Entre les noms qui accompagnent la lutte antifasciste, se trouve celui d’un jeune militant antifa espagnol, assassiné il y a 8 ans : Carlos Palomino. Le mercredi 11 novembre 2015, des manifestations se déroulèrent pour lui rendre hommage avec pour mots d’ordre « 8 ans sans toi – 8 ans avec toi » et « le meilleur hommage… continuer la lutte » .
A Madrid, le défilé s’élança de la station de métro d’Usera à celle de Legazpi, où il fut tué le 11 novembre 2007. Ce jour-là, un rassemblement anti-migrant était organisé dans le quartier populaire et multiculturel d’Usera par le groupe d’extrême droite Democracia Nacional. Les antifascistes s’étaient donné rendez-vous pour les bloquer.
Carlos se rendait à la contre-manifestation avec ses camarades, en empruntant la ligne 3 du métro en direction d’Usera. Sur la même ligne, un militaire néo-nazi de 23 ans, Josué Estébanez, rejoignait lui la manifestation de Democracia Nacional, mais avec un couteau… Après avoir reconnu le groupe antifasciste, alors que la rame de métro arrivait à la station de Legazpi, il sortit l’arme et la garda derrière lui en cachette [1]. Ne se doutant de rien, le groupe antifa monta à bord. En remarquant la marque « Three stroke » du pull que portait le fasciste, Carlos interpella ce dernier. En guise de réponse, le nazi le poignarda directement au cœur.
A la suite de l’agression, la rame s’est vidée, laissant l’énergumène seul et encore armé. Il regarda dehors, fit le salut nazi aux cris de « Sieg heil » , tourna en rond. Les antifas tentèrent, d’une part, de porter assistance à Carlos et, d’autre part, de saisir l’assassin. Un camarade de Carlos reçut également un coup de couteau, mais sans succomber.
Un extincteur fut vidé, répandant beaucoup de fumée dans la rame. Le fasciste en profita pour s’enfuir en dehors de la station, toujours avec le couteau. Les antifas le poursuivirent et parvinrent à l’arrêter. Quand la police arriva, elle découvrit qu’il était armé également d’un coup de poing américain… Un petit arsenal qui en dit long sur l’état d’esprit qui l’animait en allant au rassemblement fasciste.
Pendant ce temps, la SAMU porta secours à Carlos mais il était déjà trop tard. Il ne put pas voir ses camarades réussir à interrompre le défilé néo-nazi.
Le soir même, une manifestation lui rendant hommage réunit des centaines des personnes à Puerta del Sol. Le slogan classique de l’antifascisme espagnol « Madrid sera la tombe du fascisme » vit d’autres arriver : « Le meilleur hommage… continuer la lutte » , « Carlos, frère, nous ne t’oublierons pas » …
Le militaire nazi fut reconnu coupable d’homicide à caractère politique et condamné à une sentence de 26 ans d’emprisonnement (une peine moins lourde que celle réclamée par les parties civiles). Pourtant, le procès dura plus de deux ans.
Comme toujours, il prétendit être « apolitique » [2], avoir agi par peur et en auto-défense (les images de la vidéo-surveillance montre non seulement qu’il était le seul armé mais aussi qu’il n’avait pas été attaqué). Son avocat alla même jusqu’à prétendre que l’agresseur portait le couteau, long de 25 centimètres, pour… couper des fruits (cf. documentaire « Carlos, un año sin ti, un año contigo » , 4’01’’) !
Comme d’habitude aussi, les médias répétèrent, dès le lendemain, le traditionnel refrain selon lequel l’agression n’avait pas de dimension politique et qu’il ne s’agissait d’une simple altercation entre bandes qui a dégénéré… La machine à amalgamer antifascistes et fascistes tourna à plein régime, surtout avant que les images de l’agression ne deviennent public.
Mais les autorités ne furent pas en reste elles non plus. Dans cette dernière quinzaine de novembre 2007, plusieurs rassemblements d’extrême droite furent autorisés mais pas celui de la Coordination Antifasciste de Madrid, programmé le 24 [3]. En partant d’Atocha, il avait pour objectif de rejoindre à Legazpi, où fut assassiné Carlos, pour y placer une plaque d’hommage.
Bravant l’interdiction, le rassemblement eut bien lieu. Initialement encerclé par un important dispositif policier, un grand groupe de manifestants réussit à s’en libérer. Aux cris de « ¡No Pasarán ! » et « être antifasciste n’est pas un délit » , ils-elles déambulèrent les rues malgré un harcèlement constant des policiers qui à plusieurs reprises tentèrent de les disperser et de leur barrer la route.
Malgré tout, ils-elles atteignirent la ligne d’arrivée. Les antifas formèrent alors un bloc en face des CRS pour protéger ceux qui posaient la plaque sur le lieu où Carlos perdit la vie.
Cette victoire symbolique fut tout un symbole car il donna vie au slogan rendant hommage à ceux-celles qui nous ont quitté trop tôt : « le meilleur hommage, c’est de continuer le combat » . Aujourd’hui, 8 ans plus tard, ces mots résonnent toujours.