GrèceViolences néonazies à Athènes : propagande et réalité

Le 2 novembre, dans le métro, un groupe de 40 néonazis a tendu une embuscade à des anarchistes et de réfugiés qui rentraient d’une manif, tentant même de les brûler vifs. Notre camarade Yannis Youlountas revient sur la communication gouvernementale et sur la propagande d’extrême droite, bien loin de la réalité des faits.

Les mensonges du gouvernement grec
Le pouvoir se drape une fois de plus dans l’habit du chevalier blanc : dans les médias, le gouvernement prétend avoir été neutre, face à deux extrêmes qui « se rejoignent dans des mêmes pratiques violentes » et avoir essayé au maximum de protéger la population athénienne de ces « hordes barbares ». En réalité, comme le montrent les vidéos que nous avons publiées, la police grecque s’est clairement positionnée dans le camp des fascistes et ce n’est pas une surprise. Les néonazis ont été protégés et escortés à plusieurs reprises, au point de faire un petit bout de manif sous protection policière malgré l’interdiction annoncée une semaine auparavant.
Durant le moment le plus choquant, en l’occurrence la tentative de brûler vives des personnes dans le métro, dans la station Monastiraki, la police a longtemps laissé faire, puis elle est intervenue en laissant partir la quasi-totalité des agresseurs (sur l’une des vidéos, on voit même un policier aider un néonazi à récupérer son casque avant de partir sans être inquiété). Un seul néonazi a finalement été arrêté, malgré les circonstances extrêmement graves, les blessures nombreuses et la volonté de tuer.
À l’inverse, dans d’autres quartiers d’Athènes, les antifascistes ont été réprimés violemment par la police. L’exemple le plus terrible est celui d’une jeune antifasciste de 16 ans frappée à la tête par les cow-boys de l’unité de police OPKE, comme le confirment plusieurs témoins, à la fin d’un concert antifasciste organisé le 28 octobre qui a rassemblé 2500 personnes. Elle est actuellement hospitalisée dans un état critique. Presque toutes les autres victimes des violences policières sont des antifascistes, mais aussi des passants qui ont eu la malchance d’être là au mauvais moment et qui ont été chargés et frappés également.
Autre enfumage : le gouvernement se prévaut d’avoir stoppé l’arrivée d’un groupe de 21 fascistes italiens à l’aéroport, deux jours avant l’événement.

Mais il ne pouvait pas en être autrement : ce commando de Casa Pound avait publiquement annoncé son voyage en Grèce et ses intentions violentes. Tout le monde était au courant. L’alerte avait été donnée. Et qui plus est, les membres de ce pseudo commando étaient tatoués de symboles fascistes à gogo jusque sur le visage et n’avait pas que des slips dans leurs bagages. Les laisser venir aurait conduit à refaire ce qui s’était passé en août, quand la police grecque avait laissé venir jusqu’à Athènes plus de 200 supporters néonazis croates du Dynamo Zagreb avec les conséquences qu’on connait : l’assassinat à coups de couteau de notre camarade Michalis Katsouris, militant antifasciste et supporter de l’AEK Athènes, et les blessures graves de plusieurs autres personnes, dont une jeune fille de 13 ans.
Tous les autres invités fascistes sont entrés en Grèce sans problème et on rejoint leurs petits copains néonazis pour le rassemblement. Sauf qu’ils étaient beaucoup moins nombreux que prévu. Pourquoi ? Premièrement du fait de l’interdiction du rassemblement (et du contre-rassemblement) annoncée une semaine avant. Deuxièmement du fait de la forte mobilisation antifasciste, très visible partout dans la rue, sur les murs, dans les médias indépendants et sur internet. Beaucoup de fascistes grecs et visiteurs ont jeté l’éponge bien avant la journée du premier novembre. La preuve : les fascistes n’étaient finalement qu’une petite centaine au rassemblement à la mémoire des deux néonazis tués il y a dix ans (voir photo du rassemblement fasciste en pièce jointe, avec la croix celtique sur le drapeau grec, à comparer avec les photos des rassemblements antifascistes beaucoup plus nombreux).

La com’ bidon des nazis
Du côté des néonazis, c’est le grand n’importe quoi en matière de communication, comme d’habitude. Alors qu’ils ont complètement échoué dans leur projet grandiose de mobiliser « des milliers de nationalistes de toute l’Europe » et de reformer des « bataillons d’assaut » pour préparer « le ménage nécessaire dans une Europe dégénérée » (sic), ils essaient d’isoler deux choses en particulier durant ces derniers jours pour ne pas parler du reste.
Ces deux choses retenues sont le guet-apens sur quelques antifascistes et migrants dans le métro (dont les fascistes se sont dépêchés de tirer des memes sur internet) et la prise d’un petit drapeau anarchiste (un drapeau du collectif de soutien aux migrants du squat Prosfygika, également en pièce jointe).

Concernant le guet-apens dans le métro, ils traitent leurs victimes de « poules mouillées » (y compris sur les vidéos) en oubliant de préciser qu’elles étaient beaucoup moins nombreuses et accompagnées de personnes vulnérables. Nos camarades et compagnons se sont bien sûr défendus, mais l’effet de surprise associé à la menace de l’incendie avec plusieurs bidons d’essence et d’huile (non pas un bidon mais trois) ont perturbé leur défense, dans le chaos et les cris assourdissants. Il y a eu très vite des blessés, dès les premières secondes, et la panique chez les autres passagers.
Concernant la prise du drapeau du collectif de soutien aux migrants du squat Prosfygika (un groupe d’immeubles vétustes squattés au nord d’Exarcheia, juste de l’autre côté de l’avenue Alexandras), il n’y a pas de quoi pavoiser. Ce n’est pas une banderole ni un autre objet collectif, c’est juste le petit drapeau d’un bâton que quelqu’un a perdu dans un affrontement. C’est dire si les néonazis n’ont pas grand chose à montrer !

La réalité sur ce qui s’est passé
Ce qui est à retenir de cette semaine mouvementée à Athènes, c’est d’abord que la mobilisation antifasciste a été importante, épaulée par quelques visiteurs d’autres villes d’Europe (sans oublier des solidaires de squats souvent en provenance d’Europe occidentale, notamment de France, Espagne, Belgique, Suisse et Allemagne). Plusieurs groupes anarchistes dont Rouvikonas ont envoyé leur section antifasciste.

Les assemblées de squats de réfugié-es/migrant-es également, à commencer par le Notara 26 et Prosfygika. Les autres groupes révolutionnaires n’ont pas manqué à l’appel, de même que plusieurs syndicats et organisations politiques, sans oublier les étudiants, les enseignants et les parents d’élèves. Bref, la mobilisation a été forte. Il y avait environ 2500 personnes au concert antifa le 28 octobre et entre 500 et 2000 personnes à chaque manif et rassemblements dans plusieurs quartiers d’Athènes, malgré l’interdiction. Les murs de la ville ont clairement été antifas durant cette semaine, comme souvent en Grèce. Idem sur internet. Il n’y a pas eu photo.

De leur côté, les néonazis grecs et leurs rares visiteurs fascistes ne sont sortis de leur cachette que pour aller attaquer discrètement des migrants dans les rues sombres (au moins trois fois) à 10 contre 1. Ils ne se sont quasiment jamais montré nulle part, ou alors sous protection policière. Et surtout, ils n’ont même pas réuni 100 personnes à leur rassemblement prévu de longue date, à la mémoire des deux néonazis tués il y a dix ans. Un bide complet !
Par contre, ils ont rappelé à quel point ils sont des nazis : vouloir brûler vives des personnes dans un wagon, chasser des migrants dans la nuit… Ils ont également rappelé qu’ils sont des zombies et des froussards : rien du tout en pleine lumière, que des actions de nuit, en catimini, toujours en supériorité numérique, absolument toujours (quand ils m’avaient attaqué au Pirée, je me souviens que leur premiers mots étaient : « c’est bon, il est seul » avant que le métro arrive par chance et que les voyageurs ne viennent me sauver et m’emmènent à l’hôpital, et c’est le cas pour la plupart de celles et ceux qui ont été attaqués).
Au final, « plus de femmes blessées que d’hommes, à la fois par les nazis et par les flics, n’est-ce pas aussi un symbole ? » me souffle Maud à mes côtés. Oui, le sang de plusieurs femmes et adolescentes a coulé, de Monastiraki à Viktoria. Et cela montre aussi à quoi mène leur violence viriliste et patriarcale.

Conclusion
Le gouvernement et sa police ne sont pas des remparts contre les fascistes, ni en Grèce ni en France. D’abord parce que les gouvernements grecs et français sont composés de transfuges de l’extrême-droite (des anciens du LAOS dans le gouvernement Mitsotakis ou encore Darmanin, ancien de l’Action française, dans le gouvernement Borne). Ensuite, parce que la plupart des MAT (CRS) qui ont frappés les antifascistes sont connus pour voter à l’extrême-droite, sans même s’en cacher (tatouages, logos sur leurs tenues, menaces fréquentes…), tout comme beaucoup de leurs homologues dans l’hexagone et ailleurs dans le monde. Enfin, parce que le capitalisme et la société autoritaire produisent le fascisme comme l’orage produit la foudre. Et pas uniquement le fascisme formel, organisé en parti ou en groupe de militants bas du front. Le fascisme en général, présent dans tous les replis de la société autoritaire : dans le couple, l’éducation, le travail, etc.
Tant qu’il y aura des rapports de domination et d’exploitation dans la société, il y aura du fascisme, c’est-à-dire des opinions et des actes exacerbés en la matière, mais qui ne sont qu’un effet loupe de ce que produit naturellement cette société absurde.
Tant que la compétition primera sur la coopération et que les mots liberté et égalité seront vides de sens, il y aura du fascisme sous toutes les formes.
Combattre le fascisme nécessite donc également de lutter plus globalement contre le système politique et économique qui le génère. Un système archaïque, basé sur la hiérarchie, la division et la mise en concurrence des humains.
Voilà pourquoi nous sommes partisan d’un antifascisme radical qui ne combat pas seulement les effets, mais aussi les causes.

Y.Y.