En pleine vague de propagande antisémite et d’extrême droite, Memorial 98, organise pour la huitième année consécutive, avec ses partenaires, un rassemblement en mémoire des victimes du pogrom d’État commis par les nazis le 9 novembre 1938, contre les Juifs d’Allemagne, d’Autriche et des Sudètes. Nous reproduisons ici son appel.
À l’appel de Memorial 98 ? mais aussi du Collectif VAN (Vigilance Arménienne contre le négationnisme), de l’association Ibuka-France (Justice et soutien aux rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda), de l’association Fonds Mémoire Auschwitz (AFMA), de VISA, un rassemblement est prévu ce soir à 18 H 30 devant le gymnase Japy (2 rue Japy 75011, métro Voltaire ou Charonne) afin de rendre hommage aux victimes de la Nuit de Cristal nazie et de tous les génocides.
Le gymnase Japy est un lieu particulier de mémoire puisque c’est là que furent parqués les Juifs raflés par la police de Vichy dès 1941, avant d’être déportés vers les camps d’extermination nazis.
Des bougies du souvenir seront allumées avant des prises de parole qui rappelleront que la mémoire des génocides nourrit les combats actuels contre le racisme et le fascisme.
Qu’est-ce que la Nuit de Cristal ?
Lors de cette vague de violences entièrement organisée par les nazis, plusieurs centaines de personnes juives furent tuées et plusieurs centaines d’autres se suicidèrent. A Berlin et Vienne uniquement, 400 morts par suicides ont été dénombrés. Le chiffre total des victimes juives se monte à plus de 2500. 26000 personnes furent arrêtées et pour certaines jetées dans des camps de concentration. 275 synagogues furent brûlées ou détruites.
Dans la montée du nazisme et du fascisme en Europe, la Nuit de Cristal a représenté un jalon important. Les nazis, au pouvoir depuis 1933, franchissaient une nouvelle étape avec cette vague de violences antisémites commises au vu et au su de toute l’Europe.
Les images des synagogues incendiées, des enfants, des femmes et des hommes assassinés, arrêtés en masse, frappés et humiliés en public ne pouvaient pas être ignorées.
Pourtant, en France les informations venues d’Allemagne ne changèrent pas la situation ; ni à la politique de refoulement des Juifs qui tentaient de fuir l’Allemagne, ni à la politique de laissez faire face à Hitler. La France fut ainsi la seule grande démocratie à ne pas avoir dénoncé officiellement les massacres perpétrés dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938.
Anti-pass et étoile jaune
La pandémie du Covid donne lieu dans toute l’Europe à une déferlante de propagande antisémite et complotiste sous la forme la plus violente. Des étoiles jaunes sont brandies par les opposants organisés à la vaccination. On condamne un "pass nazitaire" et compare ce pass à l’inscription sinistre du portail d’Auschwitz.
Dès le 15 mai dernier, les partisans de Philippot se rassemblaient à Orléans, arborant des étoiles jaunes et une banderole "Liberté". Puis se multiplient les pancartes portant le fameux " Qui ?" visant à accuser les Juifs d’être responsables de la pandémie et des prétendus dangers des vaccins.
Le 30 octobre, en Italie, à Novare des anti-pass/vax se déguisent en déportés juifs, entourés de barbelés, pour défiler et arborent même un numéro matricule comme pour les prisonniers du camp de la mort d’Auschwitz.
Zemmour et l’antisémitisme
Les thèses habituelles de Zemmour sont connues et développées depuis des dizaines d’années : racisme, sexisme, attaques violentes contre les musulmans.
En 2014, il a de plus entamé dans son ouvrage Le suicide français une tentative de réhabilitation du régime de Vichy et de Pétain. Ce dernier aurait contribué à "sauver" des Juifs français. Zemmour trouve dans l’attitude de Pétain une justification supplémentaire de la préférence nationale. Pour lui, Pétain a eu raison de livrer aux nazis les Juifs étrangers afin de sauvegarder plus de Juifs de nationalité française.
Depuis, les attaques antisémites de Zemmour recyclent tous les thèmes de l’extrême droite dans ce domaine : contestation de l’innocence du capitaine Dreyfus, condamnation de Zola et des dreyfusards, défense d’un rôle supposément positif de l’État français dans le sauvetage des Juifs français, défense de l’attitude de Maurice Papon pendant la Seconde Guerre mondiale et dénonciation de son procès , critique de la loi Pleven votée à l’unanimité de l’Assemblée nationale en 1972 qui pénalise racisme et antisémitisme et qui entraînerait selon lui « la fin de la liberté d’expression », refus de la loi Gayssot pénalisant le négationnisme de la Shoah, rejet du discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs (1995), rejet du terme même de Shoah qui aurait été substitué par Claude Lanzmann au terme français « Holocauste », reprenant ainsi la litanie du « remplacement »…
L’attaque de Zemmour contre les les familles Monsengo et Sandler, victimes de Mohamed Merah, marque une nouvelle étape de cette pensée d’exclusion. Il écrit dans son dernier ouvrage La France n’a pas dit son dernier mot (2021).
« La famille de Mohamed Merah a demandé à l’enterrer sur la terre de ses ancêtres en Algérie, on a su aussi que les enfants juifs assassinés devant l’école confessionnelle à Toulouse seraient eux enterrés en Israël. Les anthropologues nous ont enseigné qu’on était du pays où on est enterré. Assassins ou innocents, bourreaux ou victimes, ennemis ou amis, ils voulaient bien vivre en France, faire de la garbure en France ou autre chose, mais pour ce qui est de laisser leurs os, ils ne choisissaient surtout pas la France, étrangers avant tout, et voulant le rester par-delà la mort »
Les remarques antisémites abondent dans ces quelques lignes. Ces enfants et leurs parents sont des étrangers car ils fréquentaient une école juive et leurs parents les ont fait inhumer en Israël. Ces parents « faisaient leur garbure en France » c’est à dire qu’ils profitaient de la situation (« faisaient leur beurre ») et de prétendus anthropologues les cataloguent comme étrangers. Au fond, dit Zemmour, le massacre de Toulouse implique des populations qui « assassins ou innocents » ne sont de toute façon pas de chez nous et cette affaire ne concerne pas les « vrais Français ». La référence à des enfants juifs assassinés fait d’ailleurs le lien avec la déportation des Juifs de France, notamment aux 11458 enfants déportés et massacrés. Parmi eux, très nombreux étaient de nationalité française, car nés dans le pays.
Dans ce domaine, Zemmour défend sans cesse la politique de Pétain qui selon lui "aurait donné les Juifs étrangers afin de sauver les Juifs français".
Il reçoit pour cela l’appui de Jean-Marie Le Pen, mentor incontesté de l’antisémitisme dans la vie politique française, qui dans une interview au Monde l’approuve totalement et ajoute « La seule différence entre Eric et moi, c’est qu’il est juif. Il est difficile de le qualifier de nazi ou de fasciste. Cela lui donne une plus grande liberté. »
La judéité de Zemmour ne nous empêche pas quant à nous de le qualifier pour ce qu’il est : un fasciste qui a recours aux thèmes traditionnels de l’extrême droite, racisme, sexisme, antisémitisme, déclinisme et appels répétés à la guerre civile et raciale, comme lors de la Convention de Marion Maréchal en septembre 2019.
L’insistance de Zemmour à réhabiliter Pétain poursuit des buts politiques, comme il l’exprime lui même en indiquant : « C’est mon combat contre la repentance et la culpabilité. On essaye de culpabiliser le peuple français en permanence. »
La réhabilitation de Pétain est à ses yeux nécessaire afin d’assurer la victoire d’une droite dure. Celle-ci inclut une extrême droite, qui est toujours marquée par le sceau infamant de la collaboration qu’il s’agit donc de lever.
Pour Zemmour, l’horizon est d’aboutir à un abaissement de l’Etat de droit et des libertés publiques, d’imposer une "remigration" forcée de nombreux étrangers et d’aller vers une stigmatisation systématique des Français de confession musulmane, mais aussi de Juifs considérés comme étrangers. Sa réhabilitation de Vichy et du maréchal Pétain porte ce dessein : accoutumer les esprits à une politique radicale contre les étrangers, les "ennemis de l’intérieur" et les "mauvais Français".
Memorial 98