forcée, laisser sa place à la tête de la liste FN aux régionales de 2004 à Marine Le Pen.

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En 2003, Martine rit jaune avec Marine et Jean-Marie Le Pen.

Si, en janvier 2005, elle revient finalement au conseil régional, en 2009, la rupture avec le FN est officielle : le groupe Front national d’Ile-de-France se coupe en deux : le groupe des Nationaux et Indépendants voit le jour composé de Martial Bild, Myriam Beackroot, Michel Bayvet, Michel de Rostolan et Martine Lehideux, qui en prend la présidence, ce qui est logique au vu de sa popularité auprès des militants locaux. Peu de temps avant, trois eurodéputés FN étaient entrés en dissidence, parmi lesquels l’ancien secrétaire général du parti, Carl Lang, avec qui Lehideux crée en 2009 un nouveau mouvement, le Parti de la France (PDF). Elle est à partir de cette date logiquement candidate pour le PDF à diverses échéances électorales : aux européennes de 2009 (0,92%), aux régionales de 2010 en Basse-Normandie (3,71%) et enfin pour les législatives en 2012 dans l’Aisne (0,96%), sous l’étiquette "Union des Patriotes".

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À plus de ses 80 ans, elle participe par ailleurs toujours aux initiatives de ses amis : on la croise ainsi en 2010 à la manif en soutien à Zemmour devant la Licra ; en 2012 à celle pour "l’honneur de l’armée française" de la place de l’Etoile au Trocadéro, organisée par le Comité de Laison du Mémorial de l’Honneur Français de Roger Holeindre ; en 2014 au Père Lachaise à Paris aux obsèques de Pierre Descaves, cadre historique du FN qui, comme elle, avait rejoint le PDF ; à toutes les manifestations du PDF, aux côtés de Thomas Joly et de ses amis skinheads néonazis.

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Martine Lehideux au 3e congrès du PdF en mai 2016.

Le 9 janvier 2016, Martine Lehideux est nommée vice-présidente du Parti de la France, une distinction honorifique qui sera certainement la dernière de sa longue carrière politique.
La Horde

Notes

[1Parmi les intervenants, Yvette Beau, ancien premier juge des affaires familiales à Mulhouse ; Joëlle Melin, présidente de Force nationale Santé (un satellite du FN) ; Marie-Christine de Penfentenyo, mère de neuf enfants, et sœur de François de Penfentenyo, président de l’institut Civitas en 1999