Lu sur Attaque et publié sur de.indymedia.org. Lettre d’un.e camarade sur la solidarité face à la répression, dans le contexte de l’affaire "Antifa Ost" en Allemagne et de la répression coordonnée contre les antifascistes d’Allemagne et d’Italie (affaire des antifascistes de Budapest, on en parlait ici, voir aussi ici et là). Solidarité !
Salut, cher.es camarades,
Malheureusement, je ne peux pas dire grand-chose sur moi, sauf que je suis antifasciste et que je fais l’objet d’un avis public de recherche. Après des longues réflexions et discussions, j’ai décidé de trouver, au moins par ces mots, une façon de faire face à peu près publiquement à ce mandat d’arrestation, qui a été vain jusqu’à aujourd’hui, heureusement. J’ai ainsi la possibilité de faire quelque chose contre mon impuissance et de raconter un peu ce que c’est la vie intérieure d’un.e antifasciste recherché.e. En plus, je voudrais saisir cette occasion pour dire ce qui m’a aidé à affronter la répression et pour faire appel à vous tou.tes.
Quand j’ai été informé.e de l’avis public de recherche, je savais quoi faire. Aller voir mes camarades. Au moment précis du choc, j’avais des personnes qui étaient à mes côtés. Avec qui je pouvais parler de mes sentiments, avec qui, surtout, j’ai pu discuter de ceux qui pouvaient être mes prochains pas et de comment faire par la suite. Ces camarades sont à mes côtés aujourd’hui encore et elles/ils sont souvent la raison pourquoi, malgré la répression, je ne me suis pas encore rétiré.e dans une vie rangée. Non seulement parce qu’ils/elles me soutiennent, mais avant tout parce qu’elles/ils discutent avec moi de comment on peut poursuivre politiquement et parce qu’elles/ils n’arrêtent jamais de mener leur lutte politique, malgré toutes les attaques contre notre mouvement. Ce dernier point, la poursuite de la lutte contre l’État et le Capital, est ce qui m’a le plus aidé à tenir le coup. Dans les premières semaines après avoir appris de l’avis public de recherche, je suis devenu.e dépressif.ve, j’ai eu des insomnies, je ne suis plus allé.e au travail. Mais j’ai pu poursuivre mon travail politique. Parce que j’ai des camarades qui, bien que je sois recherché.e, ont rendu pleinement possible mon activité politique et le font encore aujourd’hui, comme si cela allait de soi. C’est la solidarité qui a fait échouer la répression. Mais le fait de pouvoir continuer à agir n’est pas quelque chose qu’on puisse sous-estimer : quand le mouvement antifasciste arrête de lutter et ne tire aucune leçon offensive de la répression, c’est que la répression a atteint son objectif ; cela voudrait donc dire que, si un jour j’étais découvert.e, j’irais au tribunal sans soutien, sans que tout cela n’ait eu aucun sens.
Je pense que ce ne sont pas les petites organisations clandestines le plus discrètes possibles, qui nous protègent de la répression, mais au contraire qu’un mouvement aussi grand, vivant, diversifié et fort que possible est la protection la plus efficace contre la répression. Un tel mouvement est la raison pour laquelle je lutte et aussi le seul chemin valable, à mes yeux. Je ne veux pas dire que des organisations clandestines et de confiance ne soient pas également nécessaires, dans la situation actuelle et dans le futur, pour tenir le terrain de la lutte aussi dans les phases de faiblesse des mouvements révolutionnaires ou potentiellement révolutionnaires.
Je pense que nous ne devons jamais arrêter nos actions – surtout celles offensives – contre l’État, le capital et le fascisme. Si nous remarquons qu’une forme d’action ne marche plus parce qu’elle attire trop de répression, alors nous devons changer de forme d’action, mais sans baisser le niveau de l’attaque ni remettre en question la légitimité de l’action offensive en tant que telle.
La réponse politique à la répression est difficile, mais nécessaire. Dans la plupart des cas, la répression touche des individus, elle est douloureuse, elle isole si on ne la combat pas et si on n’a personne avec qui la combattre. La réponse politique à la répression, qu’il s’agisse de procès affrontés en tant que procès politiques, de manifestations de solidarité ou d’actions offensives, est le seul chemin qui, à long terme, rend la personne touchée et le mouvement dans son ensemble capables de continuer à lutter.
Pour finir, je voudrais souhaiter la liberté et beaucoup de chance à tou.tes les prisonnier.es et à ceux/celles qui se cachent, dont je me sens encore plus proche, depuis que je suis recherché.e. Feu et flammes pour la répression ! Liberté pour tou.tes les prisonnier.es, politiques et sociaux.les.
Note d’Attaque : on pourra trouver des informations sur des cas de camarades qui sont en cavale suite à des avis de recherche, en Allemagne, ici et ici. Une réflexion à ce sujet a été traduite ici.