Je m’appelle Max, j’habite à Angers et je suis un(e) militant(e) antifasciste et intersexe, je suis née au début des années 90 en région parisienne. après ma naissance ma variation génitale (hypospadias [1]) a été opérée dès mes 18 mois. C’était censé être une intervention de routine pour "corriger" un problème de canal urinaire. Cette chirurgie n a tenu que 1 ou 2 ans, et c’est le premier souvenir d’enfance que ces points de suture qui éclatent quand je vais aux toilettes de l’école maternelle. J’ai ensuite subi quatre "rattrapages" de cette chirurgie ratée avec différents chirurgiens de l’APHP, avec d’autres complications jusqu’à mes 7 ans. Vers 11 ans, j’ai subi une ectopie du testicule gauche, c’est à dire la descente par chirurgie d’un testicule dit "ascenseur", fait en réalité pour empêcher le développement à la puberté de caractéristiques sexuelles secondaires jugées plusféminines.
1 an plus tard c’est un de mes anciens chirurgiens à Neker, qui m’a réouvert le bas-ventre pour soit disant refaire la cicatrice qui gonflait. Je n’ ai jamais reçu mes dossiers médicaux complets de la majorité de mes interventions, l’institution, sachant qu’elle est condamnable par les instances du droit international, se protège en nous faisant passer pour une minorité "bruyante" (alors que nous sommes majoritairement invisibles et traumatisées). J’ai découvert bien plus tard que ma variation génitale était bien plus une invagination du pénis (ou un dicklit [2]) qu’un simple déplacement du conduit urinaire, ma petite enfance a donc été traversé par une suite de méatoplasties [3] expérimentales, avec des traitements hormonaux pour faire advenir un sexe "conforme" aux attentes de la société patriarcale.
La découverte d’histoires d’inters ayant échappé.e.s à ces opérations non-consenties ou étant né.e.s avant ces protocoles a été précieuse, nous avons toujours été seul.e.s et sans représentations positives des nôtres, avec l’idée qu il ne fallait pas se plaindre car nous étions "guéris". En réalité nos corps étaient sains, il n’y avait et il n’ y a toujours aucune urgence vitale pour justifier ces interventions.
L’accès au savoir et à la communauté est une nécessité vitale pour toutes les minorités. Mon parcours vers un semblant d’autodétermination a été chaotique, je n’ai jamais vraiment compris mon inadéquation au monde, d’où venait mes syndromes post-traumatiques ni les pensée envahissantes qui ont jalonné mon enfance et mon adolescence. On nous a beaucoup menti et relayé les mensonges du milieu médical. Il a fallu que je fréquente des milieux autonomes féministes et transféministes et que je croise des personnes pleine de courage et de dignité qui m’ont enfin permis de me reconnaître en tant que victime, et non pas en tant qu’enfant malade, frappé par le destin, celleux que la société plaint facilement pour se donner bonne conscience, sans remise en question concrète de comment se reproduit le patriarcat, le racisme, l homophobie et le validisme. Il n y a rien de pire que d être soumis à un diagnostic qui d’un coup détruit tous vos droits fondamentaux. Au nom d’ un soin qui n’en est pas un, on se permet tout sur nos corps. Ces mutilations sont pour les urologues en chirurgie pédiatrique une occasion de parfaire leur technique, d’acquérir du prestige en s’entraînant sur des cobayes que personne ne va plaindre. Iels oeuvrent à la normalisation des corps, à rendre la biologie tristement hétérosexuelle, à maintenir l’illusion d’une binarité des sexes strictement hermétique. Je mise aujourd’hui sur un changement de paradigme, il faut témoigner contre celleux qui nous ont usurpé notre consentement, notre autodétermination, notre intégrité physique et tout ce qui en découle c.a.d notre stabilité mentale, nos situations sociales et nos vie affectives.
J’en profite pour envoyer de la tendresse à tous les militant.e.s qui luttent contre les oppressions et travaillent à construire des réseaux de solidarité, j’envoie aussi beaucoup d’amour aux inters qui me sont si précieuxses dans ce monde hostile, personne n’a l’obligation d’être outé ni de s’infliger la visibilité, prenez soin de ce que vous pouvez mais il faut garder en tête que notre silence ne nous a jamais protégé. Stop mutilations intersexes
Ni oubli, ni pardon
[1] hypospadias = "fente en dessous" en grec, diagnostic utilisé par la médecine pour pathologiser les personnes intersexes qui sont généralement assignés garçon, il existe plus de 40 diagnostics médicaux qui désignent des variations intersexes.
[2] dicklit= pénoclitoris ou simplement gros clitoris, une partie des mutilations des personnes intersexuées étant liés à l’attente sociale d avoir un pénis et/ou un clitoris de forme "acceptable"
[3] méatoplastie = acte chirurgical qui vise à construire à canal urinaire, certains hommes trans souhaitent avoir recours a cette chirurgie après plusieurs années d’hormonothérapie (ici on parle de mutilations sur des enfants, de normalisations non consenties.)