MatérielChronologie du FN-RN de 1972 à nos jours

Nous avons largement mis à jour, augmenté et aussi (admettons-le) corrigé notre chronologie du Front National / Rassemblement national : en plus des 5 années qui manquaient à la dernière version datant de 2019, nous avons ajouté, dans la version PDF téléchargeable (cf. ci-dessous), des liens vers des articles (militants quand cela était possible) ou des vidéos de l’INA à chaque texte ou image de la chronologie. N’hésitez pas à nous proposer des liens plus pertinents par e-mail (lahorde@samizdat.net). La chronologie est également disponible en version imprimée à commander ici.

PDF de la chronologie à télécharger

Années 1970

Le Front national n’est, à l’origine, qu’un cache-sexe pour les nationalistes-révolutionnaires d’Ordre nouveau, qui souhaitent se présenter aux élections tout en poursuivant leur agitation dans les rues et les universités. Pour cela, ils créent une structure plus large, avec le courant dit des « nationaux » (héritiers du poujadisme et du soutien à l’Algérie française) auquel appartient Jean-Marie Le Pen. Ces deux composantes sont rejointes par des néonazis ou d’anciens collaborateurs. L’orientation du FN est, dès l’origine, nationale-populiste : le FN doit être « le réceptacle de tous les mécontents ».

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Le Front National est créé le 5 octobre 1972 à l’initiative d’Ordre Nouveau. Le journal Militant, François Brigneau (ancien de la Milice), Alain Robert, François Duprat et d’autres rejoignent le mouvement. Jean-Marie Le Pen, plus jeune député de France, soutien de Tixier-Vignancour, est choisi comme président : les cadres d’ON espère pouvoir le manœuvrer facilement.

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Alain Robert et François Brigneau quittent le FN, emmenant avec eux les principaux cadres issus d’Ordre nouveau, du GUD et du Front de la Jeunesse. Ils fondent le Parti des Forces Nouvelles (PFN) et participent à son service d’ordre de Valéry Giscard d’Estaing à la présidentielle de 1974. Le FN, lui, se réorganise alors autour de Jean-Marie Le Pen.

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Les solidaristes, menés par Jean-Pierre Stirbois, sont opposés à l’économie libérale et favorables à l’association capital/travail. Ils apportent une certaine rigidité politique, et le développement d’un travail d’implantation dans les communes de gauche. Lors d’élections locales en 1982 et 1983, le FN obtient ainsi ses premiers succès électoraux, à Dreux en particulier, où Jean-Pierre Stirbois obtient 16,7% aux municipales.

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Le PFN et le FN tentent de s’unir aux européennes mais le PFN, qui bénéficie des subsides du MSI italien et des Espagnols de Fuerza Nueva, écarte son rival et se présente seul aux élections sous le sigle Eurodroite : il obtient 1,3% des voix.

Années 1980

Le FN regroupe de nombreuses tendances de la famille nationaliste et occupe l’essentiel de l’espace politique et public de l’extrême droite, laissant à sa périphérie des groupuscules à la marge de manœuvre limitée : certains finissent par rallier le FN, d’autres choisissent la surenchère et la violence, voire le terrorisme. La mainmise de Le Pen sur le FN et sa réussite médiatique ne laissent alors que peu de place à une autre personnalité venue le concurrencer, obligeant les autres formations à se soumettre ou à engager une longue traversée du désert.

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Aux élections présidentielles de 1981, le PFN appelle à voter Chirac puis Giscard ; le FN, dont le candidat Jean-Marie Le Pen n’a pu se présenter faute des 500 signatures nécessaires, prône l’abstention.

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Le président socialiste François Mitterand écrit aux chaînes de télévision publiques afin que Jean-Marie Le Pen soit invité plus souvent, au nom du «  pluralisme  », mais surtout pour créer un nouveau «  monstre   » à droite.

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Anciens de l’Algérie française, néofascistes, néonazis, anticommunistes, ultra-libéraux, tout le monde est bienvenu au FN, qui accueille Bernard Antony, chef de file des catholiques intégristes, François Brigneau et Jack Marchal venus du PFN ou encore J-M. Le Chevallier venu de l’UDF.

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En 1986, Bruno Mégret (RPR) et Jean-Yves Le Gallou, membres du Club de l’Horloge, rejoignent Jean-Marie Le Pen. La même année, le FN et ses listes ouvertes (le Rassemblement national) obtiennent 10% aux législatives et 35 députés sont élus. Deux ans plus tard, suite à un changement de mode de scrutin, le FN perd tous ses députés.

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Les provocations de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz, « point de détail de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale » (sept. 1987), et le jeu de mots « Durafour crématoire » (sept. 1988), provoquent des troubles au sein du FN, entre ceux qui prônent le rassemblement et la normalisation et les tenants d’une certaine orthodoxie.

Années 1990

Le FN va connaître de grandes réussites que ce soit sur le plan électoral (en gagnant plusieurs mairies de villes moyennes) ou au niveau de son appareil militant, véritable machine de guerre, avec un service d’ordre composé en grande partie d’anciens professionnels de la sécurité, mais surtout avec de nombreux militants capables de se mobiliser pour n’importe quel événement.Les années 1990 sont également marquées par une recrudescence de la violence d’extrême droite, avec plusieurs morts, tous français d’origine étrangère. La fin des années 1990 marque la fin de l’hégémonie du FN sur l’extrême droite, avec fin 1998 la scission provoquée par Bruno Mégret, numéro deux du FN, qui quitte le parti avec de très nombreux cadres et militants pour créer une nouvelle structure, le MNR. C’est la première fois que la suprématie de Jean-Marie Le Pen est contestée : les années suivantes montreront cependant qu’il n’y a pas de place pour la dissidence, et que le Front national reste une affaire familiale.

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Le lendemain de la profanation, Pierre Joxe accuse l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen, tandis que Le Pen affirme à la télé que «   les Juifs ont beaucoup de pouvoir dans la presse  » et privilégie la piste de l’islamisme : mais en 1996, ce seront bien 4 néonazis du PNFE qui seront condamnés…

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L’implantation locale du FN s’est renforcée dans l’Est de la France et dans le Sud-Est, avec la conquête des mairies de Toulon, d’Orange et de Marignane, respectivement par Jean-Marie Le Chevallier, Jacques Bompard et Daniel Simonpiéri, sans compter Jacques Peyrat, ex-FN qui devient maire de Nice sous l’étiquette RPR , sans rien renier idéologiquement.

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En décembre 1995, la France connaît un mouvement social de grande envergure : le FN condamne ces grèves. De son côté, Bruno Mégret tente de mettre en place des syndicats FN, dans les transports publics et dans la police… La plupart seront invalidés.

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Au congrès de 1997, le service d’ordre du FN, le Département Protection et Sécurité (DPS) équipé comme des CRS, charge les contre-manifestants et utilise des fausses cartes de police pour des contrôles. Le DPS fera l’objet d’une commission d’enquête parlementaire en 1999.

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Au congrès du FN de 1997 Mégret arrive en tête des votes pour l’élection au bureau politique. Le 30 avril, Jean-Marie Le Pen agresse une élue socialiste à Mantes-La-Jolie suite à la présence de militants antifascistes : le 2 avril 1998 , il est déclaré inéligible. Mégret aurait dû se retrouver tête de liste aux européennes, mais Le Pen impose sa femme Jany, novice en politique.

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Lors du conseil national du 5 décembre, Jean-Marie Le Pen est hué par les partisans de Mégret qui lui reprochent son autoritarisme. Le Pen qualifie Mégret de «  félon  » et annonce son exclusion du parti.
Après avoir essayé de prendre le contrôle du FN lors d’un conseil national, Mégret, lors d’un congrès dissident en janvier, se fait élire président du parti renommé Front national-Mouvement national, suivi par une majorité des cadres dont Marie-Caroline Le Pen, fille aînée de Jean-Marie.
En mai, la justice accorde la propriété exclusive du nom et du logo «  Front national  » à Le Pen, contraignant Mégret à rebaptiser son mouvement.
En octobre, Bruno Mégret crée le Mouvement National-Républicain (MNR) dont le conseil national comporte des dirigeants d’Unité radicale.

Années 2000

Les attentats du 11 septembre, le conflit israélo-palestinien et l’émergence de l’islamisme radical bouleversent le camp nationaliste : d’un côté l’extrême droite traditionnelle reste sur ses bases, de l’autre des mouvements passent des alliances inédites avec des militants en perdition venus de la gauche (Dieudonné, Riposte laïque) ou se prétendant venir de la gauche (Alain Soral). Parallèlement, les orientations stratégiques de Marine Le Pen ont entraîné un désintérêt des militants radicaux pour le FN, même si le parti, surtout en période électorale, attise les ambitions. Si le parti n’est plus capable de mettre dans la rue des milliers de gens faute de militants de terrain, il progresse dans les urnes.

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Laissant le soin aux partis de droite comme de gauche de relayer son discours sur les questions de sécurité et d’immigration, le FN mène campagne contre l’euro, contre le « fiscalisme », contre les « affaires »… Stratégie payante, Le Pen se retrouvant pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

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Fabrice Robert et Christian Bouchet sont élus au conseil national du MNR en février. En avril ce dernier est écarté de la direction d’Unité Radicale (UR) par Fabrice Robert et Philippe Vardon. Pour la manifestation du Premier mai, Bruno Gollnisch contacte UR ainsi que d’autres groupuscules pour les intégrer au service d’ordre. Le 14 juillet Maxime Brunerie, militant du MNR et d’UR, tente de tuer Jacques Chirac. Unité radicale est dissoute, pour réapparaître quelques semaines plus tard comme Bloc Identitaire.

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20 septembre 2006 : Jean-Marie Le Pen prononce un discours à Valmy, au ton très républicain et social. Le texte aurait été écrit par Alain Soral qui s’est rapproché du FN. Quelques semaines plus tard, Dieudonné, grâce à quelques anciens du GUD, est invité aux BBR. En juin 2007, Soral crée Égalité et Réconciliation : à sa première université d’été, on peut croiser des anciens du GUD, Serge Ayoub ou Christian Bouchet.

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Carl Lang quitte le FN après la décision de Marine Le Pen de ne pas le nommer tête de liste aux législatives : il lance le Parti de la France (PDF) qui sera toujours opposé à la normalisation mariniste et accueillera en son sein de nombreux radicaux. Alain Soral, déçu lui aussi de ne pas être nommé tête de liste du FN pour les européennes, quitte le FN et rejoint Dieudonné pour mettre en place la très antisémite « Liste antisioniste ».

Années 2010

La nouvelle stratégie du FN version Marine est basée sur les médias. Bête médiatique comme son père, elle est très présente à la télé ou la radio. Elle réussit à rallier à elle des personnalités médiatiques comme Gilbert Collard, ce que son père n’avait jamais réussi à faire. En interne, elle se débarrasse de tous ceux et celles qui pourraient s’opposer à elle ou dont les positions trop radicales pourraient la gêner dans sa quête de normalisation du FN. La situation actuelle du parti et le positionnement de sa présidente ont recréé un nouvel espace pour les mouvements radicaux, même si certains rejoignent néanmoins le FN, comme les générations 1990 et 2010 du GUD.

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Dans les mois qui suivent son élection, Marine Le Pen et son équipe font la chasse aux soutiens de Gollnisch jugés trop radicaux : Alexandre Gabriac, membre de l’Œuvre française, est exclu du FN pour un salut fasciste, tout comme Yvan Benedetti, chef de Jeune Nation.

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Le 8 mai est lancé le Rassemblement Bleu Marine (RBM) à l’initiative du parti Souveraineté, Indépendance et Libertés (SIEL) dont le but est de rassembler des militants et sympathisants hors du FN pour les législatives de 2012. Florian Philippot est son porte-parole.

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Même si Marine Le Pen rate de peu son entrée à l’Assemblée nationale, sont élue dans le sud de la France sa nièce Marion Maréchal (soutenue par son grand-père Jean-Marie) et l’avocat Gilbert Collard (qui avait tenté de dépolitiser la profanation du cimetière juif de Carpentras).

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Lors du défilé du FN du Premier mai 2013, la sécurité est assurée par des JNR de Serge Ayoub, employés par Axel Loustau, ancien dirigeant du GUD et associé de Frédéric Châtillon. Un mois plus tard, Le 5 juin, un jeune militant antifasciste, Clément Méric, est tué par Esteban Morillo, proche d’Ayoub et membre de Troisième Voie.

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Aux élections municipales, le FN obtient 1544 postes de conseillers et emporte plusieurs mairies : Hénin-Beaumont (Steeve Briois) dès le premier tour, Fréjus (David Rachline), le 7e secteur de Marseille (Stéphane Ravier), Beaucaire, Villers-Cotterêts, Hayange, Le Pontet, Le Luc, Cogolin, Mantes-la-Ville. Robert Ménard, soutenu par le FN, est élu à Béziers.

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Le 20 août 2015, Jean-Marie Le Pen est exclu du parti par sa propre fille. La situation ne pouvait plus durer : « le Vieux », à qui le poste de président d’honneur avait été accordé dans l’espoir de le faire taire, avait multiplié les provocations et mit des bâtons dans les roues de sa fille dans sa tentative de normalisation du FN.

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Alors que la campagne pour les présidentielles avait été menée en amont et sur le terrain, c’est au dernier moment que la catastrophe est venue : agressive, riant nerveusement, imprécise dans ses réponses qui frisent l’incompétence, Marine Le Pen semble retrouver le rôle de trublion pas crédible qui était celui de son père. Nombreux seront ceux qui verront dans ce débat manqué la raison de l’échec du second tour.

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Le 1er juin 2018, après des mois de consultation, le Front national change de nom. Le Rassemblement national est une référence au groupe parlementaire de 1986 mais se veut aussi un appel à se retrouver autour de Marine Le Pen. Or celle-ci semble de moins en moins en capacité d’incarner la fameuse union des droites, tandis que d’autres comme Nicolas Dupont-Aignan semblent mieux placés pour cela, et que d’autres comme Robert Ménard pensent que cette union ne pourra se faire qu’en dehors des partis.

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Le Rassemblement national est allé chercher au berceau sa tête de liste pour les élections européennes de 2019 : Jordan Bardella, qui milite au FN depuis ses 17 ans, d’abord proche de Florian Philippot puis de Philippe Olivier, est porte-parole du FN, directeur national de Génération nation (nouveau nom du FNJ), membre du bureau exécutif et devient, à 23 ans, le nouveau visage du RN.

Années 2020

La normalisation du Rassemblement national dans le paysage politique semble achevée : sa base électorale est stable et lui permet désormais d’envisager sérieusement d’arriver au pouvoir, et la banalisation des ses propositions racistes et nationalistes relayées par tout un écosystème médiatique et numérique lui permet de faire l’économie des provocations passées. L’apparition sur sa droite d’un concurrent, Éric Zemmour, en est un signe supplémentaire : l’échec de Reconquête ! et le retour des renégat·es dans le giron du RN montrent que, plus que jamais, la formation des Le Pen reste l’épicentre du nationalisme français. Rien ne semble pouvoir l’arrêter : mais combien de temps va tenir le tandem Marine Le Pen/Jordan Bardella ?

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Suite au succès de ses provocations islamophobes sur Cnews et de ses livres réactionnaires, le polémiste Eric Zemmour songe dès 2019 à se présenter aux présidentielles de 2022. Des sondages favorables, des centaines de milliers de vues de ses publications sur les réseaux sociaux et le soutien spontané de tout ce qui se trouve à la droite du RN le pousse à annoncer sa candidature en novembre 2021. Sûr de sa victoire, il ne ménage pas ses critiques à l’égard de sa concurrent Marine Le Pen. Mais lors des élections, c’est la douche froide : 7% à la présidentielle, 4% aux législatives (Zemmour lui-même est battu)… Après quelques départs et de l’agitation autour de centres pour migrants, Reconquête ! se lance dans la campagne pour les européennes de 2024 avec Marion Maréchal comme tête de liste : après un score décevant (5,5%) cette dernière n’hésitera pas à trahir Zemmour en se rapprochant de Marine Le Pen.

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Afin de se consacrer entièrement à la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen annonce en septembre 2021 laisser la présidence du RN, laissant son premier vice-président Jordan Bardella assurer la direction du mouvement. Lors du congrès de 2022, ce dernier est élu à la tête du RN avec près de 85% des voix : Bardella impose ses proches au bureau exécutif et rares sont ceux, comme Steeve Briois, à oser contester ses choix.

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À la surprise générale, le président Macron décide de dissoudre l’assemblée nationale au lendemain des européennes de juin : le RN est en position de force et en tête dans tous les sondages, et Jordan Bardella se voit déjà premier ministre, d’autant que le président des LR, Eric Ciotti, passe un accord avec le parti de Le Pen. Mais au second tour, suite à de nombreux désistements, le RN se retrouve en 3e position et n’obtient «  que  » 142 député·es, ce qui fait quand même de lui le premier parti de l’hémicycle.

La Horde