Vienne : pas de marche pour les identitaires !

Le 9 septembre 2017 les identitaires autrichiens veulent marcher à Vienne avec l’objectif de commémorer la bataille de Vienne de 1683 (lors du siège de Vienne par l’empire ottoman, les armées du Saint Empire romain et du royaume de Pologne se sont affrontées aux troupes ottomanes). La marche des identitaires est organisée en bordure de la ville, sur les collines où les batailles ont eu lieu.

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Les antifascistes locaux souhaitent bloquer la marche avec, entre autre, une contre-manifestation antifasciste, intitulée « N’attendons plus, bloquons la marche » appelée ce samedi 9 septembre 2017 à 16h à la station de métro Heiligensdtadt.

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L’occasion pour nous de poser quelques questions aux antifascistes du groupe Rose Antifa Wien sur les identitaires et l’extrême-droite en Autriche.

LH : Pouvez-vous nous expliquer quand et comment sont apparus les identitaires en Autriche ?

Identitäre Bewegung Österreich (mouvement identitaire autrichien) est né en 2012 à Vienne. Un des fondateurs du courant identitaire, Martin Sellner, était proche et membre du groupe néonazi qui gérait le portail néonazi "Alpen-Donau.info" (Alpes-Danube.info) qui a été interdit par le gouvernement autrichien en 2011. Avec d’autres membres de différentes confréries étudiantes d’extrême-droite [ les fameuses "Burschenschaften", qui ont accueilli Marine Le Pen à l’occasion du bal de vienne en 2012] et d’autres personnes d’extrême-droite, ils fondèrent le premier groupe identitaire.

Leur premières actions étaient surtout visuelles (banderoles, stickers, communication visuelle) et sur internet, notamment en investissant facebook et en se gonflant sur leur nombre et leur présence sur le territoire. La première grosse action a été l’occupation de l’église votive [ courant du protestantisme ] pour protester contre le camp d’accueil de réfugié.e.s attenant. L’occupation se passant à l’hiver 2012, ils ont tenu pendant 3h face au froid avant de partir.

5 ans plus tard, les figures principales des identitaires sont toujours très présentes dans les confréries étudiantes. Mais ils se débrouillent pour également recruter en dehors des cercles universitaires. Les sections principales se trouvent à Vienne, les alentours de Vienne, et la région de Steiermark (Styrie - unes des régions centrales en Autriche, ancienne terre industrielle et longtemps social-démocrate).

En tout ils ont quelques centaines de membres, mais ils ont tendance à tourner en rond et à peu se renouveler : les cadres restent les mêmes.

Ils ont déjà organisé 3 manifestations à Vienne et plusieurs à travers le pays, principalement de l’automne 2015 à l’été 2016 (en lien avec les réactions de la société par rapport aux réfugié.e.s). Après ça, il y a eu une période plutôt calme. Les projets suivants ont été le développement d’une application pour smartphones appelée "Patriot Peer", toujours en développement (ça leur coûte beaucoup d’argent, plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été ramassés, dont une partie par crowdfunding) . Le but de l’appli est de fidéliser les militants en leur attribuant des points s’ils participent à des manifestations ou actions politiques, ou encore de trouver d’autres militants "patriotes" dans le territoire dans lequel ils se trouvent (radar réseau social).

Et après ça ils se sont concentrés sur la campagne Defend Europe, dont une grande partie de l’organisation a été pris en charge par les autrichiens (bien qu’ils mettent en avant la coopération internationale entre groupes identitaires).

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LH : Ont ils des lieux et des infrastructures en Autriche ?

Ils utilisent beaucoup les maisons et infrastructures des confréries étudiantes, et s’appuient sur les réseaux locaux de celles-ci. A Graz ils ont un local pignon sur rue, qu’ils ont aussi eu grâce au soutien, notamment financier, des confréries étudiantes.

LH : En France ils ont un double niveau d’organisation : les identitaires (structure nationale) et la structure de jeunesse (génération identitaire). Qu’en est-il ici ?

Officiellement, sur internet, ils ont 2 leaders au niveau national, puis 6 leaders régionaux.

LH : Et les liens avec les identitaires allemands ?

Oui les liens existent. Chaque année ils organisaient une grosse manif nationale à l’été à Vienne. Cette année ils ne l’ont pas fait car elle a eu lieu à Berlin (500 personnes approximativement). Ils ont choisi de soutenir expressément cette manifestation pour témoigner de leur soutien aux identitaires allemands. Ils sont particulièrement proches de ceux de Halle (ville voisine de Leipzig en Allemagne de l’est). Et maintenant particulièrement avec ceux de Berlin suite à la campagne Defend Europe.

Il y a aussi un lien particulièrement fort avec l’ « intellectuel » d’extrême-droite allemand Goetz Kubitschek de l’Institut pour des études sur l’état-nation (sorte de GRECE allemand) qui a coopté Martin Sellner, qui écrit dans leur revue.

LH : A propos de Defend Europe, connaissiez-vous ceux qui sont montés à bord ? Comment ont-ils choisi les membres autrichiens de l’équipage ?

Martin Sellner et Patrick Lenart, les 2 principaux leaders identitaires autrichiens [qui ont fondé l’entreprise Phalanx Europa pour vendre des tee-shirts fafs (anti-migrants, still not loving antifa,...) ].

On retrouve aussi Alexander Schleyer, de nationalité allemande mais qui vit en Autriche, membre des confréries étudiantes. Un des capitaines sur le navire, il était à bord du C-Star au moins jusqu’à Chypre. Il était aussi officier dans la marine allemande, ce qui explique pourquoi il a été choisi. Il était aussi employé parlementaire pour le FPÖ en Autriche.

LH : Plus largement, quel est le paysage politique de l’extrême-droite autrichienne ?

Principalement, on a le FPÖ qui représente le plus grand danger, dans le sens qu’ils sont proches des portes du pouvoir (à ce sujet, le 15 octobre prochain, les autrichien.ne.s vont de nouveau voter pour élire les représentants au Parlement). La plupart des leaders influents du FPÖ sont également membres des confréries étudiantes. Il faut comprendre que les confréries étudiantes influent sur les lignes politiques du parti, et plus généralement sont influentes sur les structures d’extrême-droite.

Le militantisme néonazi est moins fort que dans les années 90, aussi à cause des succès parlementaires. Par ailleurs, des militants néonazis ont été arrêtés par le gouvernement autrichien à cause de leur lien avec le crime organisé et les mafias (object 21 - nom du groupe néonazi dont les membres ont été arrêtés pour incendies volontaires, trafic d’êtres humains, prostitution forcée,...).

Il y a eu aussi un petit mouvement Pegida, et à côté de Pegida (qui est plutôt un échec) plusieurs groupuscules fascistes se sont agités contre les réfugié.e.s . Mais sans grande importance.

Vraiment, les confréries étudiantes jouent un rôle majeur pour l’extrême-droite : viviers de recrutement, soutiens financiers, réseaux politiques, capacité de renouvellement et de formation.

LH : Quelques mots à propos du mouvement antifasciste en Autriche ?

Les antifascistes dans les grandes villes autrichiennes rendent les manifestations fascistes vraiment difficiles, voire réussissent parfois à les empêcher. Nous avons une certaine capacité à empêcher ou s’opposer aux manifestations ou événements d’extrême-droite. On a pas de réponse directe aux succès électoraux du FPÖ, on ne se positionne pas dans cette optique électoraliste.

Une des limites du travail de recherche antifasciste, c’est qu’à force de montrer les collusions entre confréries étudiantes, membres du FPÖ et néonazis (ce qui les a mis en difficulté), sur le long terme ça a participé à normaliser cette relation. Le scandale de ces révélations n’est plus là. Ça ne veut pas dire que l’on ne doit plus faire ce travail.

Le FPÖ par exemple est bien plus accepté maintenant que dans les années 90. En 1999 ils ont eu des membres élus pour la première fois au gouvernement, ce qui a généré d’énormes manifestations antifascistes. Il y avait plus de colère et de révolte face à l’extrême-droite. Aujourd’hui, on est pas sûr que les gens se mobilisent contre un succès électoral du FPÖ au gouvernement.

Cette situation est particulièrement dangereuse actuellement, parce que les idées du FPÖ sont aussi bien acceptées par la société civile autrichienne que par la droite classique. Les conservateurs, par exemple, reprennent les termes et idées du FPÖ pour les intégrer dans leurs programmes. Le FPÖ est aujourd’hui vraiment plus imprégné de l’idéologie d’extrême-droite qu’auparavant : autoritarisme, xénophobie,...

Malgré ces perspectives difficiles, nous continuons à mener nos combats antifascistes et féministes, quoi qu’il arrive !

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