Du 15 au 18 octobre a eu lieu la 6ème édition du Festival Siempre Antifascista de Göttingen. Nous nous y sommes rendus, pleins de souvenirs de ce qu’était Göttingen il y a 20 ans…
Nous n’étions pas revenus à Göttingen depuis plus de 20 ans : c’était alors la première fois que nous faisions la connaissance d’antifascistes allemands, et le moins que l’on puisse dire c’est que nous avions été impressionnés par les agit-prop’, le black bloc en manif (qui n’était pas encore une pratique répandue comme cela a été le cas plus tard lors des contre-sommets), l’atelier graphique Kunst & Kampf et ses affiches en couleur… Il faut dire que c’était alors la "grande époque" de l’Autonome Antifa (M), le plus important groupe antifasciste de la ville.
Mais revenons-en au présent, et aux antifascistes d’aujourd’hui. Pour la sixième année, plusieurs collectifs antifascistes de Göttingen organisent un festival Siempre Antifascista, avec débat, manifestation et concert. Le festival s’est ouvert sur la projection d’Acta Non Verba qui a eu lieu le jeudi soir en présence du réalisateur et à laquelle nous n’avons cependant pas pu assister. Arrivés le vendredi soir, nous rentrons dans le T-Keller, lieu alternatif qui a accueilli, le vendredi à 17h30, une conférence sur les perspectives antifascistes en Ukraine et en Russie, suivie d’une présentation d’un membre de la FAU sur le syndicalisme anarchiste.
S’en est suivie une discussion autour des actions à entreprendre dans les zones où les populations sont majoritairement hostiles aux idées progressistes. Peut-on vraiment engager des discussions constructives avec la population locale ? Comment aborder avec eux des sujets sensibles sans se positionner comme donneur de leçon ou détenteur de la vérité ? A partir de quand faut-il « éteindre l’incendie » lorsque des réfugiés se font détruire leurs installations par des individus ou des groupes hostiles à toute forme de solidarité avec ces migrants en détresse ?
Des éléments de réponse ont été évoqués : tenter d’installer un dialogue avec les populations locales sans se positionner de manière trop imposante, s’immiscer dans la vie locale de ces zones et se faire connaître par des campagnes d’affichage, la pose de stickers, la création d’activités autogérées. Sans oublier de travailler avec différents collectifs en amorçant des actions convergentes en dépit des priorités qui peuvent naturellement varier d’un collectif à un autre. C’est bien par la convergence des luttes qu’un travail de fond peut aboutir, et non en pointant les différents points de vue qui existent d’un collectif à un autre.
Etait prévu pour la journée du samedi une manifestation de solidarité envers les réfugiés et, au Juzi, une rencontre avec Giuliano Giuliani, le père de Carlo Giuliani qui fut assassiné par un policier en juillet 2001 à Gênes lors des manifestations anti-G8. Giuliano Giuliani a alimenté sont intervention de photos, de vidéos et d’enregistrements téléphoniques de la police. Ces documents prouvent par l’image que la police a bel et bien infiltré la manifestation et a volontairement semé des troubles lors de cet événement. Il retrace également les circonstances précises dans lesquelles Carlo Giuliani fut tué par balle lors d’affrontements avec la police. Les documents présentés étaient à la fois édifiants et bouleversants et ce ne fût pas sans émotion que nous avons vécu cette rencontre.
Dans un second temps, Giuliano Giuliani nous a relaté les bavures policières qui ont eu lieu sur les altermondialistes hébergés dans l’école Diaz lors de ce même événement de juillet 2001. La violence de cette irruption de la police fut extrêmement brutale et traumatisante pour les italiens. La presse l’a d’ailleurs baptisé la « nuit des matraques ».
En fin de journée a eu lieu une conférence sur la critique de la politique mémorielle allemande par le collectif antifasciste Gotha suivi d’un dîner vegan. On note au passage que beaucoup de militants antifascistes allemands sont également vegan, ce qui semble par ailleurs assez cohérent d’une certaine manière, et les repas proposés à prix libre ne contiennent donc pas de viande, et sont cependant un régal pour les papilles.
19h, installation de la table de presse de La Horde. Nous avons été étonnés de constater que nous étions la seule table de presse du festival. Il y avait bien des T-shirts et quelques CD/K7/affiches, mais aucun matériel antifasciste. D’autant plus étonnant que les militants allemands ont, par le passé, produit beaucoup d’outils militants (brochures, stickers, affiches, etc).
5 groupes de musique étaient prévus pour la soirée concert. Malgré les difficultés techniques, le son n’était pas si mauvais. En tête d’affiche : What We Feel, punk hardcore russe qu’on adore. Mais avant cela, nous avons pu faire connaissance avec des jeunes groupes dont Alarm, du prop’ & Folk, qui nous a laissé dubitatif... Plus tard dans la soirée, What We Feel entre en scène pour notre plus grand plaisir et celui du public : décibels, sueur et pogo...tout ce qu’il faut !
Le lendemain, après un Frühstück (petit déjeuner) bien mérité, on nous convie au vernissage de l’exposition Namenlos (« sans nom ») qui rend hommage aux réfugiés et à leurs conditions de vie ultra-précaires. Plutôt une installation qu’une exposition (un lit, un miroir et des textes affichés reprenant les propos de personnalités politiques visant à stigmatiser les migrants), on pourra tout de même noter le fait qu’elle a le mérite d’exister.
Bien que la soirée concert ne fût pas un échec en terme de public, nous déplorons un peu une fréquentation assez faible lors des rencontres et des débats. Le militantisme antifasciste allemand connaît des difficultés (à l’instar de ce qui se passe en France) mais on a néanmoins pu sentir une qualité en terme d’organisation et d’esprit de solidarité. On espère donc que les éditions à venir rencontreront encore plus de succès !
La Horde