Fidèles à elle-même, la mouvance identitaire, assistée de quelques éléments issus du Renouveau français ( cf . photo), s’est lancée dans une nouvelle aventure médiatique. Seraient-ils arrivé à faire l’unité au sein de l’extrême droite radicale ? Pas exactement, car « ils » sont en fait des femmes issues de ces différents milieux, qui se sont associées et nous ressortent un vieux serpent de mer : un groupe de femmes à l’extrême droite. Prétendument actives et pas seulement décoratives (pourtant elles tiennent les banderoles lors des manifs), elles veulent, dans un mouvement pernicieux, faire croire à l’opinion publique que des femmes se mobilisent à droite sur le modèle des mouvements féministes d’émancipation. Mais c’est une imposture, car il n’y a dans ce mouvement aucune valeur d’émancipation, seulement un plaidoyer réactionnaire en faveur du rôle traditionnel de la femme.
Depuis quelques jours, on peut ainsi lire dans la presse mainstream des articles faussement naïfs qui présentent les Antigones, un groupe de jeunes femmes prétendument apolitiques, pas forcément catholiques (mais leur porte-parole si), et surtout sages et calmes. Elles sont souriantes, jeunes et avenantes (pas forcément belles, leur but n’est pas de faire fantasmer tout le monde), maquillées discrètement d’un soupçon de rouge à lèvres et vêtues d’un blanc virginal. Inutile de détailler le « message » politique qu’elles vendent à la presse ; il est bien plus intéressant de creuser leurs références et leurs valeurs, telles qu’elles apparaissent dans leur marketing politique.
Antigone : un mythe
Accompagnant leur logo (une femme qui semble tendre les mains dans un geste de supplication, comme une vierge à l’enfant, mais sans l’enfant), elles se sont affublées d’un (pré)nom évocateur : celui de la vierge martyre de Sophocle, qui se réclame des lois « divines, non écrites et intangibles ». Et les voilà aux prises avec un mythe controversé depuis qu’Anouilh l’a monté à sa sauce sous l’Occupation : ces militantes d’extrême droite, qui veulent s’opposer aux FEMEN, ont choisi cette figure de la mythologie grecque pour se présenter comme les incarnations d’une rébellion féminine qui ferait la peau au féminisme.
Or leur choix est révélateur : Antigone, c’est l’Antiquité grecque, comme un pendant à la sempiternelle Jeanne d’Arc. On se renouvelle à peu de frais, on fait semblant de s’éloigner des carcans catholiques en reprenant les classiques étudiés en classe. C’est donc aussi le choix d’une certaine jeunesse bourgeoise, celui d’adolescentes qui aiment à s’identifier à une fière rebelle issue d’une famille royale. On reconnaît là aussi la patte des Identitaires et leurs figures mythiques un poil transgressives (les apaches parisiens) ; le sanglier quant à lui reste plus difficile à expliquer (Asterix…)
Mais Antigone, c’est celle qui souffre d’être la fille d’un couple incestueux et qui ne sait pas quelle est son identité (dur, pour des Identitaires). C’est la femme qui n’existe pas pour elle-même, qui ne se révolte pas pour ses semblables, mais pour les hommes de sa famille ; celle qui ne se solidarise pas avec l’autre figure féminine de son entourage, sa sœur Ismène, à qui elle interdit de l’accompagner dans sa révolte. C’est la femme qui ne veut exister que par l’homme, son père, son frère, son époux, son fils à venir.
Alors, certes, Antigone va au bout de son engagement : elle brave le pouvoir, mais ce n’est pas elle qui affronte un destin tragique, ce n’est pas elle qui endosse la démesure de la révolte. Sa révolte est sans objet, elle est tournée vers la mort, pas vers les vivants et surtout pas vers ses sœurs les femmes.
Antigones : le mythe de l’engagement féminin à l’extrême droite
Au pluriel, les Antigones ont les mêmes caractéristiques : ce qui leur importe, c’est que la femme reste à sa place comme complément de l’homme. Elles mettent en avant l’idée de complémentarité, qui sape par avance toute idée d’émancipation, toute solidarité féminine. On est en pleine schizophrénie : elles se regroupent entre femmes pour promouvoir non pas leur liberté à conquérir mais pour rappeler qu’elles veulent rester à leur place, comme avant. Leur rébellion face au pouvoir vient appuyer celles de leurs pères, de leurs maris, de leurs frères, de leurs fils à venir ; peu leur importe ce qui peut arriver à leurs futures filles, à leurs sœurs, amies très chères ou mères. Elles cherchent désespérément leur place dans la société qu’elles veulent réactionnaire, ce pour quoi, tournées vers le passé, elles sont prêtes à se révolter. On retrouve ici les caractéristiques de la révolution conservatrice, passéiste et traditionaliste, assorties de ce qui leur donne un petit frisson : la copie de l’engagement des femmes qui travaillent ensemble à leur émancipation, et des méthodes d’infiltration qu’elles voudraient dignes des James Bond girls. Sauf que… la chère Yseul aurait pu être sympa et prévenir ses potes fafs qu’ils allaient se faire ridiculiser par les FEMEN le 12 mai, non ?
Mais qu’elles n’oublient pas ! La vierge de Sophocle va au bout de son combat absurde : elle se pend dans le tombeau où l’a enfermé le pouvoir… comme d’autres sont venus en finir à Notre-Dame.
Tina