Proposer un texte synthétique sur le Groupe Union Défense (Gud) relève de la gageure. Son histoire est dense et ressemble souvent à un fatras de positions contradictoires et circonstancielles. Le groupuscule s’est cristallisé en objet assimilable à une marque plutôt qu’à une idéologie politique aux contours stables, même si l’antisémitisme reste néanmoins un fil rouge depuis les débuts.
Ce qui reste constant c’est la violence physique perçue, dans la grande tradition de l’extrême droite radicale, comme libératrice et créatrice. Que ce soit pour « tuer le bourgeois » en eux ou faire advenir « l’homme nouveau », les gudards ont fait de la pratique de le violence l’alpha et l’omega de leur intervention politique. Une boîte à outil archaïque qui se résume à la barre de fer. En presque cinq décennies cette stratégie a prouvé sa stérilité, à part pour recruter de jeunes nationalistes en manque de sensations fortes qui rejoindront des formations plus respectables ou qui offrent de meilleures perspectives de carrières.

Le texte qui suit condense l’histoire du Gud depuis sa création en 1968 jusqu’en 2002 et sa mise en sommeil, suite à l’attentat raté de Maxime Brunerie contre le président Jacques Chirac. La période contemporaine est l’objet d’un autre article de La Horde. Ce travail avoue volontiers sa dette envers nos camarades de Reflexes et du Réseau No Pasaran, en particulier pour leur ouvrage Bêtes et méchants, Petite histoire des jeunes fascistes français paru en 2002 (désormais abrégé B+M).

Il ne se veut pas exhaustif et pour rester compréhensible il a fallu trancher dans les évènements et les noms dont certains aujourd’hui se sont confortablement recyclés dans la droite et l’extrême droite électoraliste. Nous assumons donc le choix de parfois négliger certains faits anecdotiques (souvent ceux que les nationalistes montent en épingle pour construire le mythe et mettre en exergue ce qui les arrange) pour nous appesantir sur d’autres que nous jugeons révélateurs de ce qui anime et fait la particularité du Gud.

La guerre d’Algérie où la possibilité du Gud

C’est dans la guerre d’Algérie qu’il faut peut-être chercher les conditions idéologiques qui ont permis l’avènement du Gud. Largement disqualifiées par la seconde guerre mondiale, les idées d’extrême droite n’ont que très peu d’écho dans la vie politique française. Comme le souligne Fabrice Riceputi dans Le Pen et la torture, l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962 est certes avant tout une défaite pour l’extrême droite « Mais les bases idéologiques du nouveau fascisme à la française sont d’ores et déjà clairement établies : l’ennemi prioritaire sera toujours un ennemi intérieur, une cinquième colonne » et la tache de la seconde guerre mondiale s’estompe un peu.

Assas : bastion et surtout baston

De manière pratique, la dissolution d’Occident, actée le 31 octobre 1968, par le ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin, après le plasticage d’une librairie maoïste, dégage un espace politique pour nombre de groupuscules. La jeunesse nationaliste est orpheline et quelques structures tentent de lui offrir un abri : Restauration Nationale, l’Œuvre Française de Pierre Sidos, Action Nationaliste de Malliarakis, etc. « Mais le résultat n’est qu’une concurrence féroce et stérile qui épuise le mouvement nationaliste. » soulignent les auteurs/rices de Bêtes et méchants (B+M, p. 56).

Ceux, tels Gérard Longuet, Alain Robert, Jack Marchal, qui lancent l’Union Droit, l’embryon du Gud prennent le parti de se concentrer en un lieu et jettent leur dévolu sur la fac de droit d’Assas, bien que la plupart n’y étudient pas. Construire un bastion constitue un enjeu de taille afin de résister à l’extrême gauche. Lancer, pour la façade, un syndicat est aussi une manière d’éviter les poursuites pour reconstitution de ligue dissoute. Ils profitent enfin d’une réforme universitaire d’Edgar Faure qui instaure des conseils avec des élu.e.s. Cette ouverture politique n’est pas sans arrière-pensées puisqu’elle vise à affaiblir l’emprise syndicale de gauche sur l’université.

Même si les manches de pioches ne sont jamais délaissés, vient peut-être le seul moment de son histoire ou l’Union Droit devenant Groupe Union Droit fait de la politique en entrant en campagne. Le premier tract est distribué en décembre 1968 et comme le souligne Nicolas Lebourg « ne fait absolument pas montre de l’humour provocateur qui fera par la suite sa griffe ». Une proposition de charte universitaire est rédigée par Longuet et une campagne sérieuse débouche pour le groupe férocement anti-gauchiste sur une victoire aux élections de janvier 1969. Rapidement l’audience grandit car, comme on l’a dit, le mouvement nationaliste est éparpillé et la demande est forte. Des Gud se créent dans d’autres facs : Clignancourt, Nancy, Saint-Etienne, Aix-en-Provence, Toulouse. Déjà le naturel revient au galop et l’activité se limite à des commandos contre les gauchistes sur les facs et lycées. Leur crédibilité s’en ressent, ils peinent à recruter plus largement et n’ont aucun écho dans la société.

La fondation d’Ordre Nouveau ou l’espoir de la construction d’un mouvement politique

L’heure est donc aux alliances et à la création d’une organisation qui mettrait fin à l’émiettement de la famille nationaliste qui prévaut depuis la fin d’Occident. Le modèle néo-fasciste qui va servir de matrice est le Movimento Sociale Italiano créé par d’anciens cadres du parti mussolinien qui a réussi à fédérer largement l’extrême droite et qui pèse dans le paysage politique transalpin. Le Msi sera un allié de ce qui est nommé Ordre Nouveau (On). Il apportera aussi un soutien financier. Initialement imprimée sur des affichettes apposées à proximité d’attentats contre des bars tenus et fréquentés par des immigrés nord-africains, l’étiquette Ordre Nouveau est adoptée en septembre 1969 suite à des discussions entre des militants nationalistes qui sont les principaux dirigeants d’Occident et du Gud (Alain Robert, François Duprat, Jean-Claude Nourry, Gérard Ecorcheville,), François Brigneau venu du journal Minute, ou encore des anciens de l’Action Française et même des débris de la Milice (Gabriel Jeantet, Henry Charbonneau). Sans compter des soutiens néo-nazis et négationnistes.

Favorable à un état fort et autoritaire, anti-égalitariste et élitiste, prônant la collaboration de classes et le corporatisme, On est sans conteste néo-fasciste et reprend la croix celtique comme symbole. Sa violence va s’exercer en tout premier lieu contre les « ennemis intérieurs » gauchistes et communistes. Cela se concrétise par des affrontements très violents avec les mouvements de gauche qui comprennent vite qu’ils ont affaire sous cette nouvelle étiquette aux mêmes gudards et autres militants orphelins d’Occident.

Ordre Nouveau c’est quelques coups d’éclats comme le meeting de la Mutualité du 13 mai 1970, avec 3000 personnes protégées à la fois par un service d’ordre casqué et matossé et par les Crs. Mais On c’est aussi un groupe politique tout à fait manipulé avec une infiltration policière d’une ampleur rarement égalée et ce jusqu’à la direction du mouvement. Une manipulation voulue par le gouvernement pour contrôler son action, éviter tout dérapage majeur et empêcher que le mouvement ne pèse dans le jeu électoral. L’infiltration et la manipulation sont déléguées à la fois aux Renseignements Généraux et au Sac. Pour revenir au meeting du 13 mai, ce sont les Rg qui ont permis que le meeting soit autorisé par la préfecture de Paris et qu’il soit protégé (Aux ordres du SAC, Gilbert Lecavelier, 1982).

Ordre Nouveau essaimera un peu partout en dehors de Paris et sa banlieue, il y aura des sections à Nice, Toulouse, Nancy, Lille, Calais, Saint-Etienne, Marseille, Aix, Bordeaux. Formé essentiellement de jeunes militants étudiants ou lycéens accompagnés de quelques anciens briscards de l’extrême droite, le groupe comptera dans les 2500 adhérents.

Cet article ne traitant pas spécialement d’On, on passera sur les péripéties qui mènent à sa dissolution en juin 1973, la goutte d’eau étant le le meeting du 21 juin à la Mutualité, intitulé « Halte à l’immigration sauvage ». De violents affrontements opposent des contre-manifestants notamment de la Ligue Communiste (qui sera elle aussi dissoute) aux forces de l’ordre. On retiendra néanmoins qu’il a pleinement contribué au lancement du Front National en 1972 qui se voulait sa vitrine électorale.

Les années 70, apogée puis relatif reflux

Conscients du risque permanent de dissolution d’Ordre Nouveau, ainsi que des tensions internes sur certains problèmes stratégiques autour de la création du Fn et au sujet de la question électorale, les gudards préservent jalousement leur étiquette et leur autonomie.

Entre 1970 et 1973, le Gud (à partir de 1973, le D signifie désormais « Défense ») se développe avec une routine faite de batailles rangées, entraînant de nombreux blessés, qui vont forger la légende des « rats noirs » tels qu’ils aiment se surnommer. Batailles contre les gauchistes mais aussi harcèlement des profs et du personnel. Assas devient leur place forte du fait de leur représentativité aux élections, car ils disposent d’un indispensable local. Ces années correspondent à l’apogée d’un Gud qui peut rapidement mobiliser pas loin de 200 militants sur Assas. C’est à ce moment de son histoire que se fige l’image du gudard en veste de cuir, bâton à la main, coiffé d’un casque de moto estampillé d’une croix celtique. Ce stéréotype du militant reste, avec le rat noir volé au dessinateur Macherot par Jack Marchal, le principal apport du Gud à un imaginaire nationaliste par ailleurs assez indigent.

Mais l’arrivée du FN créé un trou d’air pour les nationalistes-révolutionnaires qui n’ont pas envie de servir la soupe à Le Pen qu’ils perçoivent comme un produit frelaté de la IVème république. La période est dure et le Gud s’affronte même à coups de barres de fer et cocktails molotov contre d’autres groupuscules nationalistes dans les années 73-74 (Dont le Gaj, Groupe Action Jeunesse, scission du Gud avec aussi des membres d’Ordre Nouveau qui s’oppose à la logique électorale du Fn. Il apparaît à Assas en 72 et disparaît aux années 80.). Les trêves n’ayant lieu que pour contrer les gauchistes ou quand les gudards se muent en mercenaires pour faire le service d’ordre de campagne de Giscard d’Estaing.

Le Gud à Assas en 1976
Le Gud à Assas en 1976

Dans la seconde moitié des années 70 le Gud se résume souvent à une courroie de transmission du mouvement nationaliste vers le milieu étudiant, notamment du Parti des Forces Nouvelles qui lui délègue l’usage de la violence. « Les activités du Gud vont alors des inévitables bagarres avec les gauchistes aux combats à Beyrouth dans les rangs des Phalanges chrétiennes, en passant par les SO de la droite libérale. » (B+M, p.58). Le Gud fera montre d’une belle continuité sur ce terrain en fournissant de recrues pour les services d’ordre de campagne de Pompidou, Giscard d’Estaing, Chirac et Barre. Il ne faut pas voir dans le Gud un groupuscule tout-puissant et inarrêtable, la légende est fréquemment entachée de roustes mémorables. Le 15 décembre 1980, les rats noirs se font lyncher à Nanterre après une distribution de tracts. La baston fera 23 blessés dont 2 graves parmi des gudards qui seront pourchassés jusqu’au RER par des centaines d’étudiants. La fin des années 70 est au reflux pour le Gud et l’entrée dans les années 80 est difficile pour eux suite à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 avec Mitterand. Le Gud annonce son autodissolution le 17 juin 1981 pour se fondre et vivoter dans le Renouveau Nationaliste jusqu’en 1983. Là encore l’essentiel des apparitions publiques se résume à un anticommunisme bas du front.

La Troisième Voie de garage (printemps 1985-1988)

Le réveil de la contestation étudiante en 1983 contre la réforme de l’enseignement supérieure dite loi Savary va offrir au Gud l’occasion de se relancer. S’il abandonne le Renouveau Nationaliste il n’en reste pas moins à la recherche d’alliances et d’appuis et c’est le discours anticommuniste et anticapitaliste de Jean-Gilles Malliarikis et du mouvement solidariste que sera bientôt Troisième Voie qui recueille la faveur des rats, notamment parce qu’il offre un débouché viable pour des militants qui se défient de la stratégie électoraliste du Front National. Le rapprochement s’opère peu à peu. Au printemps 1985 le Gud rejoint le regroupement Jeune Garde. L’étiquette Gud reste toujours un puissant aimant pour la jeunesse nationaliste. De cette dynamique de regroupement nait donc Troisième Voie en novembre 1985. Le nom fait référence à une hypothétique ligne politique qui se situerait à équidistance du capitalisme privé et du capitalisme d’État. Les gudards gardent néanmoins une liberté d’action comme quand à la fête de Jeanne d’Arc le 1er mai 1986 ils déploient une banderole « Madelin, paye ta cotise ! ».

Et il reste toujours la violence pour s’occuper. En novembre, coup sur coup, ils vont attaquer (avec aussi la présence de Serge Ayoub) le 26, une AG à Jussieu et remettent ça le lendemain dans le 6ème arrondissement parisien contre un cortège mobilisé contre la loi Devaquet avec plusieurs étudiant.e.s blessé.e.s à la clé. Mais cette autonomie sera mise à mal par Malliarakis qui désire un contrôle plus étroit des troupes. Est notamment mise en place une centralisation des adhésions. L’adhésion unique à Tv efface peu à peu le Gud du paysage. De même le rapprochement de Tv avec les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires d’Ayoub qui sont une tentative de structurer et canaliser les boneheads ne fonctionne pas vraiment. La cohabitation entre bourrins d’Ayoub et bourrins du Gud s’avère impossible.

Les années 90 : brève indépendance et entrée dans l’orbite du Fn

Avec l’argent récolté en faisant le service d’ordre de Raymond Barre aux élections de 1988 le Gud organise un meeting pour officialiser la reprise de son autonomie pour ses 20 ans. Sans finesse il est intitulé : « Nous ne serons pas les Palestiniens de l’Europe » et souligne l’antisémitisme forcené du Gud qu’on retrouvera récemment au lendemain des massacres en Israël par le Hamas le 7 octobre 2023. L’actuelle franchise du Gud twittera alors un « Ni kippa ni kippa ! » sans équivoque.

Ce retour à l’indépendance se caractérise par la velléité de reprendre un travail d’implantation universitaire. Dans ce sens les statuts de l’Union de Défense des Etudiants d’Assas (Udea) sont déposés. Cette volonté de sérieux se caractérise également par une vie de groupe plus classique avec une charte, des réunions, des cercles de réflexion et une revue titré Rebelle.

Mais cette quête d’indépendance voulue par le très caractériel William Bonnefoy va être brève et c’est Frédéric Chatillon qui va donner une nouvelle orientation au Gud. Celui qu’on sait proche de Marine Le Pen alors sur les bancs d’Assas a saisi que le Fn était devenu l’incontestable centre de gravité de l’extrême droite. Il juge préférable de vivre dans son orbite plutôt que d’agir en opposition. Il le résume bien en 1992 « On aide le Front parce que sinon on ne serait qu’une poignée. ». Cela n’empêche pas que la litanie des descentes sur les facs se perpétue. L’évènement majeur de cette période qui fait encore écho aujourd’hui c’est la manifestation parisienne appelée le 7 mai 1994 par le Gud avec les Jnr. L’accroche sur l’affiche est « Bienvenue aux ennemis de l’Europe ! », afin de protester contre les 50 ans du débarquement des alliés (réduits aux seuls USA).

Interdite, la manifestation est réprimée. Le nationaliste Sébastien Deyzieu qui tente de fuir la police tombe du 5ème étage d’un immeuble rue des Chartreux. Dans la foulée les nationalistes lancent une campagne et fondent le Comité du 9 Mai qui voit converger les Jnr, le Gud et le Fnj de Samuel Maréchal pour des actions de protestation : irruption armée dans les locaux de Fun Radio à une heure de grande écoute (Marine Le Pen sera l’une des avocat.es des inculpés) ou occupation du Conseil Général des Hauts-de-Seine, pré carré de Charles Pasqua alors ministre de l’Intérieur en poste. La manifestation annuelle du C9M connaîtra de nombreuses péripéties mais on remarque l’effacement progressif de l’aspect commémorant la mort de Deyzieu. Elle devient le prétexte à une manifestation nombriliste pour étaler le folklore néo-fasciste le plus abject.

C’est redondant mais l’exercice de la violence reste encore dans cette période l’activité principale du Gud et pas uniquement à Paris. Les actions commando à Montpellier, Limoges, Toulouse ou encore Bordeaux ne masquent pas l’absence d’horizon politique des rats noirs mais satisfont l’ego masculiniste des jeunes nationalistes.

L’affaire autour du journal Tribune juive met à nu les coulisses du Gud de ces années. En décembre 96, Yves Derai, le directeur reçoit au siège du journal une cassette vidéo piégée. Il décèle le système d’allumage de l’engin et prévient la police. Le lendemain une lettre de revendication arrive à Libération. Ses auteurs affirment faire « partie de la grande nation arabe comme certains font partie de la grande nation juive ». Mais cela ressemble à une diversion peu vraisemblable car Tribune juive a pris position dans ses colonnes pour le processus de paix et contre la politique d’occupation de l’état d’Israël. Rapidement l’enquête cherche du côté de l’extrême droite et des gudards et débouche sur une douzaine d’interpellations. Libération rapporte que la police a opéré « des perquisitions aux éditions Riwal (ndr : le gérant est alors Axel Loustau) et arrêté son directeur, Frédéric Chatillon, l’un des chefs du GUD (Groupe union défense), ancien directeur de la librairie révisionniste Ogmios. Les policiers ont également perquisitionné au siège de la revue Réfléchir et Agir et dans une dizaine d’autres lieux à Paris et dans la région. A l’issue de cette opération, ils ont saisi des armes à feu, des armes blanches, de la littérature raciste et antisémite, des manuels de fabrication d’explosifs. ». Sont étalés au grand jour par cette enquête des liens financiers, idéologiques et matériels, étroits avec la Syrie et l’Irak. Par exemple des affiches pro-Hamas et révisionnistes collées par les rats noirs à Paris sur la première moitié de l’année 1996 avaient été imprimées et payées par Damas avec rien de moins que l’aval du ministère de la défense. Nos camarades de Reflexes évoquent cette histoire en avançant que « la descente de police dans les milieux gudards […] n’avait sans doute finalement que pour but de rappeler à tout ce petit monde que l’État français n’entent pas laisser se développer des contacts susceptibles de le gêner dans la difficile partie d’échecs qui se joue au Moyen-Orient. » (B+M, p.71).

Revenons sur le terrain d’Assas qui est censée être le centre névralgique du Gud. La situation n’est pas reluisante. En 1995, l’Udea perd son droit de représentativité et donc son local. De plus, le harcèlement syndical de gauche (Unef-Id) entrave l’action du groupe. Le chef du Gud de 1995 à 2000, Benoît Fleury, n’a pas grand-chose de constructif à proposer pour contrer cette déliquescence. Une partie des gudards déserte pour rallier le Fn. On sera bien en peine de brosser un tableau clair de cette période où ne transparaît que le classique attrait pour la baston : "Nous, partout où il peut y avoir de la baston, on y va." affirme Fleury à L’écho des savanes en 1999. Violence adossée à l’autre pilier du Gud : l’antisémitisme. Le Gud affrontera par exemple le Betar en marge du procès Garaudy.

De la création d’Unité Radicale à la mise en sommeil (juin 1998-automne 2002)

Le soi-disant « groupuscule des dieux » lutte contre son irrésistible décomposition en répondant à « l’appel des 31 pour l’unité des des nationalistes révolutionnaires », une initiative lancée entre autres par Christian Bouchet et Fabrice Robert le futur chef des Identitaires. C’est la fondation d’Unité Radicale qui regroupe trois étiquettes : les Cercles Résistance, Jeune Résistance et le Gud. Ce dernier comme de coutume est chargé du volet estudiantin avec une relative liberté de manœuvre car l’organisation se veut souple. Du moins en théorie. Derrière l’unité de façade deux courants s’affrontent rapidement. D’un côté la fraction nationaliste-révolutionnaire dont Christian Boucher, de l’autre les « identitaires » qui s’inspirent de la pensée de Guillaume Faye. Son livre intitulé "Pourquoi nous combattons. Manifeste de la Résistance européenne" paru en 2001 est d’ailleurs parfois présenté comme le manifeste putatif du mouvement identitaire. Ce clivage se cristallise par exemple autour du relatif abandon de l’« antisionisme radical » auquel le Gud est très attaché (il serait utile qu’un article soit rédigé de manière transversale sur l’antisémitisme du Gud depuis les origines).

Et puis, il y a l’éléphant au milieu de la pièce avec la scission entre Fn et Mnr de Bruno Mégret. Dans le Rongeur masqué du printemps 1999 les rats affirment « Le GUD n’a pas à se sentir impliqué au-delà du raisonnable dans les bagarres auxquelles se livrent le FN-UF et FN-MN et n’a pas à y contribuer. ». Le Gud parisien résumera sa position jemenfoutiste par le slogan « Ni œil de verre ni talonnette » qu’on peut traduire en « Ni Le Pen ni Mégret ». Mais en réalité la plus grande confusion règne et le positionnement des différents groupes Gud en France n’est pas aussi surplombant et est source de frictions internes.

En 2000, Gaëtan Dirand prend la suite de Benoît Fleury. Là encore, difficile de dégager quoi que ce soit de majeur de sa direction du Gud. Surtout que le 14 juillet 2002, l’attentat raté de Maxime Brunerie contre le président Jacques Chirac entraîne la dissolution d’Unité Radicale par décret le 6 août 2022. La marque Gud n’est pourtant pas emportée avec Ur dans les poubelles de l’histoire. Pourtant Brunerie regrettait amèrement que sur sa carte d’adhésion soit coché « Jeune Résistance » en lieu et place de « Gud ». Il l’avait même renvoyée avec une demande insistante de rectification. Bref, le hasard administratif fait qu’une fois encore (rappelons-nous 1973) le Gud échappe à la dissolution et se met en sommeil avec néanmoins le lancement d’un ersatz, le Red (Rassemblement étudiant de droite) sur l’université Panthéon-Assas.

La constance des différents avatars du Gud se résume à peu de points : exercice tous azimuts de la violence (et avec une régularité non négligeable contre d’autres nationalistes) et un antisémitisme assumé qui tranche avec la bascule générale de l’extrême droite vers la mise en avant de l’islamophobie. On comprend aussi que d’une « marque de fabrique » on est passé à une marque tout court dont la franchise est transmise génération après génération par une sourcilleuse cooptation et avec le souci que la relève soit à la hauteur du mythe et du « mytho ». Il n’est d’ailleurs pas impossible que l’actuelle génération pêche par orgueil et qu’une dissolution administrative fasse perdre la précieuse étiquette pour le plus grand courroux des aînés. Le succès du Gud est aussi grandement redevable à une imagerie et un usage immodéré d’un humour grinçant (souvent pour masquer l’incapacité à avancer des choix idéologiques). C’est peut-être le plus grand apport du groupuscule à une culture nationaliste qui peine à se renouveler, elle qui puise constamment dans les trois mêmes répertoires : paganisme celte, germanique et nordique/culture antique greco-latine/catholicisme médiéval et moderne, ou qui par facilité pille ouvertement la contre-culture de gauche.

La Horde