InternetMercato médiatique de l’extrême droite

Le Comité de Saint-Étienne revient sur le recrutement de l’identitaire Thaïs d’Escufon (finalement écartée) par le groupe Bolloré, pour analyser le rapport de dépendance des néofascistes avec les médias tenus par des milliardaires.

Le mercato de rentrée dans les médias de Bolloré est un feuilleton pathétique qui excite toute l’extrême droite. Remue-ménage donc chez les influenceurs fascistes. Dans le contexte de grosse déception électorale chez les racistes, leur jeu de chaise musicale nous rappelle que leur empire médiatique n’est qu’un château de carte. 

Le cas de la rumeur de recrutement de Thaïs d’Escufon chez Hanouna sur Europe 1 nous renseigne sur les logiques à l’œuvre dans le milieu facho médiatique. Ces dernières années, des milliardaires français d’extrême droite ont racheté de grands titres de presse, radio et TV. Désormais Bolloré ou Iskender Safa disputent le monopole de la propagande aux hommes d’affaires macronistes (Saadé, Niel, Kretinsky, Pigasse...), l’ouverture de postes dans leurs médias a créé un appel d’air aux activistes fachos, qui veulent un poste bien payé. 
Le capitalisme est devenu presque féodal, et les personnalités médiatiques, comme tous les employés, sont soumises aux caprices de leurs patrons richissimes. Elon Musk, propriétaire pro-fasciste de X-Twitter, se permet de bannir des comptes ou des mots selon ses sautes d’humeur. Pour prendre un exemple, agacé qu’on mette les transphobes comme lui face à leurs contradictions, il a personnellement fait interdire le mot "cisgender", considéré comme haineux (par contre, aucun problème à publier "Heil Hitler"). 
En août, Facebook et Instagram, propriétés de Mark Zuckerberg, milliardaire moins fasciste, mais pas plus attaché à la démocratie et à la vie privée ont décidé de faire appliquer certaines règles d’utilisation contre le contenu raciste et haineux. Des dizaines de comptes d’extrême droite ont sauté, notamment ceux d’Occidentis ou d’Alice Cordier. Tous ces auto-entrepreneurs du fascisme, qui gagnent leur vie grâce à la visibilité de leurs posts racistes sur les réseaux sociaux, ont hurlé dans tous les sens (des dizaines de tweet, d’interviews sur Cnews...)
C’est dans ce contexte que Thaïs d’Escufon faisait la maline, sûre d’avoir signé un juteux CDD à la radio de Bolloré. Résumons un peu son parcours : d’Escufon s’était fait connaitre en participant aux "actions coup de poing" de ses amis de Génération Identitaire, dont notamment Damien Rieu : chasse aux migrants dans les montagnes, banderole et provocations anti immigrés en public. Ils se laissaient attraper par la police bienveillante, pour créer le buzz et aussi pour interpeler de potentiels soutiens, l’air de dire "coucou Bolloré, on est là". Ils récolteront des dizaines de milliers d’euros de dons, dont notamment ceux du terroriste Brenton Tarrant. 
Ensuite, forte de sa petite notoriété, elle deviendra auto entrepreneuse sur les réseaux sociaux, là aussi exactement comme Damien Rieu. En réalité, elle est plutôt une employée des plateformes : youtube, twitter, instagram, lui permettent de faire la pub pour sa vente de conseils masculinistes-suprémacistes blancs pour hommes racistes frustrés. Bien qu’ils se rêvent entrepreneurs indépendants, ces fachos du web sont largement soumis au jeu des algorithmes et de la visibilité, et se retrouvent plutôt employés des entreprises médiatiques. 
Elle pensait donner un coup de boost à sa carrière, quitter le monde éphémère d’internet, en obtenant le métier de ses rêves : chroniqueuse à la radio, autrement dit publicitaire de la suprématie blanche, chez Bolloré.
Mais les places sont chères, et nombreux sont les fachos sans talent à vouloir se faire adouber par leur seigneur Bolloré (Jordan Florentin, Mila, Alice Cordier, Damien Rieu, la liste est longue, tous à deux doigts de s’inscrire chez Pôle emploi suite à l’annonce de fermeture de comptes...)
Il est vrai qu’en tant que cliché d’elle-même, ses positions outrageuses sont largement condamnées, même par les macronistes ou les racistes de Franc-Tireur. Elle s’est fait virer du FN (elle était community manageuse de Sébastien Chenu) car trop extrémiste. Hanouna sait que ses propos seront trop extrêmes pour coller avec l’opinion de la majorité de ses auditeurs, mais il s’en fiche, il sait aussi que la polémique ramène de l’audience. 
Cette fois-ci c’est raté, son recrutement n’a pas été validé par la chaîne ; la nouvelle avait suscité notamment un débat à gauche pour savoir si retweeter ou commenter ses phrases révoltantes, en les critiquant, ne donneraient pas de la visibilité à ses idées.
Quoi qu’il en soit, sans Elon Musk ou Bolloré derrière, les provocations d’Escufon seraient restées inaudibles. Dans l’état actuel du débat politique et du système médiatique, les mauvais entrepreneurs du buzz n’ont qu’à dire des horreurs racistes pour gagner de l’argent. Les discours pro-viol trouvent aussi un large écho dans la société, mais il ne faut pas oublier que les personnes qui les vendent comme d’Escufon restent éphémères et interchangeables. 
En résumé, il y a beaucoup d’appelés, mais bien peu d’élus, pour gagner sa vie du racisme. Les carrières de tous ces minables auto-entrepreneurs du fascisme sont éphémères, ils demeureront des larbins des milliardaires soumis à leurs caprices.
Les visions qu’on développe dans le combat antifasciste, ou dans la gauche anticapitaliste, ne bénéficieront jamais d’une telle promotion. Pour autant, pas la peine d’être envieux, l’activisme anticapitaliste, le développement à long terme du féminisme et de l’antiracisme dans des pans entiers de la société sont incomparablement plus profonds que le ballet des influenceurs d’extrême droite, sous perfusion des milliardaires. 
A nous de pousser dans ce sens, pour "démonétiser" le racisme à la télé, et ruiner le gagne pain de ces figures du fascisme :
 l’ONG Sleeping Giants appelle à rejoindre sur les réseaux sa campagne OPE1, pour décourager les annonceurs qui payent des pubs à la radio néo-fasciste Europe 1
 Autant aller titiller directement le patron, avec la campagne contre Bolloré et son empire logistique
 Éteignons nos télés (et nos radios, et nos réseaux sociaux) et comme par magie, Thaïs disparait !

Comité antifasciste de Saint-Étienne