Espagne : Manuel Valls tenté par la mairie de Barcelone, avec l’aide d’un fasciste local

En juin 2013, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Manuel Valls était devenu la bête noir de l’extrême droite pour avoir prononcer la dissolution de divers groupuscules nationalistes, suite à la mort de notre camarade Clément. Valls fait aujourd’hui son retour sur la scène politique, à Barcelone, et ironie du sort, c’est entouré d’un militant d’extrême droite qu’il organise sa campagne… 

Valls-barcelone

On avait quasiment oublié Manuel Valls depuis l’avènement de la Macronie et sa descente aux oubliettes de l’Assemblée. Celui qui fut ministre de l’intérieur, puis premier ministre sous Hollande, dû subir depuis les dernières élections présidentielles de 2017, quelques effets collatéraux des politiques des gouvernements auxquels il appartenait (loi El Khomri,…).

Valls, un ego en quête de lumière

S’écroulant lui-même en perdant la primaire à gauche, avant que le PS face de même au cours du scrutin, lequel ne recueillit au final que 6,36% des voix, Valls s’est pris un « vent » (relatif) de la part de LREM, celle-ci refusant de soutenir sa candidature au poste de député, malgré sa trahison au camp socialiste (il refusa de soutenir le vainqueur de la primaire, en dépit de l’engagement donné). C’est ainsi qu’il retrouva son poste de député après avoir goûté aux vanités du sommet de l’État. Mais il s’agit là d’une position bien trop restreinte pour un ego lui aussi trop jupitérien.

Or, voilà qu’on entend parler de lui à… Barcelone ! Bien qu’étant un parfait inconnu dans cette ville, il y présenta le 6 septembre le livre Anatomie du procés (le « procés » étant le nom donné en catalan au processus indépendantiste en Catalogne), critique du mouvement séparatiste local. Ce n’est pas la première fois qu’il se rendait dans la capitale régionale ces derniers mois, et qu’il s’entoure de partisans du maintien du territoire dans l’État espagnol.

En effet, bien qu’il laisse encore planer le doute (les mauvaises langues disent pour se faire désirer), il serait pressenti pour se présenter comme le candidat anti-indépendantiste aux élections municipales prévues le 26 mai 2019. Sa candidature serait soutenue par le parti Ciudadanos/Ciutadans (« citoyens » en espagnol et catalan, respectivement). Ce parti du centre émergea après la crise dans un pays rongé par la corruption et le chômage, et son objectif est de continuer avec les politiques libérales mais avec un look plus « jeun’s ». Il a réalisé ces dernières années des percées électorales, notamment en Catalogne où le PP (principal parti de droite) s’est effondré. Il joue désormais un rôle de premier plan dans l’opposition au séparatisme.

Jusqu’ici rien de surprenant pour un Valls de centre/droite en quête de reconnaissance et originaire de Barcelone… si ce n´est qu´un curieux personnage de l’extrême droite locale semble être le principal organisateur de son éventuelle future campagne : l’homme d’affaires Josep Ramon Bosch.

Bosch, un fasciste tissant la toile de Valls

Côté face, Valls se vend comme un rempart face au « populisme » des indépendantistes, qu’il accuse de « dérives du nationalisme vers le suprémacisme et, parfois le racisme ». Il les compare également avec la Ligue du Nord italienne, qui jadis prônait une sécession également.

Côté pile, loin du positionnement marketing, on découvre un fasciste pro-unité avec l’état central, lui aussi nationaliste mais a priori plus fréquentable selon Valls. D’après El Mundo, il serait « le cerveau de son opération pour gagner [Barcelone] ». Toujours d’après le journal, les deux hommes se rencontrèrent en octobre 2017, peu de temps après l’organisation d’un référendum sur l’indépendance, au cours d’un événement d´entrepreneurs.euses. Dès décembre, Bosch voit en lui le possible meneur d’une coalition permettant d’emporter 5 communes stratégiques au cours des prochaines élections municipales et ainsi faire barrage à une nouvelle tentative de sécession. Il lui en souffle déjà l’idée.

Au cours des semaines qui suivirent, les liens se renforcent et Valls est invité par Bosch et Societat Civil Catalana (« Société Civile Catalane », principale plateforme anti-indépendantiste, voir ci-dessous) à prendre la tête d’une manifestation pro-unité en mars 2018.

Avec l’arrivée du printemps, l’idylle s’intensifie. Toujours selon le quotidien espagnol, Bosch forma un groupe de quinze « professionnels » qui travaille dans « l’ombre pour rédiger des rapports sur les problèmes de la ville ». Malheureusement, El Mundo ne s’intéresse pas aux sources de financement de cette équipe ni à qui paie les fréquents déplacements de Valls à Barcelone, où il séjourne au Cotton Club, un luxueux hôtel de la ville.

Ces questions ont pourtant le mérite d’être posées. Comment, et pourquoi, finance-t-on une pré-campagne municipale d’un politicien inconnu localement ? Mais aussi, quel est cet homme qui construit sa campagne en amont de toute déclaration officielle et qui possède des liens importants avec l’extrême droite catalane ?

Bosch, un fasciste qui a fait pas mal parler de lui

Ces liens sont avant tout familiaux, son père étant un franquiste connu dans sa ville natale de Santpedor, mais l’histoire est loin de s’arrêter là… Bosch est le fondateur en 2013 de Somatemps, un groupe nationaliste qui prône l’identité hispanique de la Catalogne (en d’autres termes, son rattachement à l’Espagne). Son nom (« nous sommes à temps » en catalan) est un jeu de mots faisant référence à Sometent, une milice catalane soutenue par le dictateur Primo de Rivera dans les années 1920, et veut également dire qu’il est encore temps de stopper l’indépendance. D’après El Nacional.cat, des représentants du Movimiento Social Republicano (proche d’Aube Dorée) et de la Plataforma per Catalunya furent invités lors de sa fondation.

Selon Jordi Borràs (un photographe et militant antifasciste), son président actuel Josep Alsina avait intégré dans sa jeunesse le Partido Español Nacional Socialista (« Parti Espagnol National Socialiste » en espagnol, groupe néonazi) avant d’intégré d’autres mouvements fascistes. Les deux autres dirigeants sont aussi de beaux exemples : Javier Barraycoa était un responsable des Carlistes catalans (une branche monarchiste de l’extrême droite) et Xavier Codorniu se mis à crier le slogan franquiste « una, grande y libre » (« une, grande et libre » en espagnol) au cours d’une manifestation d’extrême droite en juin 2018 devant le siège du principal parti de centre gauche indépendantiste.

En 2014, il devient l’un des fondateurs de la Société Civile Catalane et son premier président jusqu’à l’année suivante. Bien que le groupe ne revendique pas une filiation politique particulière, il entretient des liens avec des groupes extrémistes tels que Somatemps, Plataforma per Catalunya, Movimiento Social Republicano, et Vox ainsi que la Fondation Francisco Franco.

Santiago Abascal et Ariadna Hernández
Santiago Abascal et Ariadna Hernández, responsables du groupe Vox lors du lancement de la SCC à Barcelone.

Depuis l’année dernière, des fascistes violents se sont invités aux grands rassemblements anti-indépendantistes organisés par la SCC, commettant des agressions sans être jamais exclus des manifestations par les organisateurs.

D’après Jordi Borras, dans son livre « Desmuntant Societat Civil Catalane » (« Démasquant la Société Civile Catalane »), Bosch créa en 2015 un faux profil Facebook et une chaîne Youtube sous le pseudo Josep Codina, pour menacer de mort des figures de l´indépendantisme. Il publia des vidéos de propagande fasciste rendant hommage au franquisme et faisant l’apologie du nazisme, avec sa voix en off. Une plainte fut portée contre lui et il refusa de témoigner durant le procès. Elle fut finalement classée sans suite pour prescription. Néanmoins, il démissionna peu de temps après de la présidence de la SCC. Il fallait bien protéger l’image de l’organisation.

Bosch participe par ailleurs à l’animation du site web sportif « La Contra Deportiva » avec Roberto Hernando, dirigeant de la Plataforma per Catalunya.

Avec tout ce bagage militant, on peut se demander pourquoi Valls accepte de travailler avec un tel personnage si l’objectif est de lutter contre le populisme et le racisme…

Valls, un rempart contre le « populisme » ?

Vu le souvenir qu’il a laissé en France, on pourrait être surpris du soudain antiracisme de Valls. Bien sûr, il convient de se donner une belle image quand on est politicien, en particulier en période de (pré-)campagne… mais les faits sont têtus.

En 2009, alors maire d’Evry, Valls se plaint du nombre trop élevé de Noir.es sur un marché de la ville : « belle image de la ville d’Evry… Tu me mets quelques Blancs, quelques Whites, quelques Blancos » déclare-t-il alors.

https://youtu.be/pTZn7aqBVQc

N’oublions pas non plus ses déclarations en tant que ministre sur les Rroms défini.es comme des « populations qui ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres » et qui auraient « vocation » à quitter la France.

Son passage à l’Hôtel de Ville de la commune fut également marqué par une politique raciste, répressive au détriment de la prévention(croissance des effectifs de police, développement de la vidéosurveillance) et antisociale, avec la hausse des impôts des ménages (+ 45,7 %) et de la dette de la mairie en prime. Espérons que le même sort ne sera pas réservé aux Barcelonais.es…
La Horde