États-Unis : retour sur les rassemblements de Portland

Alors que le 12 août, beaucoup d´antifascistes se souviennent et rendent hommage à Heather Heyer, contre-manifestante antifa tuée par un fasciste l’année dernière, de nouveaux rassemblements d’extrême droite se déroulent aux Etats-Unis et les antifascistes se font réprimé.es. Voici un retour se les derniers faits à Portland du 30 juin et du 4 août (en complément de notre traduction d’un texte paru sur It’s going down), et quelques pistes de réflexion que l’on peut en tirer.

PDX

Depuis l’ascension au pouvoir de Trump l’année dernière, les fascistes semblent vouloir faire beaucoup de bruit pour attirer de nouvelles recrues et ce, dans un contexte qui s’y prête volontiers avec un pouvoir des plus rétrogrades, sexistes et racistes. Face à cela, partout où l’extrême droite gesticule, les antifascistes se mobilisent. A nous de prendre exemple sur elles.eux, comme elles.ils le firent au préalable avec nous en Europe.

Résumé du rassemblement du 30 juin

Le 30 juin, la ville de Portland fut la scène de ce que beaucoup considèrent comme la manifestation la plus violente du pays depuis la mobilisation à Charlottesville de l’année dernière. Ce jour-là, le groupe d’extrême droite Patriot Prayer s’était rassemblé pour soutenir la candidature républicaine au Sénat de son fondateur Joey Gibson. Alors que le groupe tenta de s’élancer dans les rues de la ville, les antifascistes les bloquèrent et une bagarre s’ensuivit. La police, de son côté, attaqua les antifascistes.

Grâce à la mobilisation antifa, les fascistes ne réussirent pas à atteindre le parc fédéral, objectif de leur rassemblement. Les affrontements continuèrent et la police dû retirer l’autorisation de manifester aux fascistes. Fous de rage face à cette défaite, il leur vint en tête de revenir à « Portlantifa », comme ils.elles surnommèrent la ville depuis, pour défendre leur droit à la « liberté de parole ». Ils utilisèrent des images des bagarres pour encourager les leurs à revenir (armé.es pourquoi pas ?).

Déroulé des faits du 4 août 2018

Au-delà de la rhétorique relative à la liberté d’expression de la part de l’extrême droite, beaucoup ont perçu leur retour à Portland, après les violences du 30 juin, comme une énième provocation. En effet, cette ville est réputée comme étant l’une des plus progressives du pays et Joey Gibson se présente comme candidat pour l’état voisin de Washington (où il habite, à Vancouver) et, non celui de la ville (état de l’Oregon).

C’est ainsi que 400 membres/sympathisants de Patriot Prayer et Proud Boys étaient revenu.es et firent parqué.es dans un parc, protégé.es par un important dispositif policier pendant plusieurs heures. En face, un bon millier d’antifascistes (membres des Democrat Socialists of America, syndicalistes, religieux.euses, entre autres) s’étaient réuni.es pour les contrer.

PDX
PDX

La tension monta d’un cran quand la police, par haut-parleurs, ordonna aux antifascistes de se disperser car ils.elles auraient des armes.

PDX

Etrangement, les fascistes ne reçurent jamais cette menace, alors qu’il était évident que certain.es étaient armé.es. De plus, ils.elles ne furent pas contrôlé.es lors de leur arrivée au parc alors que la présence de personnes armées était évident :

PDX
PDX

Par ailleurs, des témoins informèrent sur Twitter ne pas avoir vu d’armes du côté antifasciste :

PDX

Face à la menace policière, les antifascistes restèrent sur place. C’est alors que les forces de l’ordre lancèrent des bombes lacrymogènes et chargèrent les contre-manifestants, sous les applaudissements de l’extrême droite qui se mis à fanfaronner derrière l’imposant cordon policier, composé notamment de noirs et de femmes (dur à avaler pour des suprémacistes et des sexistes).

UnicornRiot, qui transmettait en direct sur place, publia une vidéo qui montre que la charge ne fut aucunement motivée par des jets de projectiles de la part des antifas (4e minute), version officielle de la police et relayée sans esprit critique par la presse mainstream , notamment Le Monde en France.

PDX

Cette violence disproportionnée put coûter la vie à un antifa. En effet, l’un d’eux a reçu une stun-grenade qui resta logée dans son casque et le blessa à la tête.

La violence de la charge fut telle que les forces de l’ordre furent critiquées et, selon l’agence AP (citée par Courrier International), le chef de la police local demanda une enquête indépendante sur les faits. Tout comme pour nos ami.es journalistes, nous les invitons à regarder les vidéos postées en ligne… Les bavures envers les antifascistes sont nombreuses et tout ceci pour protéger des fascistes.

Quelques enseignements stratégiques à en titrer

Les antifascistes nord-américain.es doivent maintenant faire face à la violence d’état accrue qui vise à protéger une poignée de fascistes, sous couvert de liberté d’expression. Comme nous le dénonçons depuis toujours, cette « liberté » est très hypocrite vu que les fascistes, si jamais ils.elles arrivaient au pouvoir, s’empresseraient de la restreindre à leurs opposant.es et leurs cibles au sein de la population (femmes, musulman.es, juifs.juives…).

S’il fallait encore des preuves, l’une des « figures » de l’extrême droite ayant participé au rassemblement du 4 août portait un t-shirt qui en dit long : « Pinochet n’a rien fait de mal ! » ; « Effrayons à nouveau les communistes avec des hélicoptères – nettoyage physique depuis 1973 ».

Pinochet-min

Ce t-shirt fait référence aux années de dictature de Pinochet au Chili (qui prit le pouvoir le 11 septembre 1973par un coup d’État contre le gouvernement élu de Salvador Allende), qui transforma le pays en laboratoire des théories néo-libérales, et en société soumise à un pouvoir autoritaire et répressif (3 200 mort.es et « disparu.es », 38 000 personnes torturées). Les corps de beaucoup d’opposant.es furent lancés depuis des hélicoptères pour les faire « disparaitre ».

À la question de si cela ne lui déranger pas de porter ceci sachant le bilan humain de la dictature, « Tiny » (le fasciste en question) répondu « il ne s’agissait que de communistes, non ? ».

Voilà le premier enseignement : si nous leur laissons la place libre, voici le projet qui nous attend pour tous.tes ceux.celles qui ose leur tenir tête. S’ils osent porter ce genre de message alors même qu’ils.elles prétendent être de "gentil.les citoyen.nes" qui ne cherchent qu’à s’exprimer, qu’en sera-t-il si un jour il.elles parviennent à imposer leur idéologie ?

Le second enseignement concerne la violence policière. Avec le développement de l’antifascisme aux Etats-Unis, alimenté par l’arrivée au pouvoir de Trump et la tentative de l’extrême droite de prendre la rue et de s’imposer dans l’opinion publique, la police a une nouvelle fois choisi son camp : défendre les fascistes et réprimer les antifas, par la violence s’il le faut. Nous pouvons donc prévoir une hausse de violence, des perquisitions, de harcèlement de militants : récemment la police de Berkeley publia des photos et informations personnelles de plusieurs activistes sur Twitter, les plaçant dans une situation à haut risque.

Cette violence policière va de pair avec la collusion avec l’extrême droite. Les néofascistes, d’après Love and Rage, s’amuse maintenant à amener des serre-cables afin d’arrêter des antifas et les amener à la police, sous le prétexte qu’ils.elles seraient des "terroristes". Ainsi, le 11 août, à Charlottesville, un homme fut arrêté pour port de rasoirs et de serre-cables. L’idée semble s’être retournée contre eux mais il convient de rester vigilant.es et groupé.es plus que jamais. Jouer les supplétifs de police est décidément une habitude chez les militants d’extrême droite, comme on l’a vu en France avec les Identitaires sur le Col de l’Échelle.
La Horde