Ça y est enfin ! Hollande a sonné la mobilisation contre l’extrême droite, à grand renfort de refrains appelant au sursaut républicain : « La république face aux extrémismes » [1] ! Qu’on ne s’y trompe pas, ce ne sont pas de vagues valeurs de respect, une morale humaniste républicaine dont on a du mal à déterminer les contours qui contiennent le FN, mais simplement un système électoral républicain qui le tient artificiellement à distance. Le problème est que tant qu’ils continueront sur une voie aveugle et bornée la machine raciste continuera son ascension…
Les antifascistes que nous sommes n’ont plus besoin de faire la démonstration des dangers que malheureusement l’extrême droite sous toutes ses formes nous fait courir. Les partis humanistes, sociaux-libéraux comme le PS semblent prendre conscience d’un phénomène qu’ils refusaient de voir ou qu’ils observaient avec le regard d’un bon père de famille qui attend que son enfant s’assagisse : racisme décomplexé des individus et du monde politique et médiatique, exacerbations des égoïsmes quotidiens, pensée anti-68 et anti-féministe, culte de la compétition et de la concurrence capitalistes, rejet haineux de l’émancipation sociale et du multiculturalisme, acceptation de la hiérarchisation des individus sont un ensemble d’éléments qui ont alimentés les nouvelles idéologies réactionnaires et fascistes.
Aujourd’hui, le PS espère un sursaut de la « gauche » : mais cette « gauche » ils œuvrent à la détruire depuis 30 ans : stigmatisation des idées émancipatrices communistes, libertaires, progressistes, répression politique, lobbying, mise au placard de la pensée intellectuelle et philosophique post-68, rejet de l’idée révolutionnaire et des utopies, destruction du mutualisme, du syndicalisme, des solidarités populaires… Le PS et tous les partis de la libérale-démocratie à l’échelle européenne ont œuvré au démantèlement des idées de gauche au profit d’une idéologie économique démocrate libérale vide de sens et laissant la porte ouverte aux appétits cannibales du système économique capitaliste. Quand ils ne participent pas eux-mêmes à la diffusion et l’acceptation d’une société sécuritaire, de la consommation, de la concurrence et du fric. Sartre que l’on pouvait critiquer sous bien des aspects parlait à juste titre de la gauche comme « ce grand cadavre à la renverse où les vers se sont mis » [2]. Que dirait-il aujourd’hui face à l’aveuglement et l’action actuelle du PS ? En tout cas nous n’avons rien à attendre de leur côté…
Quant à elle, la droite n’a pas été victime du même phénomène. Pourquoi n’a-t-elle pas été affaiblie dans ses fondements politiques, dans ses croyances ?Elle a été ingénieuse : elle a retourné les discours, travesti les mots, les symboles, pour finalement reprendre sa forme la plus dure. C’est son essence qu’elle a réactivé par intérêt politique mais aussi parce que frustrée, aigrie par les attaques du passé elle prend aujourd’hui sa revanche culturelle dans une société qu’elle a su adopter culturellement mais qu’elle a toujours dominé économiquement. Aujourd’hui par exemple elle exalte les pulsions égoïstes, les individus sont ainsi renvoyés à une pseudo liberté qu’ils n’auraient plus, mais la liberté proposée par la droite et la réaction n’est pas une liberté émancipatrice, c’est une liberté illusoire et animale qui laisse tourner les masses dans leur bocal et sauvegarde les élites sous couvert de méritocratie . Elle n’aboutit qu’à une société figée sur elle même, hiérarchisée et profondément autoritaire. Elle aboutit finalement à son but : la fin du rêve égalitaire qu’elle exècre. Le fascisme du FN et de ses alliés, en embuscade, n’est en fin de compte pas si loin et leurs projets de plus en plus compatibles.
Notre situation est la jonction d’idéologies et d’un système : l’idéologie réactionnaire, l’idéologie libérale et le système capitaliste dans sa structure actuelle. Les individus en quête d’un sens, mais aussi de la reprise en main de leurs vies sont ainsi aveuglés idéologiquement et détournés structurellement de leurs véritables ennemis : le système économique capitaliste qui aliène les individus et cultive les égoïsmes, tout particulièrement en période de crise et dans sa forme néolibérale ; les élites du pouvoir économiques et politiques et leurs alliés soutiens du système ; mais aussi eux-mêmes les dominés et plus défavorisés qui sont les relais inconscients et parfois conscients de l’idéologie et du système dominant… Nous pouvons d’ores et déjà nous inquiéter lorsque l’urgence écologique nous poussera à prendre des décisions collectives radicales.
Il reste heureusement de l’espoir : celui d’un réveil et d’une prise conscience organisée, collective, et émancipatrice par les dominés. Car, dans un contexte de confrontation et de remise en question du sens profond de la société, les impostures orchestrées par la mascarade réactionnaire et néo-libérale ne pourront perdurer longtemps face au besoin insatiable de liberté et de justice qui guide naturellement les individus.
Collectif Antifasciste Rennais.