Un récit de Contre Attaque sur la mobilisation contre la réunion du RN près de Nantes, et de la répression qui a suivi.
Jordan Bardella déclarait samedi 14 décembre : « Je pense que la conquête de l’Ouest commence […] l’Ouest fait partie de ces territoires dans lesquels les scores du Rassemblement national progressent, et dans lesquels nous envisageons de développer notre implantation locale, notamment en vue des prochaines élections ».
Sébastien Chenu, représentant du RN, avait déjà annoncé lors de son passage à Nantes : « La Loire-Atlantique est un territoire plein de promesse pour le RN […] Nous pensons que nous aurons bientôt des élus municipaux, il y a une dynamique ici ».
C’est dans cette optique que le RN multiplie les événements dans l’Ouest et en particulier à Nantes ces derniers mois. Le plan de bataille est annoncé : l’extrême droite teste les réactions locales pour voir où elle peut s’installer, ouvrir des locaux et gagner des mairies.
La riposte, elle, semble encore balbutiante. Samedi 14 décembre, alors que le RN organisait une nouvelle réunion à Orvault, au nord de Nantes, 200 personnes seulement ont répondu à l’appel antifasciste, pourtant largement relayé.
Dans les jours précédents, une intense campagne de collage avait eu lieu dans l’agglomération nantaise, des annonces circulaient dans les manifestations précédentes, un appel « unitaire » avait même réuni plus de 20 organisations signataires… Il y aurait dû y avoir des milliers de personnes pour barrer la route au RN. Cela n’a pas été le cas. Additionner les collectifs signataires ne suffit pas, les organisations de la gauche institutionnelle n’ont visiblement ni la force ni l’envie de mobiliser, même sur un sujet aussi consensuel que l’antifascisme, alors que le RN est plus proche que jamais d’arriver au pouvoir.
Ont-elles en mémoire que l’extrême droite au pouvoir c’est le recul sans fin du droit de manifester, même pour elles, mais aussi l’éloignement des perspectives de victoire des luttes anti-racistes, féministes, écologistes, sociales, pour les droits des LGBTQI+, et contre toutes les discriminations des minorités ?
Samedi 14 décembre donc, un premier rendez-vous dans le centre d’Orvault a eu lieu à 13h, réunissant une centaine de personnes, essentiellement encartée dans des partis. Le maire écologiste, celui qui avait prêté la salle au RN, a osé prendre la parole pour appeler à ne pas manifester jusqu’au lieu de la réunion. Et le pire, c’est qu’il n’a même pas été hué : une seule personne a coupé le maire pour dénoncer ce « bal des hypocrites » tandis que la troupe écoutait religieusement Jean-Sébastien Guitton expliquer que pour combattre le fascisme, il ne faut pas l’empêcher de se réunir.
Dans un second temps, un rassemblement plus déterminé a eu lieu à proximité de la salle, réunissant environ 200 personnes. Sauf qu’il y a avait en face deux compagnies de CRS, un canon à eau, des drones et de nombreux points de contrôles, pour protéger quoi qu’il en coûte la poignée de fachos venue manger du saucisson dans une salle municipale.
Face au cortège, l’État a même déployé la fameuse CRS 8, brigade d’élite, implantée à Nantes à la demande de la mairie socialiste pour « lutter contre l’insécurité », et dont les agents sont envoyés tabasser les contestations. La gauche « rose-verte » qui dirige l’agglomération aura ainsi, le même jour, prêté une salle à l’extrême droite, appelé à se désolidariser de la mobilisation et enfin permis l’envoi de brigades violentes contre les antifascistes. Carton plein.
Le cortège, rejoint et salué par des habitant-es d’Orvault croisé-es en chemin, s’est donc heurté au dispositif policier, avant d’être chargé dans les faubourgs de la ville en tentant de contourner la zone. La CRS 8 a lancé une charge brutale et soudaine, arrêtant quatre personnes. Après avoir à nouveau tenté d’atteindre la salle de réunion par un autre chemin, et face à un rapport de force aussi inégal et une telle débauche de moyens policiers, le cortège se résout alors à se disperser. Mais la répression se poursuit et une partie des manifestant-es subit une nasse sur le retour vers Nantes. En tout, 6 personnes auront été interpellées et placées en garde à vue.
Il faut tout de même retenir des points positifs de cette mobilisation : la députée européenne, qui était l’invitée d’honneur de cette rencontre, a annulé au dernier moment sa venue. Le RN n’a réuni qu’une petite trentaine de personnes, essentiellement des retraités, et n’a aucune base militante locale. Il y avait donc un ratio de presque 10 manifestant-es pour un seul frontiste présent, lui-même protégé par 10 flics surarmés. Et surtout, l’extrême droite sait qu’aucun de ses événements à Nantes et alentours ne restera sans réponse.
Pour autant, seul un rapport de force massif et populaire, débordant les organisations classiques sera capable de déjouer la répression et de riposter efficacement contre l’extrême droite. Il reste à (re)construire.