Amnésie sélective et discriminatoirePetite dissection de l’association « Gardiens de la mémoire française ».
« Honorer et préserver la mémoire des personnes tombées pour la France. » Tel est l’objet de l’association « Gardiens de la mémoire française » déposée à Paris en octobre 2024. A première vue on pense à une association d’anciens combattants ou de féru.e.s d’une histoire-bataille remise depuis longtemps au placard. Mais tout ça ne sent pas encore assez fort la naphtaline. Il s’agit d’un faux-nez de l’extrême droite radicale dont l’utilité pratique est de déposer des manifestations en préfecture.
Le 2 novembre 2024, des rues du 5ème arrondissement de Paris résonnent de slogans racistes tel « Français défend-toi, tu es ici chez toi ». Environ deux cents personnes marchent derrière une rudimentaire banderole toute aussi explicite « Martyrs de l’immigration : ni oubli ni pardon ». Cette manifestation un temps empêchée par la préfecture avant qu’un référé ne vienne lever l’interdiction, est la première occurrence médiatique de l’association qui, selon le média d’extrême droite Frontières, « se donne pour mission de préserver la mémoire de ces victimes, souvent reléguées au rang de faits divers avant de tomber dans l’oubli. Le groupe dénonce le manque de réactivité des instances judiciaires face à la violence et appelle à un renforcement des mesures de sécurité et de justice pour protéger les citoyens ».
Ces éléments de langage et ce vernis d’une compassion très sélective qui mélangent déploration d’un pseudo « laxisme judiciaire » et stratégie raciste du bouc-émissaire nous sont désormais familiers. Ils ne masquent rien de la stratégie de récupération par l’extrême droite de ces crimes. La ficelle est grosse mais elle permet de surfer sur l’émoi pour s’ouvrir la possibilité de manifester sans trop de contestation.
L’adresse de l’association correspond à un service de domiciliation qui permet de brouiller un peu les pistes. Comme souvent le bureau se compose du strict minimum légal, deux membres seulement dont le parcours est révélateur. La présidente, Eloyse Gain apparaît dans l’arrêté préfectoral d’interdiction de la manifestation en tant que signataire du récépissé de déclaration de la manifestation. Bien que domiciliée en région parisienne Blast avait évoqué une « Vendée connection » car elle est passée sur les bancs du réactionnaire Ices (Institut Catholique d’Enseignement Supérieur). Voulue par Philippe De Villiers, cette école privée qui profite de nombreux subsides public est régulièrement perçue à juste titre comme une des matrices des élites de la droite réactionnaire, voire comme un espace de rencontre pour des militant.e.s plus bourrin.e.s. Eloyse Gain semble s’épanouir lors de son passage et sera même un temps présidente de Politeia l’association des politistes de l’Ices.

Blast souligne encore son implication dans L’Etudiant Libre et dans SOS Chrétiens d’Orient, une « ONG » d’extrême droite connue notamment pour son inféodation au régime de Bachar el-Assad quand celui-ci saignait la Syrie.
La trésorière, Domitille Casarotto a un parcours gémellaire. Ses premières apparitions publiques remontent à 2021, du côté de Vienne, en tant que porte-parole locale de la Manif pour tous. La jeune femme de 23 ans, catholique tradi est passée par les scout.e.s d’Europe. Etudiante en géopolitique elle se forme lors de l’année scolaire 2023-2024 à l’Institut Libre de Journalisme où règne un entre-soi réactionnaire et dont bon nombre des étudiant.e.s formé.e.s rejoignent ensuite les galaxies médiatique de Bolloré ou de Pierre-Édouard Stérin. Comme Eloyse Gain, Domitille Casarotto œuvre pour SOS Chrétiens d’Orient à plusieurs reprises, elle en est attachée de presse de mai à octobre 2024.

Il est intéressant de noter que si elle fraye avec le milieu néo-fasciste elle n’en assume pas moins son vote pour le Rn, comme elle l’affirme sur Radio Notre Dame.

Elle assume son idéologie d’extrême droite et elle ne se contente pas de servir de prête-nom pour la manifestation du 2 novembre. Elle s’investit dans l’organisation et on la voit tenir la banderole de tête raciste.

Pour cette frange nationaliste qui avait appelé à un évènement « national et populaire », la mobilisation de novembre aura été une déception car elle reste cantonnée aux seul.e.s aux militant.e.s qui font le déplacement d’un peu partout. Et leur agenda mortifère passe vite d’une instrumentalisation à l’autre. Néanmoins les voir défiler dans la rue et recueillir un écho médiatique aussi faible soit-il est un danger que nous ne minorons pas. En conséquence, par vigilance antifasciste toutes ces tentatives d’organisation comme « Les gardiens de la mémoire » doivent être surveillées et démasquées.
La Horde.