Plus confidentiel et moins marqué politiquement que des symboles tels que la croix celtique, le trident est utilisé comme signe de ralliement par certains mouvements nationalistes, en particulier la branche nationaliste-révolutionnaire et solidariste. L’origine de l’utilisation de ce symbole est assez confuse chez les militants nationalistes. Comme souvent il existe de multiples explications quand à l’utilisation du trident. Parmi les plus folkloriques citons la version « identitaire » qui fait du trident la représentation de la tri-fonctionnalité de la société indo-européenne ( le chasseur/guerrier, le paysans et le clergé). Pour certains le trident serait tout simplement une référence à une époque mythique de l’Europe, renvoyant à Poséidon, voire aux Atlantes.
L’utilisation du trident comme symbole politique au XX ème siècle apparaît au sein des mouvements nationalistes d’Europe de l’Est durant l’entre deux-guerres, en particulier en Ukraine avec le groupe Petlioura. Il s’agit à l’origine du symbole de Saint Vladimir, un saint très populaire parmi les nationalistes ukrainiens. Par la suite il fut le symbole d’un groupe terroriste d’extrême droite russe le NTS. Le NTS (Narodno Trudovoî Soyouz, ou l’Union Populaire du Travail) est né en 1933, fondé par des Russes blancs réfugiés en Allemagne. Anticommuniste, antilibéral, chrétien, le NTS collabore pendant la guerre avec les nazis, en organisant des missions de sabotages et d’espionnage. Après 1945, le NTS est intégré à la stratégie « Stay-Behind[1] » des Américains en Europe. Il devient un groupe terroriste financé par la CIA et basé en Allemagne, chargé d’opérer derrière le rideau de fer mais également de prendre contact avec certains groupes nationalistes. En France, dans les années 50, les membres du NTS français seront soutenus financièrement par l’association anticommuniste « Paix et Liberté », officine américaine de la CIA chargée de financer les opposants au régime soviétique[2].
Il faut attendre la fin des années 60 en Italie et en France pour que certains groupes nationalistes révolutionnaires et solidaristes, à la recherche de nouvelles références, s’approprient le Trident. Il devient le symbole du MJR (Mouvement Jeune Révolution), du GAJ (Groupe Action Jeunesse, scission solidariste du GUD), du GAS (Groupe d’Action Solidariste, scission du GAJ), de l’Action Populaire, du MSF (Mouvement Solidariste Français), du MNR (Mouvement Nationaliste Révolutionnaire) puis de Troisième Voie[3] au début des années 90.
Le Trident fait un timide retour en 2002 lorsque Christian Bouchet (ancien de Troisième Voie, de Nouvelle Résistance et d’Unité Radicale, aujourd’hui au Front National) l’utilise comme symbole pour son site VOXNR, son journal Résistance et son mouvement le réseau Réseau Radical, qui deviendra par la suite l’ultra-groupusculaire association « Les Nôtres ». De 2004 à 2006, Action-Nation, groupuscule lyonnais dirigé par l’ancien membre du FNJ Grégory Gennaro utilisera également le Trident comme symbole. Gennaro abandonnera le trident lors de la transformation d’Action Nation en Mouvement Social Populaire.
Plus récemment, le Trident est revenu sur le devant de la scène nationaliste avec la refondation de Troisième Voie en 2010 par Serge « Batskin »Ayoub.
[1] Au lendemain de la victoire contre les nazis, les Américains et les Britanniques, avec le soutien des services secrets des pays européens, mirent en place des « armées secrètes » chargées de contrer l’avance des soviétiques en cas d’occupation du pays par l’URSS et d’empêcher les partis communistes et socialistes d’arriver au pouvoir par tous les moyens. La plupart du temps ces armées secrètes étaient composés de militaires, d’anciens nazis et de militants d’extrême-droite. Ils étaient soutenus financièrement militairement par la CIA et le MI6 britannique. Le scandale éclata en 1990 en Italie, qui révéla l’ampleur du projet.
[2] La CIA en France , Frédéric Charpier, Seuil, 2008.
[3] Troisième Voie connaîtra une scission qui donnera naissance à Nouvelle Résistance, l’ancêtre d’Unité Radicale. A cette occasion NR abandonnera le trident pour reprendre l’étoile rouge et des symboles nationaux-bolcheviks.