AntisexismeLe Rassemblement national et les violences sexistes et sexuelles

Riposte antifasciste Marseille a publié sur son compte Instagram un intéressant article sur le rapport du Rassemblement national aux violences sexistes et sexuelles (VSS). Du discours raciste sur "l’immigré violeur" aux votes des député·es RN sur la question en passant par la réaction du FN au mouvement #MeToo, l’article propose une radiographie de la vision du mouvement d’extrême droite sur la question.

Début avril 2024, une militante du collectif identitaire et anti-féministe Némésis (qui fait de la lutte contre l’immigration « extra-européenne » son unique cheval de bataille, prétendant défendre les « femmes européennes » – c’est-à-dire blanches dans leur logiciel identitaire – contre les agresseurs identifiés comme racisés et/ou musulmans) est arrêtée pour avoir brandi à Besançon une pancarte portant le mot d’ordre suivant : « Violeurs - Étrangers - Dehors ».
Quel rapport, nous dira-t-on, avec le Rassemblement national ?
Eh bien, quelques jours plus tard, de nombreux élu·e·s RN se mettent en scène, brandissant des pancartes arborant ce même mot d’ordre, et ce sur l’ensemble du territoire. Parfois dans l’enceinte des institutions, comme l’illustre ici ces élu·e·s frontistes qui brandissent cet écriteau lors du conseil régional de Bourgogne - Franche-Comté.

En réalité, rien de surprenant quand on parcourt l’histoire de ce parti d’extrême droite.
En effet, le discours sur « l’immigré violeur » se retrouve dès les années 1960 dans la revue nationaliste Europe-Action, s’appuyant sur le groupuscule du même nom et dont le leader était Dominique Venner, intellectuel d’extrême droite ayant fortement inspiré les lignes politiques du FN. Toutefois, la question semble avoir été absente des préoccupations du parti sous Jean-Marie Le Pen.
C’est avec l’arrivée de sa fille Marine Le Pen à la présidence du parti que l’on assiste à un revirement notable : les violences sexistes et sexuelles deviennent un thème privilégié pour ce parti d’extrême-droite, qui n’hésite pas à le lier immédiatement à leur obsession pour l’ « étranger ».
Car devinez qui sont désignés comme les seuls et uniques agresseurs des femmes par les fachos du RN ? Les « immigrés », bien sûr...

LE RASSEMBLEMENT NATIONAL ET LE MOUVEMENT #METOO
À l‘apparition du mouvement #MeToo en 2017, Marine Le Pen s’était montrée sceptique, affirmant qu’elle n’était « pas sûre » que le hashtag #BalanceTonPorc aide les femmes, et jugeant la formulation « extrêmement brutale et injurieuse ».
Après la « tribune Deneuve » défendant une « liberté d’importuner », elle avait également déclaré qu’il y avait « des choses justes d’un côté comme de l’autre ».
Pour mettre en scène le prétendu « virage féministe » du parti frontiste, Marine Le Pen a toutefois été contrainte de s’emparer du mouvement. Mais la question des violences est exclusivement instrumentalisée, visant à renforcer l’idée que les femmes françaises seraient menacées par les étrangers, sans remettre en question les structures patriarcales de la société.
Au Parlement européen, sur la question #MeToo, en décembre 2021, l’ensemble du groupe RN a voté contre la résolution "MeToo et harcèlement : conséquences pour les institutions de l’Union Européenne". Le texte affirmait que "malgré les efforts déployés pour instaurer une politique de ’zéro harcèlement’, des cas de harcèlement sexuel subsistent au Parlement", et préconisait des mesures supplémentaires, telles qu’une formation obligatoire pour tous les élus.
Lors des débats, l’eurodéputée RN Annika Bruna a justifié le vote de son parti en contestant que les violences sexuelles soient alimentées par le sexisme et les "stéréotypes de genre". Pour le RN, "ces cas ne concernent heureusement qu’une infime minorité d’hommes". Le RN s’oppose donc à l’idée d’une formation obligatoire. "La peur doit changer de camp, mais la lutte contre le harcèlement sexuel ne doit ni devenir obsessionnelle ni entraîner une suspicion généralisée", a déclaré la députée Bruna, ajoutant : "Tout ne doit pas non plus devenir la nouvelle inquisition."
Dernier argument avancé : pour le RN, les violences sexuelles touchent marginalement les institutions comme le Parlement, car elles seraient principalement le fait d’hommes issus des milieux populaires immigrés.
C’est écrit noir sur blanc dans le compte rendu des débats : « Où les femmes sont-elles le plus en danger ? Dans les couloirs du Parlement européen ou dans les quartiers ou des villes entières d’Europe, où leur place recule face à la submersion migratoire organisée par l’Union européenne et au laxisme du système judiciaire national ? Le premier lieu à risque pour les femmes, c’est avant tout l’espace public, » affirme Annika Bruna. « De plus, si les problématiques de harcèlement au travail sont aujourd’hui largement connues, dénoncées et combattues, le harcèlement de rue est en augmentation exponentielle et reste totalement impuni. »
Un raisonnement qui repose sur une instrumentalisation et manipulation des chiffres des VSS, typique de l’extrême droite (Marine Le Pen citant par exemple, en novembre 2022, un rapport de l’ONDRP qui affirmait qu’en 2014, « 52 % des viols commis à Paris l’ont été par des étrangers ». Une généralisation erronée selon l’auteur même de cette étude).

QUE VOTENT LES DÉPUTÉS RN À PROPOS DES VSS ?
Leur position est sans équivoque : que ce soit au Parlement européen ou à l’Assemblée nationale, ça vote contre ou ça ne vote pas.
Au niveau européen, en 2016, ils ont voté contre la Convention d’Istanbul, un des premiers instruments juridiques contraignants sur la question des VSS, visant à « créer un cadre juridique complet et une approche pour lutter contre la violence à l’égard des femmes » et se concentrant sur la prévention de la violence domestique, la protection des victimes et la poursuite des auteurs.
Lors du vote sur la loi Schiappa en 2018, destinée à renforcer la lutte contre les VSS, est proposée à l’Assemblée, Marine Le Pen et tous les députés RN sont absents, à l’exception d’un seul qui s’abstient. Pourtant, certains points étaient en accord avec leurs déclarations, comme la création d’une contravention d’outrage sexiste pour punir le harcèlement de rue.

ET QUE PROPOSE LEUR PROGRAMME ?
Puisque le programme du RN met l’accent sur la thématique sécuritaire, le volet de propositions destinées à lutter contre les VSS est apparemment bien rempli : jugement accéléré des ex-conjoints violents, inscription au fichier des criminels et délinquants sexuels pour les condamnés pour outrage sexiste, etc. Pour Marine Le Pen, il s’agit de « rétablir la liberté des femmes et des jeunes filles de circuler sans être importunées ou menacées, en jupe ou en robe si elles le souhaitent ».
Cependant, ces mesures restent vagues et floues. De plus, il est notable qu’aucune mesure ne vise clairement la prévention et l’éradication des violences sexuelles et sexistes, ni l’amélioration de la prise en charge des victimes. L’approche se résume à du punitif et du répressif : renforcer la police, emprisonner, expulser. De plus, réduire les VSS à la simple question de la liberté vestimentaire (allusion certaine à l’impossibilité, dans l’imaginaire fasciste, pour les femmes musulmanes de s’habiller comme elles l’entendent) s’aligne parfaitement avec leurs obsessions sécuritaires, racistes et islamophobes fondées sur le mythe d’une menace étrangère « culturellement incompatible » avec la valorisation occidentale de la liberté individuelle.

LA GESTION DES VSS AU SEIN DU PARTI
La gestion des VSS au sein du RN révèle leur approche généralement biaisée de ces violences : elles ne sont envisagées que comme un instrument au service de leur projet politique raciste, construit sur des slogans vides et des statistiques fallacieuses. En résumé, les violences en elles-mêmes, on s’en désintéresse tant qu’elles sont commises par des hommes blancs.
Au sein même du Rassemblement National, les victimes sont donc marginalisées, leurs témoignages minimisés, et les agresseurs soutenus par la direction du parti.
Ainsi, Marine Le Pen, candidate RN à la présidence qui prétendait « défendre les droits des femmes », réduit les accusations de harcèlement sexuel – accompagnées d’agression physique dans un cas et de menace de mort dans l’autre – à de simples « séparations qui se sont mal passées », même lorsqu’elles impliquent certains de ses proches collaborateurs.

CONCLUSION
Pour le RN, le harcèlement et les agressions subies quotidiennement par les femmes ne sont préoccupants que dans la mesure où ils servent leur agenda raciste, anti-immigrés et islamophobe. Les agresseurs ne se trouvent pourtant pas seulement dans la rue – espace réservé aux hommes dans toute société patriarcale (la rue, cet espace exclusivement réservé aux hommes racisés et musulmans dans l’imaginaire fasciste) – mais dans tous les lieux et toutes les couches de la société, y compris et surtout dans le cercle des proches.
Lutter contre les violences sexistes et sexuelles à la racine, c’est combattre le patriarcat, la culture du viol et les inégalités de genre. La répression seule ne changera rien, d’autant plus lorsqu’elle réduit la catégorie des agresseurs à une minorité, alimentant ainsi la stigmatisation et les discriminations sans aborder les causes profondes du problème. Sur aucun sujet que ce soit, rien à attendre d’une organisation fondamentalement raciste et réactionnaire. Basta.

Riposte Antifasciste Marseille