Espagne : les antifas de Barcelone font face à l’extrême droite et à la police

Dans le prolongement de notre article de vendredi sur le mouvement Vox, nous vous proposons un compte rendu d’une riposte antifasciste face à ce mouvement d’extrême droite, de la part du membre de notre collectif actuellement présent à Barcelone.

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Ce 30 mars 2019, la nouvelle étoile montante du fascisme en Espagne a essayé de faire son show à Barcelone. Ces derniers mois , le parti Vox, foncièrement  antiféministe, xénophobe, homophobe et libéral, mêle arrogance et excès de confiance en soi depuis qu’il a réussi à réunir plus de 9000 personnes à Madrid en octobre dernier, et à entrer dans un parlement régional en décembre 2018 (une première depuis la fin de la dictature franquiste). Complètement possédé par sa haine vis-à-vis des indépendantistes catalans, et en pleine campagne électorale, la formation se lança le défi de réunir un grand nombre de personnes à Barcelone et de maintenir ainsi sa campagne de « défenseur » de l’unité de la nation.

C’est dans ce conteste que Vox appela ses soutiens à se réunir sur l’avenue de la Reine Marie Christine, devant la Fontaine Magique aux pieds de la colline du Montjuic. Malgré le fait qu’il affréta des cars de toute l’Espagne, il ne réussit pas à réunir autant de gens qu’il l’avait espéré : 15000 selon le parti (donc plus qu’à leur coup d’éclat à Madrid), mais 5000 selon les autorités locales. Bien sûr, le groupe va prétendre que le rassemblement fut une réussite en publiant des photos bien cadrées donnant une fausse image de l’affluence réelle. Mais, si on regarde sous un autre angle, on voit que les faits sont bien têtus….

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En haut, vue depuis la scène de Vox, sans trop lever l’objectif… En bas, le même rassemblement, mais en montant quelques escaliers… Habituellement, les manifestations des autres groupes politiques remplissent cette avenue.

Pour ce qui est du contenu du discours qui y fut prononcé, nous retrouvons les rhétoriques classiques du parti : mettre fin à l’autonomie de la région, supprimer la police catalane (la même qui les protègea des "vilain-es antifas") et interdire les partis politiques indépendantistes ( il y a deux semaines ils demandaient aussi l’interdiction des organisations « qui n’ ont pas renoncé au marxisme »). Dans le contexte politique espagnol, bien que le rassemblement soit un pari raté pour l’extrême droite, le fait que Vox ait réussi à rassembler quelques milliers de personnes, quand bien même beaucoup venaient d’autres régions, reste un problème fondamental auquel les antifas doivent faire face.

Mobilisation antifasciste et répression policière

Alors que Vox et ses soutiens devaient se rassembler à midi, plusieurs centaines d’antifascistes s’étaient donnés rendez-vous à 10:30 à 300 mètres de là. Un large rond-point, la Place de l’Espagne, les séparer du lieu où allez converger les fascistes. Entre cette place et les antifas, un large dispositif policier leur bloquait le passage.

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Cordon policier barrant la route aux antifas. Derrière, les fascistes se réunissaient tranquillement.

Très tôt, alors que le calme régnait sur le rassemblement antifa, la police menaça à plusieurs reprises les manifestants d’une charge imminente s’ils ne se dispersaient pas. Le message était clair : la mobilisation ne pouvait pas troubler le festival de Vox . Avec de l’utilisation d’argent public pour le maintien de l’ « ordre », les fascistes pourraient se pavaner dans la ville, historiquement marquée à gauche, et les antifascistes se devaient de se taire.

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Une petite barricade fut alors montée aussi rapidement que la tension pendant que les mégaphones policiers maintenaient les menaces. Au bout d’une quinzaine de minutes, un cortège se forma de manière spontanée et pris la direction des ruelles du quartier de Sants, suivi de près sur des rues adjacentes par la police antiémeute. Sur le chemin, de nouvelles petites barricades furent érigées et des poubelles renversées. Tout le long, une atmosphère de jeu du chat et de la souris planait, alors que les manifestant-es tentaient de maintenir le rassemblement sans être pris-es au piège.

Quelques dizaines de minutes plus tard, les antifascistes retournèrent au point initial du rassemblement. Le cordon policier y était maintenu, tout comme la barricade qui les séparait d’eux. Les antifasciste l’agrandirent et y mirent le feu.

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Barricade en feu devant un centre commercial

La police chargea ensuite à plusieurs reprises les antifascistes jusqu’à dégager la rue et faire sept arrestations. Il y eut aussi plusieurs blessés, dont un fasciste qui s’en était pris violemment à un antifa plus petit que lui. La solidarité s’activa tout de suite, son drapeau et celui de son ami qui l’accompagnait furent pris et il se retrouva en pleur pris en charge par des street medics pro-indépendance, ô comble de l’ironie.

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Un fasciste pris en charge par des street medics indépendantistes après avoir provoqué le rassemblement et attaqué un antifa. Malgré ses pleurnicheries (on vous épargnera la vidéo), la presse indiqua que ses blessures étaient légères.

Manipulation des médias

Nous disions initialement que Vox avait fait venir ses militants de tout le pays afin de faire du nombre. Ceci fut très clair même dans le rassemblement antifasciste. En effet, dès le début de la contremanifestation, quelques fascistes venant de la gare de Sants se dirigèrent vers le point de ralliement en passant directement par le lieu de convergence antifa. Ils avaient de toute évidence pris le mauvais chemin, bien qu’ils n’aient pas tous l’air d’être des lumières.

Dans leurs compte-rendus, les médias mainstream , surtout ceux marqués à droite, firent croire que ces manifestant-es pro-Vox firent pris à partie car ils portaient des drapeaux espagnols. Ils ne furent pas attaqués si ce n’est par des insultes et des vols de drapeau, accompagnés parfois de crachats.

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Un manifestant pro-Vox, confondant drapeau espagnol et écharpe, sortant du rassemblement antifa… sans coups mais copieusement hué.

Ces mêmes médias, ô combien choqués par les « violents » contre-manifestant-es se taisent sur les provocations des fascistes à l’encontre des antifascistes (nous avions déjà cité auparavant la mésaventure du facho ruant de coups un jeune antifa… avant de finir lui-même à l’hôpital). Profitant de cette version des faits relayée par les médias, Vox publia une photo d’une de ses soutiens « agressée » par les antifas. Or, cette dame apparaît dans une vidéo où l’on voit les fascistes eux-mêmes prendre à partie les antifas, causant des bousculades sans gravité entre les deux groupes. 

La presse mainstream pourrait quand même se demander comment les antifas auraient pu s’en prendre physiquement aux fascistes alors qu’ils-elles étaient bloqué-es à des centaines de mètres du rassemblement de Vox , s’il n’y avait pas eu provocation de fascistes s’approchant d’elles-eux au préalable ? Tant pis, l’essentiel est de s’en prendre aux radicaux, quitte à rentrer dans le jeu des fascistes.

Toujours en détournant les faits, ces mêmes médias substituèrent l’adjectif « antifasciste » par celui d’« indépendantiste », afin de discréditer le mouvement et de ramener la lutte contre l’extrême droite à une simple réaction sécessionniste. S’ il est vrai qu’il y avait beaucoup d’indépendantistes, la mobilisation se voulait antifasciste sans importer le point de vue sur le statut de la Catalogne. On pouvait notamment y voir des manifestants avec le drapeau de l’éphémère République espagnole, qui fut trahie par Franco et les siens, et les banderoles antifas étaient écrites en castillan, pas en catalan. L’usage des deux langues était monnaie courante pendant toute la mobilisation.

Comme nous l’avons vu, on ne peut pas parler de succès antifasciste ce jour, tout comme Vox ne peut revendiquer de victoire sur Barcelone. La détermination des antifas, en particulier les femmes qui jouèrent un rôle de premier plan, ne peut pas nous faire oublier qu’ils-elles n’étaient que quelques centaines face à la montée d’un nouveau parti de l’extrême droite qui bénéficie de la caisse de résonance des médias au niveau national. Par contre, la solidarité fut toujours présente, les activistes s’organisèrent eux-mêmes à travers les réseaux sociaux et préparent dès la fin de la manifestation réprimée, la campagne pour libérer les détenus de la journée.
La Horde